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Actualités - OPINION

Dialogue de… muets

De la première phase de la conférence du dialogue, il restera surtout une galerie de sourires. Pendant quelques jours, les chefs politiques confinés place de l’Étoile ont échangé maintes amabilités et se sont divertis de menues plaisanteries, livrant à plusieurs reprises aux photographes de presse et à l’opinion toute la blancheur de leur dentition. Opacité, filtrage des informations, discours lénifiants, communiqués sibyllins : le parti pris de black-out médiatique pouvait à la rigueur se laisser justifier par une volonté tenace de réussir. Tout négociateur, c’est bien connu, craint les médias. Sauf que, soit dit en passant, ce ne sont jamais les journalistes qui font capoter les dialogues. Ce sont les acteurs du dialogue eux-mêmes qui, se méfiant les uns des autres, redoutent les manipulations par voie de presse. D’où le besoin de mutisme général. Or en l’occurrence, il y avait une énorme faille technique dans la mise en scène du dialogue. Que celle-ci soit purement fortuite n’en réduit point l’impact. Voici, en effet, tout ce qui compte dans l’aréopage politique du pays contraint pendant plusieurs jours de s’enfermer dans le rituel inhibiteur d’une promiscuité surprotégée, courtoise et glaciale. Tous ? Non. L’un d’entre eux en réchappe. Et il se trouve que celui-là est le plus irréductible, le plus turbulent, le plus provocateur, le plus volatile, le plus indiscipliné et le moins prévisible de la classe. Que l’on en juge : d’un côté, nous avons les Nasrallah, Aoun, Geagea, Hariri, Gemayel, Berry et autres forcés à longueur de journée de mettre une sourdine à leurs divergences, multiplier les sourires, encenser les vertus du dialogue et exprimer publiquement leur foi dans le succès de la conférence. De l’autre, il y a un Walid Joumblatt lâché dans la nature, cavalant de Hudson en Potomac, libre comme l’air et heureux de dégainer à chaque instant. Bien sûr, le programme du chef du PSP avait été arrêté bien à l’avance. Quant à ses prises de position, elles sont restées pareilles de Moukhtara à Washington. Mais tout de même : était-il possible d’encenser à ce point la politique américaine au Liban, de mettre en garde contre tout ce qui pourrait la tenir en échec, sans faire sursauter sur son siège ce pauvre Hassan Nasrallah, contraint de se rabattre sur Ghazi Aridi ? À partir de là, il était dans la logique des choses que le secrétaire général du Hezbollah cherchât à se débarrasser de sa camisole de force et à reprendre sa liberté de mouvement – et de parole –, histoire de rétablir en quelque sorte l’égalité avec son adversaire. Il était tout aussi naturel qu’il finisse par obtenir gain de cause. Comme cela, on attendra que Walid Joumblatt rentre au bercail et… se taise comme tout le monde. En somme, c’est bien cela, le dialogue : on sourit tous ensemble ou alors, ça ne marche pas ! Élie FAYAD
De la première phase de la conférence du dialogue, il restera surtout une galerie de sourires. Pendant quelques jours, les chefs politiques confinés place de l’Étoile ont échangé maintes amabilités et se sont divertis de menues plaisanteries, livrant à plusieurs reprises aux photographes de presse et à l’opinion toute la blancheur de leur dentition.
Opacité, filtrage des...