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Actualités - OPINION

Devoir de mémoire

Y a-t-il eu maldonne ? Les dés étaient-ils pipés dès le départ ? Les promesses dont on nous a abreuvés depuis un an étaient-elles de simples bobards, des pétards mouillés ? Au vu des dérives des uns et des autres, des alliances qui se font et se défont, des polémiques qui ne s’arrêtent que pour mieux carburer et reprendre, on serait tenté de le croire. Mais ce serait oublier l’essentiel, privilégier le détail sur le fond, accréditer la thèse destructrice, suspecte, profondément syrienne qui veut que tout ce qui a été réalisé depuis le 14 février 2005 a été un coup d’épée dans l’eau et que le Liban n’est pas à même de s’autogérer, de régler ses propres problèmes, hors de la fameuse tutelle de triste mémoire. Des erreurs ont été commises, c’était inévitable, des cassures se sont produites, il fallait s’y attendre. On ne se remet pas sans coup férir de trente ans d’occupation, on ne s’en sort pas indemne, et le parcours vers la « normalisation » ne peut être que cahoteux, semé d’embûches. Tout à leur euphorie après le 14 mars, après le retrait syrien, les Libanais ont mal encaissé les brisures, les blessures qui ont entaché, ensanglanté l’intifada de l’indépendance. Et pourtant, s’il fallait dresser un bilan, un état des lieux, un an après le cataclysme du 14 février, le constat serait plus nuancé, moins abrupt. S’il est vrai que la faculté de nuisance syrienne subsiste et se manifeste parfois férocement, il est non moins vrai que l’armée syrienne a bel et bien quitté, débarrassé les lieux sans demander son reste. S’il est vrai que les alliés de la Syrie au Liban, et plus précisément le Hezbollah, n’ont toujours pas coupé le cordon ombilical, un cordon qui se ramifie en direction de Téhéran, il est non moins vrai que depuis quelques semaines des ouvertures se sont produites, un débat s’est installé, s’est concrétisé en ce lieu hautement symbolique qu’est l’église Mar Mikhaël. Quant aux agents provocateurs, les exécutants des sales besognes, ils sont désormais clairement désignés et les incidents d’Achrafieh, de par leur violence, ont, paradoxalement, permis de mieux les identifier, d’en arrêter certains : une même filière intégriste, un même commanditaire, un même prolongement régional. Progressivement, en dépit, ou à cause même des menaces et des dangers patents, de nouvelles donnes apparaissent, de nouvelles percées s’esquissent. Hassan Nasrallah et Michel Aoun élaborent un document d’entente, Joumblatt prépare un contre-document et le mouvement du 14 mars persiste et signe, plus souverainiste que jamais. Les idées sont souvent antagonistes, inconciliables, mais l’objectif est toujours le même : le dialogue. Un dialogue rendu indispensable après le dimanche noir d’Achrafieh et l’irruption d’el-Qaëda sur la scène libanaise. Une voie naturelle qui devrait déboucher sur le forum début mars, place de l’Étoile, à la tenue duquel s’emploie Nabih Berry. Demain mardi 14 février, les Libanais auront rendez-vous avec leur mémoire. Ils se retrouveront, place de la Liberté, non seulement pour commémorer l’indicible, l’assassinat d’un symbole, mais aussi pour réaffirmer leur confiance en l’avenir, pour clamer, bien fort, qu’au-delà de la mort, il y a toujours la vie. Le supplément de 132 pages qui accompagne l’édition d’aujourd’hui de L’Orient-Le Jour se veut, précisément, un acte de foi en un Liban libre, souverain, démocratique, un Liban où droits et devoirs seront pleinement assurés, totalement assumés. Un Liban qui ne pourrait survivre que par sa pluralité, par ses différences qui en font une nation unique. Nagib AOUN
Y a-t-il eu maldonne ? Les dés étaient-ils pipés dès le départ ? Les promesses dont on nous a abreuvés depuis un an étaient-elles de simples bobards, des pétards mouillés ? Au vu des dérives des uns et des autres, des alliances qui se font et se défont, des polémiques qui ne s’arrêtent que pour mieux carburer et reprendre, on serait tenté de le croire.
Mais ce serait oublier...