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Actualités - CHRONOLOGIE

Au miroir de la provocation

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » Quand l’esprit de Voltaire aura effleuré les Hassan Nasrallah de la planète, toutes religions confondues, le monde ira certainement mieux. Il n’est nullement demandé au secrétaire général du Hezbollah et à tous ceux qui pensent comme lui – qu’ils soient musulmans, chrétiens, juifs ou animistes – de changer leurs convictions et leurs croyances, toutes respectables. Simplement d’admettre une fois pour toutes le droit à la différence. Ces considérations s’appliquent d’ailleurs tout aussi bien aux dessinateurs des désormais célèbres caricatures du Prophète parues dans des journaux européens. Le talent de la provocation gratuite n’est certes pas l’apanage de quelques-uns et il faut bien avouer que, dans le contexte actuel des rapports entre les religions, celle-ci est particulièrement malvenue. C’est qu’au fanatisme des uns, fait écho celui des autres. Il en est ainsi jusqu’à ce que mort, destruction, apocalypse s’ensuivent. Il faut bien s’entendre : il existe un certain intégrisme laïc qui se nourrit du mépris qu’il porte aux religions et qui, finalement, n’est pas moins détestable que le fondamentalisme religieux. Or pour une grande majorité de musulmans – et pas seulement les intégristes –, la laïcité est un concept aberrant, absurde. Pire : c’est une arme redoutable, inventée par des non-musulmans, pour soumettre la nation islamique. D’où le malentendu. D’un certain point de vue, Hassan Nasrallah et ses pairs ont parfaitement le droit d’exprimer leur colère face à ce qu’ils perçoivent comme une attaque injustifiée contre leur religion. Il ne revient d’ailleurs pas à un non-musulman de dicter en la matière des règles de conduite à un musulman. Il reste que cette légitime colère devrait obligatoirement être contenue dans certaines limites, qui sont celles de la loi, pour ne pas invoquer celles de la raison. Grands sont les efforts de nombreux théologiens, spécialistes et universitaires pour expliquer à l’Occident chrétien que les mots de liberté et d’individu ne sont pas les mêmes en pays d’islam, où le concept de communauté – non pas en tant que secte, mais en tant que nation (« oumma ») – est déterminant. Ces efforts sont, à ce jour, loin d’avoir porté tous leurs fruits, certes. Mais la dynamique de compréhension est au moins enclenchée. Réciproquement, on est en droit d’attendre de la part de Hassan Nasrallah et d’autres qu’ils se débarrassent de leurs prismes islamiques lorsqu’ils jettent un regard sur l’Occident chrétien. Autrement dit, qu’ils admettent que là-bas, la liberté individuelle est placée au-dessus de tout, y compris, parfois, de Dieu (mais pas de la loi). Cela aurait, pour le moins, l’avantage d’éviter les amalgames dangereux. Et on ne chercherait plus à punir le Danemark tout entier, voire l’Europe, l’Occident, la chrétienté, parce qu’un dessinateur et son rédacteur en chef se sont amusés à faire de la « provoc ». Il y a plus important encore. Dans sa colère, Hassan Nasrallah évoque un triste épisode du khomeynisme : la fatwa de mort contre Salman Rushdie. Un épisode que la République islamique d’Iran a, elle-même, cherché longtemps à oublier – et faire oublier – et que lui ressuscite d’un coup. Sans parler des graves implications politiques d’une telle démarche, signe intangible d’un rétablissement de la ligne dure à Téhéran, il serait bon de rappeler à M. Nasrallah qu’il est citoyen d’un État qui n’applique pas la charia islamique et qui, jusqu’à nouvel ordre, interdit le meurtre sous quelque prétexte que ce soit. Et davantage encore les appels au meurtre. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’attitude du secrétaire général du Hezbollah ne facilite pas le dialogue interlibanais, au moment où tout le monde, y compris lui-même, en vante les qualités. Pour qu’un tel dialogue puisse démarrer, il faudra peut-être un peu plus de tolérance. Il faudra surtout cesser d’être la caisse de résonance d’une puissance régionale qui flirte tous les vingt ans avec l’obscurantisme moyenâgeux. Élie FAYAD
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » Quand l’esprit de Voltaire aura effleuré les Hassan Nasrallah de la planète, toutes religions confondues, le monde ira certainement mieux.
Il n’est nullement demandé au secrétaire général du Hezbollah et à tous ceux qui pensent comme lui – qu’ils...