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Actualités - CHRONOLOGIE

RENCONTRE Invitée du Festival al-Bustan, elle a donné une conférence sur Mozart Nadja Kayali : « L’Orient, source d’inspiration et de… peur »

À chaque fois que Nadja Kayali entend la musique de Mozart, la larme lui vient à l’œil. « Il interprète l’amour comme nul autre pareil », dit-elle, toute émue. La musicologue, dramaturge et metteur en scène sait de quoi elle parle. Elle a étudié son sujet – la vie, l’œuvre du compositeur autrichien – sous toutes les coutures. C’est son admiration pour son compatriote – elle est autrichienne par sa mère – et son attachement à ses racines orientales – son père est aleppin – qui l’ont poussée à chercher l’origine des turqueries du génie dont on fête le 250e anniversaire cette année. Le compositeur autrichien, à l’ego surdimensionné, n’avait-il pas cette réplique jubilatoire lorsqu’on l’interrogeait sur le secret de son génie ? « Le vrai génie sans cœur est un non-sens. Amour ! Amour ! Amour ! Voilà l’âme du génie.» La passion, la tendresse, l’admiration et le désir ne sont donc pas étrangers à la musique de Mozart. Mais, selon Kayali, ce serait plutôt la peur qui serait à l’origine de l’inspiration turque de Wolfgang Amadeus. « Aux XVIIe et début XVIIIe siècles, l’Empire ottoman fascine l’Europe, tout y est sujet d’admiration, explique-t-elle. La Turquie s’apparente au raffinement du Grand Turc, au faste des costumes, au mystère du harem ou à l’opulence avec des produits comme le café. C’est l’époque des turqueries qui se prolonge au XIXe siècle à travers les récits des voyageurs “ romantiques ” (Lamartine, Loti). Mais le XVIIIe siècle est avant tout le siècle des Lumières et les concepts des philosophes européens ont vocation universelle. Le Turc devient l’image de l’infidèle, du tyran, du barbare ou du destructeur ». Selon Kayali, c’est pour sublimer la peur que Mozart s’est inspiré de l’Orient, de ses derviches, sultans et harems. Le «siegspiel» Enlèvement au sérail est là pour le prouver. Le Turc représente l’oppresseur des femmes mais aussi des peuples en général. Il détruit tout sur son passage et asservit les peuples, son empire s’étend d’Alger à la frontière persane et de Budapest à La Mecque. En réalité, c’est Molière qui a commencé à représenter, d’une manière bouffonne, les Orientaux. « En France, la Turquie était un sujet d’actualité, surtout depuis qu’un envoyé du sultan Mahomet IV, Soliman Aga, a été accueilli à la cour du Roi-Soleil en novembre 1669 et a séjourné en France de 1669 à 1670. Louis XIV demande donc à Molière d’écrire une comédie pour les fêtes organisées à Chambord à l’occasion des chasses d’automne et il précise qu’il souhaite que les Turcs apparaissent dans la pièce. Certains disent qu’il avait été vexé du manque d’admiration, voire du dédain qu’avait témoigné l’ambassadeur du sultan Mahomet IV lorsque Louis XIV était apparu à sa rencontre, sur un trône d’argent, couvert de diamants. Et donc par cette pièce, le roi pensait se venger quelque peu de l’humiliation qu’il avait ressentie. » Mais pour la musicologue et metteur en scène, Mozart s’est également inspiré dans ses rythmes, sa mélodie et ses instruments de musique, notamment les percussions, entendues dans les marches turques (ces troupes qui battaient la mesure pour encourager les combattants). C’est donc pour sublimer ses peurs de l’Empire ottoman que Mozart a composé ses turqueries. Une démarche qui sied parfaitement à un compatriote de Freud. Maya GHANDOUR HERT
À chaque fois que Nadja Kayali entend la musique de Mozart, la larme lui vient à l’œil. « Il interprète l’amour comme nul autre pareil », dit-elle, toute émue. La musicologue, dramaturge et metteur en scène sait de quoi elle parle. Elle a étudié son sujet – la vie, l’œuvre du compositeur autrichien – sous toutes les coutures. C’est son admiration pour son...