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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - «Haki Neswan», de Lina Khoury, au Madina jusqu’au 16 avril Un décapant déballage du sexe féminin

La mode est à tout dire. Sans réserve, sans concession, ni fausse honte. Nos pudibondes grands-mères auraient peut-être détourné les yeux. Nos mères en sourient discrètement, de connivence, nos épouses souscrivent sans nul doute et nos filles en rient déjà peut-être comme d’une «chose» de grands-mères dépassée… De quoi parle-t-on? Pas de la politique, bien entendu, un laïus dont on est las, ni du sexe des anges, un sophisme bien creux. Mais l’on s’entretient de ce qui préoccupe la planète entière, de diverses manières il est vrai, c’est-à-dire, pour plus de précision et de clarté, du sexe féminin… Comprendre par là l’organe féminin qu’on nomme en intimité, cliniquement ou avec grivoiserie mais pas si couramment, en tout détachement ou simplicité. Le vagin sans pompe, quolibets ou déférence exagérée…Le juste milieu des choses. Avec naturel et sans surenchères. Admettre c’est reconnaître et reconnaître c’est aimer… Largement et généreusement inspiré du Monologue du vagin qui a été un succès et triomphe dramaturgique international, Haki Neswan (Propos de femmes) de Lina Khoury en est une version libanisée, dont elle signe aussi la brillante et tonique mise en scène. Une version corrosive, hilarante et poignante. Une version corsée, invitant certes à la moquerie des idées sclérosées et trop bien reçues, mais aussi à une réflexion et un comportement plus sains. Cette pièce aux dialogues crus et d’une terminologie inhabituelle sur une scène libanaise met sous les feux de la rampe, courageusement et avec une verve caustique, l’intimité la plus profonde et la plus absolue des filles d’Ève. Au grand soulagement et à la revanche (sans rancune) des femmes présentes dans la salle puis à la découverte, aux bords de l’ébahissement, des mecs applaudissant (ou s’inquiétant!!!) de cette joyeuse détermination et brave marche des «machettes». Qu’on nous passe l’expression de «machettes», car on s’interroge toujours s’il y a un féminin pour le terme de macho! Scène nue pour quatre chaises et quatre poubelles qui se transforment, au fil du spectacle, en garde-robe pour accessoires de scène. Et surgissent, toutes de noir vêtues, quatre comédiennes (Nada Abou Farhat, Carole Ammoun, Rita Ibrahim et Zeinab Assaf) qui vont littéralement mettre le feu aux planches et au public! Émouvantes confidences crues de femmes… Pour toutes les femmes du monde et plus particulièrement pour les femmes libanaises (dont il s’agit ici des extraits confidentiels sans voiles), voilà un kaléidoscope d’images délirantes où l’érotisme féminin, les zones érogènes et les rapports de la parité femme-homme sont revisités en dialogues acidulés, vitriolés et touchants malgré de grands rires libérateurs. Du courage, beaucoup de courage dans ces propos de femmes qui, en mettant bas tous les masques de l’hypocrisie, ne laissent absolument plus rien à l’ombre. Elles détruisent pour mieux construire! Pas de propos futiles ou inutilement provocateurs, mais des propos longuement réfléchis, des cris du cœur (et du corps) pour crever l’abcès et se faire mieux entendre et surtout comprendre. Pour une plus grande harmonie, un épanouissement et une réconciliation avec soi et avec les autres. Un linge sale qu’on lave (qu’on aurait dû peut-être même laver bien avant) en toute délicieuse insolence et un émouvant sens de l’équité sexuelle. Une vie sexuelle meilleure et un droit au bonheur se défendent comme un féroce combat contre les idées noires, arrêtées et stériles de dérangeants bigots! Un vif déballage absolument décapant. Tendez bien les oreilles, sans crier au scandale ni jouer aux jocrisses et aux pharisiens, bonnes gens de tous bords. La vérité libère, souvenez-vous en! En douze séquences d’une drôlerie parfois à se tenir les reins de rire (notamment quelques numéros d’une cocasserie extrême, admirablement rendus par une Zeinab Assaf plus vraie que nature dans son rôle de vieille coquette insatiable) et parfois où l’on écrase une larme au bord des yeux, l’essence féminine est dévoilée en toute délicieuse impunité. De la découverte de «Coco» (commode terme de scène pour désigner la chatte) jusqu’aux problèmes des poils pubiens, en passant par l’horreur du viol, les frémissements de l’amour, le saphisme, les violences conjugales, les maladies «gynécologiques», les menstrues, les portraits des mondaines, des intellectuelles, des bécassines, les affres et l’hystérie de la ménopause, tout des parcours chaotiques et tourmentés des femmes est soigneusement épinglé, répertorié, commenté sur un rythme trépidant et un ton grinçant. Avec «Coco» qui revient en point de mire, comme une indéfectible arme de combat! Une première dans les annales du théâtre libanais d’expression arabe dans le courage de parler et de faire. Mots et gestes où la femme est absolument mise à nu dans une illustration et défense bravant tous les tabous et interdits. Sans larmoyer ou faire du pathos, ces diablesses de comédiennes et leur talentueuse metteur en scène, tout en secouant les spectateurs, ont mis du baume au cœur. Cela faisait longtemps qu’on n’a pas eu un théâtre de cette force et de ce gabarit. Dans leurs dernières créations dramaturgiques, Chérif Abdelnour et Nidal Achkar avaient déjà frayé le chemin audacieux de ceux qui osent tout dire sans ambages. Les secrets d’alcôve ont éventé un peu de leur opaque secret et les lits défaits ont pris de droit la parole. Et leur vocabulaire est loin d’être tristement châtié. C’est tant mieux, pourquoi garder tant de tourmente qui pèse sur le cœur: le plaisir est immédiat et la vie trop courte! Toutes affaires cessantes, il faut être du côté de ces demoiselles au verbe si naturel, si incendiaire. Ce charmant gang de filles d’Ève au Masrah al-Madina a carrément cassé la baraque. N’écoutez pas les coincés et les timorés, allez applaudir de toute urgence celles qui sont sur les lignes de front d’une révolution que plus rien n’arrête… Edgar DAVIDIAN

La mode est à tout dire. Sans réserve, sans concession, ni fausse honte. Nos pudibondes grands-mères auraient peut-être détourné les yeux. Nos mères en sourient discrètement, de connivence, nos épouses souscrivent sans nul doute et nos filles en rient déjà peut-être comme d’une «chose» de grands-mères dépassée… De quoi parle-t-on? Pas de la politique, bien...