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Actualités - REPORTAGE

EXPLORATION - À la recherche de la Croix du Sud (III)* Splendeurs et métamorphoses au pays de « Down under »

Nabil Romanos, passionné d’aventures, fait partager cette semaine aux lecteurs de « L’Orient-Le Jour » un passionnant voyage à travers l’Australie, la Nouvelle-Zélande et leurs paysages naturels de rêves. Quand on regarde les cartes classiques du monde, de droite à gauche, la trajectoire de la constellation de la Croix du Sud est… claire : elle illumine en premier les cieux d’Australie et de Nouvelle-Zélande, avant d’apparaître dans le firmament africain, puis sud-américain. Les deux nations – qui ont toutes deux leur drapeau décoré de la Croix du Sud – se situent si loin des autres pays qu’on ne peut appeler une région pareille que « Down Under » et même surenchérir « Very Far Down Under in a Distant Corner ». Toutes les cultures à qui l’on avait potentiellement attribué la découverte du Nouveau Monde avant Christophe Colomb, Phéniciens ou Chinois, ne pouvaient même pas imaginer un continent pareil. Même de Tokyo, il faut 10 heures d’avion pour arriver à Sydney. Elle et moi Janvier à Sydney est glorieux, 28 degrés ou plus, dans les parcs, sur la Bondi Beach ou le long des autres interminables plages de sable fin. La luminosité est extraordinaire et les diverses baies de la ville, entre autres celle de l’Opéra House et celle de Darling Harbour (même les noms font rêver), attirent les estivants en tenue (très) légère. On se rend compte avec bonheur qu’en Australie, Elle McPherson n’est finalement pas si unique que ça. Oui, Elle-même. Un peu, beaucoup, à la folie ? Pas du tout. Les sports constituent une des deux religions de ce pays où le rugby est roi et où le surfing est devenu une expression culturelle iconique. Encore plus que les Incas, les Australiens pratiquent le culte du Soleil, et ils n’hésitent pas à s’offrir eux-mêmes en sacrifice, ce qui explique pourquoi ils ont le taux de cancer de peau le plus élevé du monde. Important centre financier, Sydney est en majorité anglo-saxonne, surtout comparée à sa grande rivale Melbourne qui est une collection d’ethnies, en grande partie méditerranéennes, dont les Grecs, les Italiens, les Serbo-Croates, les Turcs… Melbourne est, paraît-il, la seconde plus importante ville grecque du monde après Athènes. De nombreux vignobles dans l’État de Victoria (où se trouve Melbourne) ont permis à l’Australie de figurer parmi les exportateurs de vins mondialement réputés. Mais c’est aussi un tournoi sportif, les courses de chevaux de la très prestigieuse « Melbourne Cup », qui est l’événement social majeur de la ville, quand les belles dames de la société se parent de leurs plus riches atours, dont les chapeaux les plus recherchés du monde occidental – avec l’exception possible de la famille royale d’Angleterre. Dans le sud de Victoria, à 2 heures de route de Melbourne, on trouve une côte spectaculaire, longée par la Great Ocean Road, et dont l’un des points les plus connus est celui des 12 Apôtres, une série d’imposantes roches marines du style de la Raouché de Beyrouth, en plus grand encore. Suite à l’érosion de millions d’années et l’attaque soutenue de grosses vagues, un de ces 12 Apôtres (probablement la Roche de Judas) s’est effondré dans le Pacifique d’une manière spectaculaire il y a quelques mois. De pierre en pierre Mais ce sont les autres paysages naturels de l’Australie qui attirent les touristes, encore plus que les villes et leur dolce vita, ou que les 12 disciples rocheux. De ces merveilles, deux sont très prisées : Ayers Rock et la Great Barrier Reef, ou la Grande barrière de corail. Ayers Rock, le plus grand monolithe rocheux du monde et pareil à un énorme caillou de 350 mètres de hauteur et 9 kilomètres de circonférence, est situé au beau milieu d’un désert plat, en plein dans le centre géographique de l’Australie. Il est sacré pour les aborigènes, puisque qu’ils croient que les âmes de leurs ancêtres viennent s’y reposer, mais cela n’empêche pas une minorité de visiteurs (dont moi, mea culpa) d’escalader le rocher à l’aide de cordes, au risque d’être emportés par de fréquents et violents coups de vent – système de protection des ancêtres ? Malgré leur croyance, une partie des aborigènes encourage ce genre de visite et même l’escalade, pour augmenter la prospérité locale, ce qui nous a un peu aidés à calmer notre conscience (et notre superstition). Le mystère des harems australiens Au nord-est se trouve la merveille des merveilles, la Grande barrière de corail, où j’ai plongé pour admirer les forêts sous-marines de corail et les poissons multicolores, dont le « Harem Fish », un poisson qui change de sexe selon les besoins sociologiques du groupe constitué en harem. En effet, si le seul mâle du groupe disparaît, une des femelles dominantes (il y en a toujours une) développe des organes sexuels mâles pour prendre sa place à la tête du harem… La face du Moyen-Orient aurait complètement changé si un tel secret avait été connu par les odalisques du Caire ou d’Alger et par les concubines d’Istanbul, mais s’il le faut, toute la richesse du pétrole saoudien sera dépensée pour garder le mystère caché jusqu’à la fin des temps. Si l’on préfère ne pas s’aventurer trop loin dans le continent australien, un autre paysage naturel splendide se trouve quasiment aux portes de Sydney : les Montagnes bleues, en réalité une immense forêt d’eucalyptus qui s’étend par monts et par vaux à perte de vue et qui, admirée de loin, paraît plus bleue que verte. On m’a assuré que la vapeur bleuâtre qui plane au-dessus de la forêt est dégagée par les millions d’eucalyptus qui font le bonheur des koalas et dont l’environnement constitue un traitement salutaire pour les poumons des promeneurs. Au contraire de l’Angleterre, mère coloniale et spirituelle, l’Australie ne veut pas de son splendide isolement et ne semble pas trop à l’aise dans son statut d’île, si grande qu’elle soit. Surtout depuis les années 1990, les gouvernements australiens successifs clament à tout bout de champ leur appartenance au monde de l’Asie, ce qui a longtemps fait rigoler le formidable ex-Premier ministre malaisien et champion panasiatique Mahatir Mohammad qui ne regardait pas d’un bon œil cet avant-poste (ou arrière-garde, ou les deux en même temps, selon votre perspective) du monde anglo-saxon. Il est vrai quand même que le système d’immigration ethnique en Australie s’est largement libéralisé et d’importantes populations de Vietnamiens, Chinois et Moyen-Orientaux, entre autres, se sont installés en Australie durant le dernier quart de siècle, et l’Australie est bien plus asiatique qu’elle ne l’était à l’époque du désastre militaire de Gallipoli sur les côtes turques, il y a 90 ans. Vacances perpétuelles en Tasmanie À part Sydney et Melbourne, l’Australie a d’autres villes très agréables à vivre comme Brisbane, ou comme Perth sur la côte ouest, avec ses belles plages de sable blanc, les vagues immenses qui attirent les surfeurs du monde entier un peu plus loin le long de la côte, et la belle île de Rottnest ou se dorent les adorateurs du Dieu-Soleil de la West Coast australienne. Mais c’est la grande île de la Tasmanie qui tient la vedette, rien que par l’évocation de son nom. Le Diable de Tasmanie n’est pas qu’une invention des créateurs de Bugs Bunny, et cet animal existe vraiment, fidèle à sa caricature d’être bagarreur, de mauvaise humeur et avec un appétit féroce. Les autres animaux sont plus sympathiques, particulièrement les wombats (sortis tout droit de Star Wars), les kangourous et les koalas. C’est l’ornithorynque (qui, malgré son nom, n’est pas un médecin se spécialisant en « ornithorynie »), qui est le plus bizarre de ces mammifères australiens, paraissant constitué de morceaux provenant d’autres animaux et recollés ensemble. La Tasmanie héberge aussi un pittoresque vieux pénitencier colonial, Port Arthur, qui a plus l’air d’une colonie de vacances que d’une prison, surtout observé de l’hydravion dans lequel j’ai survolé cette partie de l’île. Par un retour du sort, descendre d’un « convict » des pénitenciers coloniaux anglais est devenu un badge d’honneur pour la société australienne macho, et bien des businessmen se sont inventés des ancêtres embastillés – il faut se rappeler que voler une bouchée de pain dans l’Angleterre de Charles Dickens était puni par l’exil dans les bagnes australiens. Quant aux émules de Jack L’Éventreur, plutôt que de se voir offrir une croisière gratuite pour l’Australie, ils étaient exécutés sur place à Londres. Sauf s’ils étaient issus de la famille royale, comme Jack the Ripper lui-même, et dans ce cas on n’avait pas grand-chose à leur reprocher, droit de seigneur, bien entendu. Éternel silence sous les étoiles : les géants de l’île de Pâques Continuant mon périple, j’ai retrouvé la Croix du Sud en Nouvelle-Zélande et encore bien plus loin dans le ciel de l’océan Pacifique, allongé sur une plage de l’île de Pâques par une belle nuit polynésienne. Le mystère des étoiles était accentué par les énormes bustes de pierre qui semblaient méditer des siècles durant sur l’immensité de l’univers. Comment imaginer que ces bustes avaient été érigés par un clan « inférieur » pour l’autre clan « supérieur » il y a presque mille ans, la seule différence « majeure » entre les deux groupes étant physique : la taille de leur corps et la forme de leurs oreilles ? Comment comprendre que les Géants de pierre étaient censés représenter les ancêtres des Grandes oreilles à qui on demandait protection et prospérité, sur une île où il n’y avait plus suffisamment de quoi nourrir tout le monde, après plusieurs siècles de coexistence ? Comment accepter la théorie moderne qui dit que ces civilisations se sont éteintes après une guerre civile qui s’est terminée par des festins cannibales ? C’est la dualité de tout ce qui existe dans l’univers – le bien et le mal, le yin et le yang, l’éphémère et l’éternel, même les deux clans ennemis des Grandes oreilles et des Petites oreilles sur l’île de Pâques – qui perplexe, préoccupe, dérange, mais aussi fascine. Pourrait-il y avoir équilibre sans dualité ? Y a-t-il une réponse ? La réponse est là, elle attend d’être découverte depuis l’époque de la Création. Elle est connue des étoiles et a été soufflée un jour par le vent du Pacifique dans les (grandes) oreilles des Géants de l’île de Pâques. Mais ces derniers restent muets et indifférents sur leur île, la plus isolée du monde. Dans ce monde en changement perpétuel, les Géants ne prêtent attention qu’aux seules constantes de leur île, les vagues qui se vident sur les plages, le vent qui balaie la terre et courbe l’herbe sauvage, et la Croix du Sud qui surveille cette scène d’en haut, toujours bienveillante et sûre de sa beauté. Nabil Élias ROMANOS * Voir L’Orient-Le Jour des jeudi 19 et 26 janvier.

Nabil Romanos, passionné d’aventures, fait partager cette semaine aux lecteurs de « L’Orient-Le Jour » un passionnant voyage à travers l’Australie, la Nouvelle-Zélande et leurs paysages naturels de rêves.

Quand on regarde les cartes classiques du monde, de droite à gauche, la trajectoire de la constellation de la Croix du Sud est… claire : elle illumine en premier...