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Actualités - ANALYSE

ANALYSE Le statut du Hezbollah au cœur du dialogue annoncé La République entre rafistolage et reconstruction

La question présidentielle domine ces jours-ci les préparatifs en vue de la conférence du dialogue prévue à partir du 2 mars. Pourtant, cette affaire, qui se nourrit de l’insistance du chef de l’État à demeurer à son poste en dépit des vents défavorables à son égard qui soufflent sur le pays – mais aussi du simple bon sens –, ne devrait être que le hors-d’œuvre d’un menu autrement riche en plats de résistance particulièrement consistants. Le sort d’Émile Lahoud ne relève, en fin de compte, que du chapitre du solde des comptes de l’ère syrienne. Que cet inventaire-là n’ait pas encore été achevé, près d’un an après le retrait des troupes de Damas, est très grave en soi. Mais l’est-il suffisamment pour masquer l’ampleur de la tâche à laquelle les forces vives du pays, politiques et autres, sont appelées : celle de l’édification d’un État moderne dans la pleine acception du terme ? On pourra certes répliquer qu’il faut avoir fini de l’un pour s’attaquer sérieusement à l’autre. Et l’on aura raison. Il se trouve cependant que la question spécifique de la présidence revêt un caractère ponctuel, lié au comportement d’un homme qui, pour telle ou telle raison, a fait de la lecture étriquée, voire égocentrique, de la Constitution son principal credo. Une simple décision du chef de l’État et le problème sera résolu. Il en va différemment bien sûr de l’autre grande survivance de la tutelle syrienne, à savoir le statut et la dimension proprement anormaux concédés au Hezbollah. Du dialogue attendu dépendra le maintien ou non de cette anomalie, à l’ombre de laquelle il est illusoire de croire en un renouveau possible pour l’État libanais. Sans doute, le facteur confessionnel s’invitera-t-il à la conférence. Comme d’habitude, il en résultera une désorientation des débats, de sorte que les véritables enjeux risqueront de s’en trouver encore une fois dissimulés. Ainsi, par exemple, le simple fait de remettre en question le principe de l’existence d’une force paramilitaire sonne déjà comme une attaque intolérable contre la communauté chiite de la part des autres composantes religieuses libanaises. Pourtant, il faudra bien admettre un jour qu’aucun État moderne, aucune République et a fortiori aucune démocratie ne peuvent tolérer en leur sein un corps armé organisé, échappant d’une façon ou d’une autre à l’autorité centrale, quelles que soient la mission que s’attribue ce corps armé, l’appellation qu’il se donne et l’identité confessionnelle de ses membres. Il s’agit là d’un principe qui s’applique sui generis. Cela signifie qu’il doit précéder le dialogue et non pas en faire l’objet. En clair, ce qu’il faudra discuter avec le Hezbollah, ce n’est pas d’un compromis organisant la coexistence de l’État et de la « Résistance » – car ce serait le cas échéant signer la fin de l’État libanais –, mais simplement des garanties de nature à rassurer le parti chiite sur le fait qu’un retour à la « normalité » ne se fera pas aux dépens de ses options politiques fondamentales. Il ne faut pas l’oublier : le Liban aspire à être une démocratie. Le Hezbollah a le droit – politiquement – de tourner ses sympathies extérieures vers qui il veut – Iran, Syrie ou autres. Il a le droit d’épouser les choix déclarés du président iranien au sujet d’Israël, même si d’autres Libanais les jugent farfelus, extrémistes, voire suicidaires. Ce qu’il n’a en revanche pas le droit de faire – et cela s’applique bien entendu à tout le monde –, c’est d’imposer son ordre du jour à l’État libanais hors du processus institutionnel normal. Après Sedan, s’est constitué au sein de l’opinion française et dans les milieux militaires un grand parti de « Revanchards », déterminés à punir l’Allemagne et lui reprendre l’Alsace-Lorraine. Près d’un demi-siècle plus tard, ce parti est arrivé à ses fins, à la faveur d’une guerre mondiale et la formation d’une grande coalition alliée, fermement décidée à briser les rêves de Guillaume. Dans l’intervalle, pourtant, ce parti ne s’est pas laissé aller à doubler la loi française en déployant ses couleurs, ses hommes et son arsenal face à Strasbourg, Mulhouse ou Metz. Sans parler du fait que s’il avait pu disposer d’une organisation paramilitaire, elle n’aurait certainement pas été financée par une puissance étrangère, comme c’est le cas chez nous. On peut contester les options, les tactiques, les retournements rapides et le ton cassant de Walid Joumblatt. Il faut néanmoins lui savoir gré d’avoir été le seul, ces derniers temps, à défricher le terrain dans la perspective de l’inévitable dialogue avec le Hezbollah. Certains peuvent estimer que M. Joumblatt a trop haussé la barre en critiquant toute discussion avec « un groupe armé », en remerciant cavalièrement Hassan Nasrallah, dont il a décrété la mission « achevée », en tournant en dérision la question des fermes de Chebaa. Ce travail de désacralisation, il fallait pourtant bien que quelqu’un le fasse, après tant d’années de mensonges, de slogans creux et de faux-semblants. Les tabous tombent aujourd’hui, l’un après l’autre, et c’est précisément pour cela qu’un dialogue est désormais possible. Après tout, que dit Walid Joumblatt ? Qu’il faut porter la ridicule affaire de Chebaa devant la Cour de La Haye ? Et alors ? L’Égypte et Israël ont fait la même chose à propos de Taba, une mine d’or touristique autrement plus attrayante que nos « fermes ». Et c’est en faveur du Caire que la CIJ avait tranché. Cela fait plus de deux siècles que l’Espagne réclame Gibraltar à la Couronne britannique. On n’a pas vu jusqu’ici de Hezbollah andalou claironner chaque six mois la victoire pour avoir lancé une roquette sur le rocher convoité. Ardu, le dialogue le sera, sans nul doute. Les écueils sont énormes. Nos voisins sont loin de s’être calmés. Les événements d’Irak, dans ce qu’ils portent comme tension sectaire, ne faciliteront pas les choses. Les tactiques feront de l’ombre aux stratégies, la politique politicienne menacera à chaque instant d’étouffer les enjeux réels. Il est bon d’essayer quand même. Élie FAYAD
La question présidentielle domine ces jours-ci les préparatifs en vue de la conférence du dialogue prévue à partir du 2 mars. Pourtant, cette affaire, qui se nourrit de l’insistance du chef de l’État à demeurer à son poste en dépit des vents défavorables à son égard qui soufflent sur le pays – mais aussi du simple bon sens –, ne devrait être que le hors-d’œuvre d’un menu...