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Date d’expiration

N’importe quel psychologue, n’importe quel psychiatre vous le dira : la parole est un excellent exutoire ; elle délivre, soulage, elle aide parfois à cracher tout le venin qui empoisonne une vie. Sur le divan du psychanalyste cela s’appelle thérapie, en politique cela a pour noms polémiques, diatribes, échanges d’accusations. Le verbe monte, gonfle, s’exacerbe, atteint un pic et soudain, comme par enchantement, quand tout le monde, affolé, se dit « ça y est, c’est la guerre », il se calme, se fait tout petit, se fait presque caressant. Ouf ! On l’a échappé belle. Est-ce le cas aujourd’hui ? De part et d’autre, on a vidé son sac, on a tout déballé, on s’est attiré des répliques cinglantes, on a répliqué de manière non moins cinglante et, au fil des jours, des semaines, tout a été dit et le verbe est devenu stérile. Il est peut-être des vérités qu’il n’est pas toujours bon d’asséner, mais, quelque part, tout cela n’a pas été inutile : Joumblatt a sorti tout ce qu’il avait sur le cœur, le Hezbollah a précisé ses priorités et le bloc de la majorité fixé les limites à ne pas transgresser. Aoun, quant à lui, a dit la chose et son contraire, tirant son épingle du jeu. Un match nul en quelque sorte qui a rouvert la voie au dialogue sur des bases nouvelles et réoxygéné par conséquent les bons offices arabes mis en veilleuse après s’être fourvoyés, s’être laissé manipuler par la diplomatie syrienne toujours animée d’un fort potentiel de désinformation. Il a d’ailleurs fallu des fuites délibérées, minutées, pour mettre le holà à la manœuvre véhiculée par Bachar el-Assad en personne de l’Arabie saoudite à l’Égypte. Où en sommes-nous maintenant ? De part et d’autre on s’égratigne encore, on se lance des piques, mais en arrière-plan se profilent déjà des ébauches de solution aussi bien au niveau des relations syro-libanaises que pour ce qui est du retour du duopole Amal-Hezbollah au bercail ministériel. Après un mois de flottement dû à l’ambiguïté qui a entouré l’initiative saoudienne, il est de nouveau question d’une médiation conjointe de Ryad et du Caire basée, cette fois, sur des idées libanaises qui auraient déjà été transmises à Damas. Celles-ci se développeraient autour des points suivants : coopération syrienne totale avec la commission Brammertz, établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, tracé rapide des frontières, création d’un comité sécuritaire arabe qui veillerait à l’arrêt des infiltrations d’éléments armés en provenance de Syrie et à la fermeture des bases palestiniennes établies hors des camps. Initiative à laquelle souscrirait le Hezbollah dont le propre désarmement serait mis entre parenthèses en attendant la récupération des hameaux de Chebaa et la confirmation de leur libanité auprès des Nations unies. Résistance et non milice, le Hezbollah réintégrerait alors le gouvernement et donnerait son aval au tribunal à caractère international à la création duquel s’attelle l’envoyé spécial de Kofi Annan, Nicolas Michel. Vision idyllique ? Pas nécessairement. La situation, en effet, a atteint un tel degré de pourrissement qu’il n’est plus d’autre voie que celle du consensus. Du Caire à Ryad, de Paris à Washington, la consigne est la même : halte à la déstabilisation. Ce message, Saad Hariri l’a répercuté à partir de la Maison-Blanche, l’adressant en particulier au Hezbollah. Pourquoi le Hezbollah ? Parce que le parti chiite joue depuis un mois à l’empêcheur de tourner en rond et qu’il arrive un moment où les humeurs chagrines, les calculs d’apothicaire doivent s’estomper, céder le pas à la raison d’État. Pour le Hezbollah, c’est plus que jamais l’heure du choix : soit il réintègre le gouvernement et contribue ainsi à l’assainissement de la situation, soit il s’arc-boute sur ses positions et ouvre la voie à tous les dérapages. De l’Irak à l’Iran en passant par Israël et les territoires palestiniens, des vents chauds se lèvent, préludes à des tempêtes aux conséquences incalculables. Nucléaire iranien, déferlante islamiste en Palestine, cassures communautaires en Irak, les scénarios du pire ne sont plus de simples vues de l’esprit. Puisse le Liban se prémunir rapidement contre tous les dangers, contre une contagion subversive, porteuse de haines et de discordes. L’immunité, ce sont toutes les parties réunies, toutes les communautés confondues qui pourront l’assurer. Une seule discordance, une voix réfractaire, et l’édifice sera ébranlé. Nonobstant ses sympathies régionales, ses liens étroits avec l’Iran d’Ahmadinejad, le Hezbollah ne peut prendre le risque de laisser le virus du chaos entrer au Liban. Le pays tout entier en payerait le prix, la communauté chiite en premier lieu parce que la plus exposée géographiquement, en première ligne face à Israël. Les menaces enflent, les dangers s’accumulent à nos frontières, l’angoisse s’installe, alors que l’antidote est tout trouvé : l’unité nationale. Mais le temps presse et tout remède a fatalement une date d’expiration… Nagib AOUN
N’importe quel psychologue, n’importe quel psychiatre vous le dira : la parole est un excellent exutoire ; elle délivre, soulage, elle aide parfois à cracher tout le venin qui empoisonne une vie. Sur le divan du psychanalyste cela s’appelle thérapie, en politique cela a pour noms polémiques, diatribes, échanges d’accusations.
Le verbe monte, gonfle, s’exacerbe, atteint un pic et...