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EN LIBRAIRIE - « Les phénomènes extraordinaires de la foi », de Patrick Sbalchiero Le surnaturel chrétien, ou la chair habitée par l’Esprit

Historien et journaliste, Patrick Sbalchiero, qui a notamment publié une Petite vie de Padre Pio et dirigé un Dictionnaire de l’extraordinaire chrétien, vient de publier chez Desclée de Brouwer un nouvel ouvrage, Les phénomènes extraordinaires de la foi (*). Ces phénomènes extraordinaires, ce sont les miracles associés à la vie des grands saints, et notamment les apparitions, stigmates, «bilocations», extases et lévitations. Ces phénomènes sont apparus, au XXe siècle, chez de grands témoins de la foi comme Padre Pio ou Marthe Robin. Ce ne sont pas les seuls, mais Sbalchiero, dont l’ouvrage a pour origine un cours donné à l’Université de Nantes, s’y limite. On sait combien ces phénomènes sont fascinants et inexplicables pour la science. On sait aussi combien il peut être facile de les évoquer sans références théologiques précises, en général pour les réduire à des fables insignifiantes ou, au contraire, à un merveilleux confondu avec le fabuleux. On cherche aussi à les réduire à des manifestations pathologiques ou inconscientes, ou encore au paranormal, quand ce n’est pas au diabolique ou à de vulgaires supercheries. Sbalchiero passe en revue, dans son ouvrage, toutes ces hypothèses, pour les exclure l’une après l’autre. Ces phénomènes, vient-il à constater, ne sont pas réductibles à des lois physiques connues. Ils relèvent d’un autre ordre de réalité, d’une «réalité transfigurée», impossible à reproduire en laboratoire, sous hypnose, ou en développant ce qu’on appelle les «pouvoirs secrets» de l’homme. L’ordre de réalité dont relèvent ces phénomènes est celui de la foi, propose Sbalchiero. Chacun d’entre eux est composé de deux éléments: le fait et le sens. L’exemple des stigmates illustre bien ce propos. Les faits d’abord: les stigmates sont des plaies de dimensions variables localisées aux mains, aux pieds, à la tête, au côté, évoluant d’une façon atypique sur le plan clinique. Le sens: les stigmates sont une participation du stigmatisé aux souffrances du Christ, il s’agit d’une communion aux souffrances de la Passion. L’auteur montre comment le surnaturel chrétien est très différent de la catégorie du «merveilleux». Le merveilleux est un fait prodigieux n’impliquant pas systématiquement une dimension spirituelle, tandis que le surnaturel est un fait prodigieux ayant toujours une signification spirituelle et morale. Le surnaturel, précise aussi Sbalchiero, est à distinguer de l’irrationnel, de l’hallucinatoire, qui implique une difficulté d’adaptation mentale au monde réel, et parfois un récit délirant, alors qu’au sortir d’une extase religieuse avec vision, on est capable de dire sa vision en un langage structuré, cohérent, bien que parfois la personne ait de la difficulté à en saisir le sens littéral. Ainsi, en 1858, Bernadette Soubirous a-t-elle transmis l’identité de l’apparition de la grotte de Lourdes sans en comprendre les termes: «Je suis l’Immaculée Conception.» Le surnaturel chrétien, dit admirablement Sbalchiero, «est une ouverture au dialogue entre deux libertés», celle du Christ et celle d’une personne. En soi, précise-t-il, les miracles depuis le début du christianisme ne sont ni indispensables, ni même nécessaires à la foi. Ils n’y ajoutent rien. Ce qui fonde la foi, c’est le «surnaturel ordinaire»: l’Évangile, la prière, les sacrements. Ce qui ne signifie pas que le «surnaturel extraordinaire» soit insignifiant, au contraire. Il est intrinsèquement lié au message évangélique. Le miracle, c’est le signe du Royaume à venir dans les modalités présentes. Il a une portée théologique et un ancrage historique. Il se comprend à la lumière de la foi vécue à travers l’histoire des communautés chrétiennes depuis les temps apostoliques. Saint Joseph de Cupertino Cité par Sbalchiero, en conclusion de l’ouvrage, saint Joseph de Cupertino (1603-1663) est l’exemple le plus célèbre des chrétiens sujets à la lévitation. Saint Joseph de Cupertino fut surnommé «le moine volant». Né en Italie dans une famille très pauvre, il entre chez les franciscains en 1625 et sera favorisé, à partir de 1630, d’extases, de «bilocations», de visions. Ce sont ces lévitations qui assureront sa «renommée», au point qu’il sera pourchassé par l’Inquisition. En état d’extase, Joseph s’élève parfois jusqu’à quatre mètres du sol. Seule l’obéissance religieuse est capable de le ramener en lui, comme en fit l’expérience un jour le pape Urbain VIII, en visite au couvent où se trouvait Joseph. Le pape fut témoin d’une lévitation, interrompue par un ordre de son supérieur. C’est là une constante de la spiritualité catholique: le Ciel place systématiquement l’obéissance au-dessus des grâces mystiques. Sbalchiero effleure, sans s’y attarder, la question des extraordinaires souffrances qui marquent souvent la vie des saints et saintes qui jouissent de faveurs mystiques. Il s’agit sans doute d’un complément nécessaire à ces grâces et d’un prolongement naturel de son analyse. Obéissance et souffrance renvoient aussi à celles du Christ qui, nous dit l’épître aux Hébreux, «tout Fils qu’il était, apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance (…)». On a dit que les explications naturalistes ne peuvent rendre compte de l’extraordinaire chrétien. À la limite, elles en viennent même à être malhonnêtes. Ainsi, la réduction des stigmates au pathologique, à l’hystérie, tant de fois invoquée, tombe toute seule devant le bon sens dont les personnes stigmatisées font preuve. Si une explication doit être avancée, et c’est à elle que se réfère Sbalchiero, c’est qu’à la Résurrection, une humanité transfigurée est née. Positivisme? Si tel est le cas, c’est d’une véritable «mutation» qu’il s’agit, d’une évolution que laisse deviner audacieusement saint Paul qui affirme vouloir «compléter ce qui manque aux souffrances du Christ, pour son corps qui est l’Église». C’est la mutation d’un monde «qui gémit dans un travail d’enfantement», dans l’attente de sa «rédemption». Voilà l’anthropologie nouvelle que laisse entrevoir l’ouvrage de Patrick Sbalchiero, et qu’il définit en disant: «Le surnaturel chrétien, c’est la chair habitée par l’Esprit.» Fady NOUN (*) Patrick Sbalchiero, Les phénomènes extraordinaires de la foi, Desclée de Brouwer, 187 pages, 18 euros.
Historien et journaliste, Patrick Sbalchiero, qui a notamment publié une Petite vie de Padre Pio et dirigé un Dictionnaire de l’extraordinaire chrétien, vient de publier chez Desclée de Brouwer un nouvel ouvrage, Les phénomènes extraordinaires de la foi (*).
Ces phénomènes extraordinaires, ce sont les miracles associés à la vie des grands saints, et notamment les...