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Actualités

Barbarie et civisme

Inouï ! Jamais dans l’histoire, pourtant tumultueuse du pays, ne s’est produite une telle agression, une telle atteinte à la paix civile, une telle intrusion quasiment médiévale et barbare au cœur du secteur chrétien de la capitale. Les voyous, les vandales qui ont détruit, saccagé les biens des citoyens paisibles, terrorisé les passants, souillé les lieux de culte, ont commis un crime encore plus impardonnable que celui perpétré par l’auteur danois des caricatures de Mohammad. Ils ont porté atteinte à la religion qu’ils prétendaient défendre, se sont rendus complices de ceux-là même qui ont blasphémé le Prophète. Les arrêter, les juger, les condamner ne suffit pas. Prendre des mesures sécuritaires pour empêcher une réédition de ces événements n’est pas assez. Se suffire de sanctions administratives, de boucs-émissaires, de la démission du ministre de l’Intérieur, des condamnations larmoyantes des dirigeants politiques et religieux est inacceptable. Ce qui est demandé, ce qui est désormais exigé, c’est la refonte totale du discours politique et religieux, celui-là même qui porte en lui les germes du fanatisme, qui incite aux violences, aux « guerres saintes » contre les « mécréants ». Le verbe tue, le verbe allume des guerres, crée des situations de non-retour. Il est temps d’en prendre conscience, de contrôler les officines qui distillent haine et venin confessionnel. Mais il y a pire : l’irruption parmi les manifestants de provocateurs venus d’au-delà la frontière, « une subversion initiée à Damas et exportée à Beyrouth », pour reprendre les propos de Saad Hariri. Les événements de samedi à Damas, où les ambassades du Danemark et de Norvège ont été incendiées sans que les autorités n’interviennent, ont constitué une répétition générale, un prélude aux incidents de dimanche à Beyrouth. Soumise à forte pression depuis l’assassinat de Rafic Hariri, la Syrie a adressé en quelque sorte un double message à la communauté internationale. Celui-ci pourrait être résumé en ces termes : « La mouvance islamiste antioccidentale est présente en Syrie et peut redevenir très active ; seul un pouvoir fort (baassiste bien entendu) est en mesure de contrôler la situation et d’empêcher tout dérapage. Autrement c’est le chaos assuré et ses flammes s’étendront forcément au Liban. » Avertissement proféré par Bachar el-Assad, il y a trois mois déjà, dans un discours riche en amabilités… Depuis l’assassinat de Rafic Hariri, la révolution du Cèdre et le départ des Syriens, des forces occultes et moins occultes mettent tout en œuvre pour gripper le fonctionnement des institutions : une brèche est colmatée par-ci, une autre s’ouvre par-là, un incendie est circonscrit, un autre est aussitôt allumé, attisé. Ainsi va le Liban, ouvert à tous les vents qui soufflent en bourrasque de l’Iran à l’Irak en passant par la Palestine et la Syrie. Ainsi va le Moyen-Orient, ballotté entre aspirations légitimes et pulsions suicidaires, entre régimes corrompus, totalitaires, et mouvements intégristes en pleine expansion. Qu’on le veuille ou pas, le Liban se rapproche dangereusement de l’œil du cyclone. Il y est entraîné malgré lui, et en réintégrant le gouvernement, après un mois de bouderie, le Hezbollah se positionne aux première loges dans la prise des décisions en cette phase critique de l’histoire de la région. Hier, le Hezbollah a réussi à tirer son épingle du jeu et les éclaboussures de « l’exploit » réalisé à Achrafieh ne l’ont nullement atteint. Cette sagesse, ce contrôle exercé sur la rue chiite seront-ils complétés par des actes politiques ? Cela nous ramène à la case départ : comment réagiront les ministres du Hezbollah et d’Amal lorsqu’il s’agira, une fois pour toutes, de trancher la question du tribunal international et de l’élargissement de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri aux autres attentats commis au Liban ? Quelle attitude adopteront-ils lorsque seront posées la question du tracé des frontières avec la Syrie et celle du désarmement des Palestiniens hors des camps ? Interrogations cruciales alors que Damas mène une politique pour le moins obstructionniste aussi bien à l’égard de la commission d’enquête que pour ce qui est des résolutions du Conseil de sécurité. L’enfer est pavé de bonnes intentions, le Hezbollah n’est pas sans l’ignorer. En réintégrant le gouvernement, il a effectué un petit pas vers la cohésion ministérielle. Il lui reste encore à faire le pas de géant, celui qui assurera l’unanimité pour les décisions fondamentales, celles qui façonneront l’avenir du Liban et le prémuniront contre tous les dangers. Hier, les habitants d’Achrafieh, de Saïfi, de Medawar se sont vus catapultés, l’espace d’une journée, au Moyen-Âge. Ils ont vu des hordes envahir leur quiétude, des voyous saccager leurs biens en toute impunité. Ils ont gardé leur sang-froid, ont laissé passer la tempête et ont ainsi évité au pays une nouvelle descente aux enfers. L’alerte a été chaude. Puisse ce civisme, cette exemplarité servir de leçon, réveiller les consciences assoupies et mettre un terme à l’aventurisme des uns et des autres. Nagib AOUN
Inouï ! Jamais dans l’histoire, pourtant tumultueuse du pays, ne s’est produite une telle agression, une telle atteinte à la paix civile, une telle intrusion quasiment médiévale et barbare au cœur du secteur chrétien de la capitale.
Les voyous, les vandales qui ont détruit, saccagé les biens des citoyens paisibles, terrorisé les passants, souillé les lieux de culte, ont commis un...