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La « vallée de Lamartine » tarde à revivre malgré le retrait syrien Quand Rustom Ghazalé séjournait à Hammana

Le poète français Lamartine a séjourné à Hammana, et Hammana s’en rappelle fièrement. Rustom Ghazalé a demeuré à Hammana. Hammana s’en souvient, mais sans éloges. Esquisse d’un village de la Montagne qui a vécu sous l’occupation. «La récolte des cerises (de Hammana, délicieuses) se fait au printemps. Or, on était en hiver, et ils avaient froid. C’est pour cela qu’ils coupaient les arbres pour se réchauffer plutôt que d’en tirer profit », explique-t-on. « Ils », c’étaient les troupes syriennes. Et c’est de cette manière que le restant des terres agricoles du village a disparu. Hammana, situé à 1 100 mètres d’altitude, s’était transformé depuis 1977 en caserne militaire pour les troupes damascènes et en centre de renseignements syriens pour les régions du Metn et du Chouf. Les troupes syriennes avaient en effet élu domicile dans plusieurs maisons et terrains, la plupart dans la périphérie du village, que les propriétaires n’ont pu récupérer qu’après le retrait final en 2005. Les vingt-huit ans qu’auront passé les troupes syriennes à Hammana étaient certes désagréables, mais certaines périodes étaient moins noires que d’autres. Ainsi, avant l’invasion israélienne de 1982, la présence syrienne pour les habitants de Hammana était plutôt positive. Certains, notamment les phalangistes, qui avaient quitté le village avec le début des hostilités en 1975, ont pu retrouver leurs demeures en 1977 après l’entrée des troupes syriennes au village, une sorte de protection contre les attaques des milices de gauche, dont le PSP. La présence syrienne à Hammana a aussi empêché les exactions qu’ont connues les localités environnantes dans les années 1982-1983, notamment les massacres intercommunautaires. Mais à l’époque, la plupart des habitants avaient quitté le village. La population se limitait aux personnes de plus de 50 ans, et de surcroît apolitiques ; une centaine de personnes, sur une population initiale de près de dix mille. Mais cela ne veut pas dire que la relation entre la population locale et les troupes syriennes était harmonieuse. Les exactions syriennes étaient loin d’être négligeables. Un habitant de Hammana essaie de donner une image claire de la situation : « Il faut faire la différence entre les officiers de l’armée syrienne, les soldats syriens et les renseignements. » Les officiers n’étaient pas particulièrement désagréables. Ils essayaient de se mêler à la population, rendant service aux habitants dans leurs tâches quotidiennes. Certains officiers avaient même élu domicile avec leur famille à Hammana. Quant aux soldats syriens, en bons conquérants, ils excellaient dans la pratique ancestrale des dépouilles. Plusieurs maisons avaient été « nettoyées » scrupuleusement : meubles, portes, fenêtres, robinets, cuvettes, revêtements… Tout était bon à emporter. Mais, en général, ces soldats, lorsqu’ils n’étaient pas armés, étaient inoffensifs. « Si un habitant tombait sur un soldat syrien dans son champ, il n’hésitait pas à le chasser », affirme un habitant. Par contre, on ne pouvait faire de même avec les membres des services de renseignements, les illustres « moukhabarate ». Le poste de Hammana était la dernière étape des arrestations plus ou moins arbitraires de cette région de la Montagne avant Anjar. Situé sur la place même de Hammana, il a semé la terreur dans le village et dans la région, surtout après l’invasion israélienne. Il comportait des chambres d’interrogatoires dotées de moyens de tortures avec les moyens du bord. On pouvait être arrêté arbitrairement pendant quelques jours dans le poste de Hammana, subissant les pratiques inacceptables de la « maison ». Si l’on n’était pas relâché, on était transféré directement à Anjar. Les plus malheureux continuaient leur calvaire au-delà des frontières, parfois pour des années. C’est Rustom Ghazalé, commandant de la région à l’époque, qui tiendra le poste la majeure partie des années 80. Alors que son prédécesseur était plutôt discret, lui était moins apprécié de la population locale. « Désagréable », « cruel », mais aussi « despote », les habitants rentraient chez eux lorsqu’ils apercevaient au loin sa voiture allemande ou la 4x4 des renseignements syriens en patrouille. Parfois, Rustom Ghazalé se faisait inviter ou s’invitait aux soirées du village, rarement dans le but de tisser des liens sociaux avec les habitants… Il raffolait de cigares et de whisky. À une certaine époque, lorsqu’un incident survenait au village, entre les habitants ou avec des personnes tierces, et alors même que le poste de gendarmerie libanaise était présent, ce sont les renseignements syriens qui s’occupaient de régler les différends. Les renseignements intervenaient dans tout, en exerçant des pressions et en proférant des menaces parfois sur des sujets insignifiants. Et, lorsqu’un habitant était arrêté, il existait quelques personnes proches des renseignements et qui utilisaient cette proximité afin d’intercéder en sa faveur. Après 1992, ces pratiques ont continué, mais elles sont devenues avec le temps moins fréquentes, mais toujours aussi efficaces. Aujourd’hui, les troupes syriennes ne sont plus, mais Hammana est loin d’avoir retrouvé son essor d’antan. Bruno BARMAKI

Le poète français Lamartine a séjourné à Hammana, et Hammana s’en rappelle fièrement. Rustom Ghazalé a demeuré à Hammana. Hammana s’en souvient, mais sans éloges. Esquisse d’un village de la Montagne qui a vécu sous l’occupation.

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