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Actualités - OPINION

Perspectives - Les dirigeants syriens ne semblent pas avoir abandonné leurs desseins hégémoniques Du danger d’un relâchement de la vigilance des parties souverainistes

Les relations entre le Liban et la Syrie à travers l’histoire contemporaine sont tout le contraire d’un long fleuve tranquille. Dès les lendemains de la première indépendance du pays, en 1943, elles sont plutôt le reflet d’une hostilité chronique et l’expression d’une volonté hégémonique, au mieux d’une attitude paternaliste de la part de Damas à l’égard de son petit voisin. Pour illustrer les turbulences qui ont constamment jalonné ces rapports bilatéraux, il suffit d’emprunter une machine à remonter le temps et d’effectuer un rapide survol de la presse locale du moment. À la suite de la rupture de l’union douanière entre les deux pays, le 13 mars 1950, Georges Naccache s’élevait ainsi, dans les colonnes de L’Orient, contre la « violence inouïe de l’attitude syrienne ». Près de deux ans plus tard, après les multiples péripéties qui avaient précédé la signature de l’accord économique libano-syrien, le 4 février 1952, René Aggiouri, alors rédacteur en chef de L’Orient, dénonçait « le complexe antilibanais » qui existe « dans les milieux économiques et politiques syriens ». Les mesures vexatoires diverses à l’encontre du pays du Cèdre se multipliant (fermeture prolongée des frontières, restrictions de toutes sortes…), Michel Chiha soulignera vertement, dans les colonnes du quotidien Le Jour, le 10 février 1954, que « la Syrie nous croit un pays sans passé et sans avenir, alors que nous lui opposons tranquillement soixante siècles d’histoire ». En ce début du XXIe siècle, les termes de ces extraits d’éditoriaux restent largement valables au regard de l’attitude des actuels dirigeants de Damas vis-à-vis, à titre d’exemple, du Premier ministre, Fouad Siniora, des ténors de l’alliance du 14 Mars, et, d’une manière plus générale, de l’ensemble des Libanais – plus particulièrement les journalistes, intellectuels et cadres politiques – qui s’opposent à la tutelle syrienne. Les toutes récentes déclarations du nouveau chef de la diplomatie syrienne, Walid Moallem, au sujet du caractère « prématuré » de l’établissement de relations diplomatiques ou de l’opportunité de l’organisation d’élections législatives anticipées (au Liban…) montrent à quel point l’on a du mal sur les bords du Barada à admettre l’idée d’une entité libanaise indépendante, souveraine, ayant sa propre spécificité. Les dirigeants syriens ont donc la nostalgie de la tutelle implacable qu’ils ont imposée quinze ans durant sur le pays du Cèdre. Ils ne désespèrent sans doute pas de pouvoir encore réaliser leur (très) vieux rêve d’un Anschluss ayant pour cible le Liban. C’est du moins ce qui ressort de leur attitude et de leurs prises de positions publiques ces derniers mois. Une attitude, soit dit en passant, qui ne semble pas avoir convaincu certains courants souverainistes qu’il est erroné de bâtir des alliances, fussent-elles tactiques, ou de se livrer à des calculs politiques en se basant sur le seul fait que le danger syrien est totalement et définitivement écarté. À la lumière de l’obstination dont paraît faire preuve la Syrie dans ses desseins hégémoniques, un relâchement de la vigilance des parties souverainistes risquerait de remettre en cause les principaux acquis de la révolution du Cèdre. Le Liban continue de bénéficier, à ce jour, d’une dynamique internationale sans précédent en sa faveur ; une dynamique qui se traduit par le soutien ferme des États-Unis et de la France, d’une part, et par l’intérêt soutenu manifesté par le Conseil de sécurité de l’ONU à l’égard des différents aspects du dossier libanais, d’autre part. Ce regain d’intérêt correspond sans nul doute à des choix géopolitiques stratégiques pris par les grandes puissances. Mais il pourrait s’atténuer avec le temps, évoluer, devenir plus nuancé, en fonction de la conjoncture du moment ou de l’émergence de nouveaux facteurs externes. Il faudrait par conséquent que les Libanais aient consolidé et « blindé » leur indépendance nouvellement reconquise pour empêcher tout retour en arrière, pour éviter que les changements politiques vitaux (et historiques) intervenus l’an dernier sur la scène locale ne soient remis en cause par d’éventuelles nouvelles donnes internationales. Le Premier ministre a déclaré à plus d’une reprise ces dernières semaines que le régime syrien devrait s’habituer à l’idée que le Liban est un pays libre et souverain. L’histoire est, certes, une marche en avant sur ce plan et l’évolution de nos rapports fiévreux avec Damas durant les six dernières décennies a apporté la preuve que les convoitises de notre voisin de l’Est finissent toujours par se heurter au mur des spécificités locales et de l’attachement profond des Libanais aux libertés publiques et individuelles. Mais il ne faut tout de même pas tenter le diable. Car les événements ont prouvé aussi que lorsque la fièvre de la mésentente s’empare du tissu social libanais, c’est la souveraineté qui s’en ressent sérieusement. Et comme corollaire, le pays risque de se retrouver entraîné, une fois de plus, dans un nouveau cycle de soumission et de suivisme désobligeants. Michel TOUMA
Les relations entre le Liban et la Syrie à travers l’histoire contemporaine sont tout le contraire d’un long fleuve tranquille. Dès les lendemains de la première indépendance du pays, en 1943, elles sont plutôt le reflet d’une hostilité chronique et l’expression d’une volonté hégémonique, au mieux d’une attitude paternaliste de la part de Damas à l’égard de son petit...