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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL AL-BUSTAN - «L’enlèvement au sérail» de Mozart par l’Opéra de chambre de Varsovie Un «singspiel» enjoué et spirituel

Malgré une pluie diluvienne, un vent à décapiter les branches des plus hauts pins-parasols et des nuages noirs couvrant un ciel plus que menaçant, une salle comble à l’auditorium Émile Boustani, à Beit-Méry. Et comble du bonheur pour les mordus de l’art lyrique venus très nombreux écouter en version originale Die entfuhrung aus dem serail (L’enlèvement au sérail) de Mozart, chose bien peu courante sur les scènes beyrouthines. Une des œuvres les plus transparentes et enlevées du génie de Salzbourg, avec des chanteurs et des musiciens qui dépassent d’un bon cran le musicalement «correct»… Tout d’abord, pas de fosse pour l’orchestre la Sinfonietta de Varsovie, placé sous la direction de Ruben Silva, mais une aire réservée aux premiers bancs de la salle et dégagée pour la circonstance de ses sièges. Décor à l’orientale, avec une certaine simplicité, comme l’imaginaient sans nul doute les ensembliers du monde des planches à l’époque où Vienne et Paris rêvaient des horizons levantins. «Singspiel» ou opéra allemand, commandé par l’empereur Joseph II, d’après un livret de Gottlieb Stephanie, avec turqueries et masques vénitiens pour une atmosphère délurée de sérail agité. Un sérail sous haute surveillance, où les battements de cœur sont prisonniers des ordres de Sélim pacha, moins machiste et dictateur que son intolérant Osman de serviteur… Réglons vite le canevas de l’histoire pour éviter de tomber dans les labyrinthiques pièges de la confusion! Le pacha Sélim retient prisonnière dans son sérail la belle Constance, que son fiancé Belmont tente de délivrer. Mais le cruel eunuque Osman les surprend. Tous deux vont mourir, lorsque Sélim reconnaît en Belmont l’homme qui lui avait autrefois sauvé la vie. Et voilà que tout finit bien et la vie est en rose, car les deux amants retrouvent non seulement la liberté mais aussi l’amour. Charmant et naïf à souhait, comme une histoire d’enfant, ce conte où triomphe candidement l’amour. Une délicieuse fabulation où l’Occident dessine l’Orient dans ses fastes, sa cruauté et ses mansuétudes. Sans négliger des pointes et des piques où s’affrontent deux mondes, deux cultures, deux civilisations! Avec des personnages tracés au gros fusain dans leur méchanceté ou leur bonté, comme dans une bande dessinée aux confins d’Uderzo et Goscigny. Affrontement de l’Occident et de l’Orient Dans un décor de carton-pâte et de draperies dorées (parfois très images d’Épinal), le froufrou de la soie et des étoffes des costumes ainsi que les frémissements des plumes des chapeaux et des turbans contribuent à créer une ambiance onirique et de palais rococo d’un Orient de carte postale échappée à un âge indéfini où s’épanouit et serpente pourtant la superbe partition de Mozart. Arias, duo et ensembles vocaux, mélodies et ritournelles se succèdent en douceur pour narrer une histoire paradoxalement un peu simplette et extravagante. On retient surtout ces airs aux modulations suaves et pimpantes… La musique de Mozart est un constant enchantement, la mélodie y est simple, douce, avec des accompagnements discrets, agréables. Ouverture à l’italienne, courte et vive, où les instruments à vent et percussion jouent un rôle important, à laquelle succèdent trois actes rondement menés. Nul n’est étonné d’y relever dans cet entrelacs et chassé-croisé de sentiments et de personnages hauts en couleurs, des pantomimes et des effets d’orchestre originaux (et parfois inattendus) comme l’«ostinato» des basses sous le chœur accompagnant l’entrée du pacha au premier acte. Enjouée, spirituelle, toujours sur un mode drôle et mené tambour battant, cette œuvre qui a tout de la naïveté de l’enfance, alliant burlesque et tendre émotivité, se termine par une sorte de vaudeville où Sélim est remercié par tous les personnages successivement, à l’exception d’Osman! Et toujours sur le même air. La distribution est harmonieuse et tous les chanteurs, du couple d’amants phare au duo de valet et soubrette tout en contorsions bouffonnes, sont également bons. Une mention spéciale toutefois à la basse Slawomir Jurczak, qui campe admirablement, vocalement, la vraie tête de Turc Osman… Si Constance (interprétée par la soprane Agnieszka Kozlowska), au minois gracieux et au port de reine, a tardé à chauffer sa voix avec une première aria d’une décevante timidité, sa prestation appréciée a vite rattrapé l’ensemble de la troupe. Une troupe qui était parfaitement et harmonieusement au même diapason, avec un accessit d’espièglerie à Blondine interprétée, avec une gracieuse mutinerie et un rayonnant filet de voix, par la soprane Marta Boberska. Mise en scène sage et raisonnable par Ryszard Peryt, et décor un peu kitsch par Andrez Sadowski, qui se rattrape cependant en originalité et vivacité avec un chœur aux costumes carnavalesques. Costumes drôlement attifés de plumages, de masques et d’étoffes ourlées de glands dorés qui clôturent d’ailleurs le spectacle en un flamboyant tableau final sur les dernières mesures de la partition d’un Mozart toujours divinement inspiré… Edgar DAVIDIAN
Malgré une pluie diluvienne, un vent à décapiter les branches des plus hauts pins-parasols et des nuages noirs couvrant un ciel plus que menaçant, une salle comble à l’auditorium Émile Boustani, à Beit-Méry. Et comble du bonheur pour les mordus de l’art lyrique venus très nombreux écouter en version originale Die entfuhrung aus dem serail (L’enlèvement au sérail) de...