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Avant qu’il ne soit trop tard...

Qui trahit qui ? Qui est « souverainiste », qui exécute un agenda dicté de l’étranger ? Qui tente de rétablir la cohésion interne, qui distille le venin de la division ? Où se trouve maintenant le Liban dans cette « forêt de contradictions », pour reprendre l’expression dominicale de Nasrallah Sfeir ? Les masques sont tombés, les loups ont été arrachés, les lignes rouges largement dépassées et toutes les factions se retrouvent désormais au pied du mur, confrontées aux réalités amères que les discours ronflants et redondants ont occultées ou feint d’ignorer des mois durant. Des questions ont été posées, des interrogations soulevées, des clous enfoncés plus d’une fois et les parties concernées, les parties interpellées ont continué à tourner autour du pot, à éviter de fournir des réponses franches, claires, de se prononcer sur les dossiers fondamentaux qui déterminent l’existence même du Liban. Walid Joumblatt a dépassé la mesure, a été virulent dans ses propos, agressif comme jamais auparavant ? Il a eu au moins le mérite d’avoir mis le doigt sur la plaie, d’avoir étalé au grand jour les appréhensions des uns, les angoisses des autres. Aux grands maux les grands remèdes : le leader druze n’a peut-être pas en poche la formule magique, l’élixir de survie, mais sa « croisade » incessante a, en quelque sorte, permis de diagnostiquer le mal, de préciser la nature du cancer qui ronge le corps libanais. Que le Hezbollah s’en offusque, qu’il se considère diffamé, insulté, il n’y a rien d’étonnant à cela. Le parti intégriste est au cœur de la polémique, il est même, pour certains, celui par qui le scandale arrive. Peut-il ignorer, pour autant, que les reproches qui lui sont adressés, la hargne avec laquelle ils sont énoncés, viennent d’un ancien allié, celui-là même qui est sorti, à un moment donné, des rangs du 14 mars pour défendre le droit du Hezbollah à la résistance, pour « réexpliquer », réadapter la 1559 aux réalités libanaises ? Celui-là même qui est le plus en droit de lui dire ses quatre vérités parce qu’il l’a accompagné, soutenu tout au long de son parcours périlleux ? Walid Joumblatt a ses défauts, toutes les parties libanaises en ont eu à souffrir un jour ou l’autre, mais son franc-parler comporte, en sus de ses habituelles et dérangeantes remontrances, des évidences indéniables, reflets de données politiques imparables. Redisons-le encore une fois, une fois pour toutes : depuis l’assassinat de Rafic Hariri, le problème, le cœur du problème est en Syrie. De sa coopération avec la commission d’enquête internationale à ses rapports avec le Liban, l’attitude du pouvoir syrien est la même : une négation, un déni de la réalité, une volonté farouche de la travestir. Tout cela accompagné de menées déstabilisatrices sur la scène libanaise par le biais d’alliés locaux : tirs de roquettes sur le nord d’Israël (des ovnis que personne ne veut identifier), réactivation de groupuscules palestiniens hors des camps, trafic d’armes en tout genre avec, en toile de fond, une « bouderie » ministérielle, une série d’assassinats et des menaces quotidiennes implicites. La question véhémentement soulevée par Joumblatt, naturellement posée par les autres parties libanaises, est la suivante : où se tient le Hezbollah par rapport aux menées syriennes et à la coopération avec la communauté internationale ? Avant toute chose donc, il est impératif que le Hezbollah (et subsidiairement Amal) définisse sa position, sans ambiguïté, sur les points suivants : – Le tribunal international et l’élargissement de l’enquête à tous les meurtres ou tentatives de meurtre commis au Liban. – Le tracé des frontières avec la Syrie, y compris les hameaux de Chebaa. – Le désarmement des Palestiniens hors et à l’intérieur des camps, son propre désarmement à travers un dialogue interlibanais et en fonction d’un timing précis. – L’alliance avec la Syrie et avec l’Iran, un axe cimenté au détriment des intérêts intrinsèquement libanais. Samedi, des groupuscules prosyriens sont descendus dans la rue pour donner « leur » réponse aux interrogations des Libanais. En médiatisant à outrance cette manifestation, filmée en direct et en gros plans, en dramatisant, à la limite de la provocation, des heurts restreints, souvent inévitables en pareille circonstance (la chaîne al-Manar allant jusqu’à alléguer que les forces de l’ordre s’apprêtaient à ouvrir le feu sur les jeunes), le Hezbollah a, d’une certaine manière, cautionné le recours à la rue comme forum de dialogue, comme alternative au vrai dialogue censé se dérouler au sein du gouvernement. Un pari risqué, un pari dangereux qui pourrait ramener la Syrie au Liban par la fenêtre chiite alors qu’elle en était sortie par la porte sunnito-druzo-chrétienne. Une plongée dans le communautarisme le plus périlleux dont le Hezbollah aura alors à assumer l’entière et terrible responsabilité. Il y perdra son aura de résistant, sa raison d’être et le Liban son âme, son essence même : un État pluriel, un message. Nagib AOUN
Qui trahit qui ? Qui est « souverainiste », qui exécute un agenda dicté de l’étranger ? Qui tente de rétablir la cohésion interne, qui distille le venin de la division ? Où se trouve maintenant le Liban dans cette « forêt de contradictions », pour reprendre l’expression dominicale de Nasrallah Sfeir ?
Les masques sont tombés, les loups ont été arrachés, les lignes rouges...