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Actualités - REPORTAGE

Aziza Htira, députée, dresse un tableau de la condition féminine dans son pays Au royaume des hommes arabo-musulmans, l’exception tunisienne…

De notre envoyée spéciale en TUNISIE, Mariam SEMAAN En ce début du XXe siècle, alors que le monde est devenu un village planétaire et que des vacances sur la Lune vont bientôt être proposées par les agences de voyages, la majorité des femmes du monde arabo-musulman ont encore besoin de l’autorisation de leur père, frère ou mari pour passer les frontières de leur pays. Force est de constater donc que, malgré d’infimes percées, l’émancipation véritable de la femme dans les pays de tradition musulmane n’en est encore qu’au stade préliminaire. Les revendications des défenseurs des droits de la femme se heurtent à la réticence au changement de la part des dirigeants qui s’appuient volontiers sur une interprétation rigide des préceptes de l’islam. Exception à la règle : le cas, inédit, de la Tunisie. La femme y est l’égale de l’homme, et cette parité est inscrite dans la Constitution et les textes législatifs depuis 1956. Cette situation privilégiée est le fruit d’une longue évolution, mais préserver les acquis est toujours un combat quotidien, et beaucoup reste à faire pour que les textes soient vraiment appliqués, comme l’explique Aziza Htira, députée et présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne, la plus ancienne et puissante association de femmes du pays. Si les mouvements réformistes ont lancé leurs premières revendications dans les années 1920, les Tunisiennes doivent leur situation privilégiée à l’esprit avant-gardiste du président Habib Bourguiba, artisan de l’indépendance et du progrès social de ce petit pays du Maghreb. Ce laïc éclairé a en effet rapidement pris ses distances avec l’islam et réussi à imposer un « code du statut personnel » conciliant les valeurs arabo-musulmanes et les principes universels de justice et d’égalité. De quoi révolutionner les mœurs sociales. Abolition de la polygamie, institution du divorce judiciaire, âge minimum pour le mariage fixé à 17 ans pour la fille, pension alimentaire obligatoire et, dernièrement, droit de la Tunisienne à transmettre la nationalité à ses enfants… Au niveau de la vie privée, la Tunisie se situe dès lors à des années-lumière des restrictions imposées au nom d’une certaine interprétation de l’islam dans les autres pays arabes. Pour Aziza Htira, « l’islam véhicule les valeurs de protection, d’équité et de vie conjugale harmonieuse. Il est interprété de façon éclairée en Tunisie, et toutes les lois sont conformes à notre religion. Nous sommes même beaucoup plus en conformité avec notre religion que d’autres pays ». Dans le domaine de la santé, les acquis sont également remarquables, car la politique de planning familial adoptée garantit la liberté de contraception et autorise même l’avortement dans certains cas. À la base, cette politique a des justifications économiques : « La Tunisie est un pays aux ressources limitées, il est donc indispensable de pouvoir planifier les naissances en fonction des possibilités économiques de chaque famille, sinon la population risque de mourir de faim ! » Aujourd’hui, maîtriser sa procréation permet à la femme de se consacrer davantage à sa vie professionnelle et familiale. Concernant l’éducation, le droit à l’instruction proclamé depuis 1958 est devenu depuis 1989 une obligation pour tous les enfants âgés de 6 à 16 ans, et en 2004-2005, le taux de Tunisiennes scolarisées à 6 ans a dépassé les 99 %. Jusqu’à récemment, les filles se dirigeaient plutôt vers des spécialisations littéraires. Aujourd’hui, elles sont encouragées à choisir des branches scientifiques ou de recherche, afin d’équilibrer le marché de l’emploi et d’éviter la saturation dans certains secteurs. « Les femmes sont omniprésentes dans l’enseignement ou dans le secteur pharmaceutique. Mais il reste beaucoup à faire concernant leur participation à la vie publique. L’objectif du gouvernement est que, d’ici à 2009, les femmes occupent 30 % des postes de décision. À terme, il faut qu’on atteigne la parité, car aujourd’hui, le pourcentage de femmes dans la vie active n’est que de 25 % », explique Mme Htira. Si les textes sont clairs, l’idée de partenariat entre l’homme et la femme est-elle pour autant solidement ancrée dans les mentalités ? « Un travail de sensibilisation est mené depuis des dizaines d’années pour faire évoluer les mentalités, pour faire en sorte que le Tunisien considère la femme comme une partenaire. Mais c’est un travail de longue haleine qui commence en Tunisie au niveau des manuels scolaires, où l’on apprend aux hommes le respect des femmes, et qui, plus tard, passe par des explications sur l’avantage que peut tirer la société et la famille d’une égalité entre les deux sexes », affirme Mme Htira. Une mission à laquelle s’attellent les organisations de défense des droits de la femme, véritable lobby dynamique, ainsi que le ministère des Affaires de la femme, de la famille et de l’enfance. Deux entités qui ont également la lourde tâche de préserver des acquis que plus personne ne conteste, certes, mais qui n’ont pas encore été tous mis en œuvre. Devant la volonté d’équité dont font preuve les autorités à l’égard des femmes, on ne peut que s’étonner de ce que cette ouverture d’esprit ne s’étende pas à l’ensemble des droits de l’homme, souvent bafoués en Tunisie. À quand donc un code pour le respect de la liberté d’expression, qui engloberait le droit à la liberté de la presse, le droit à la critique, le droit à une véritable opposition démocratique, ou encore le droit à manifester pacifiquement sans se faire tabasser ?

De notre envoyée spéciale en TUNISIE, Mariam SEMAAN

En ce début du XXe siècle, alors que le monde est devenu un village planétaire et que des vacances sur la Lune vont bientôt être proposées par les agences de voyages, la majorité des femmes du monde arabo-musulman ont encore besoin de l’autorisation de leur père, frère ou mari pour passer les frontières de leur...