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Actualités - OPINION

Sans détour…

«Quand le vin est tiré, il faut le boire », mais à Damas on ne l’entend évidemment pas de cette oreille, et à cette maxime on préfère une autre : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. » « Les Syriens n’ont rien à voir avec l’assassinat de Rafic Hariri. Un point c’est tout » : le document Fitzgerald, le premier rapport Mehlis, le deuxième rapport Mehlis, les révélations accablantes de Khaddam, tout cela Bachar el-Assad « n’en a rien à cirer », tout cela est une simple vue de l’esprit, de purs mensonges, un « complot d’inspiration israélienne ». Le président syrien se prévaut maintenant d’une immunité internationale (on se demande laquelle) pour ne pas avoir à témoigner devant la commission d’enquête des Nations unies. Quant aux seconds couteaux, les exécutants des sales besognes, ils vont allègrement en campagne, sautillant, tout guillerets, d’une chaîne câblée à une autre, pour clamer leur innocence et pourfendre ceux-là mêmes qui sont encore sur la liste noire des « hommes à abattre ». On croit rêver et pourtant telle est la triste réalité, l’amère réalité à laquelle sont confrontés le roi Abdallah d’Arabie saoudite et le président Moubarak d’Égypte qui tentent depuis de longues semaines de sortir la Syrie des beaux draps, des si sales draps dans lesquels elle s’est embourbée. Les sommets impromptus de Djeddah et de Charm el-Cheikh ouvriront-ils une brèche dans le blockhaus syrien ? Il faut bien l’espérer, quoique l’expérience passée n’incite guère à l’optimisme. L’exemple libyen aurait dû pourtant dessiller les yeux des dirigeants syriens, les engager à jouer la carte du pragmatisme. De Lockerbie à La Belle, d’un crime en Écosse à un autre à Berlin, de négations outrées en vaines tergiversations, Mouammar Kadhafi n’a réussi ni à esquiver le tribunal international ni à éviter les condamnations conséquentes, livrant même à la justice certains de ses proches pour sauver et sa peau et son régime. Bachar el-Assad aurait gagné à méditer là-dessus, à tirer la leçon du mea culpa de son fidèle mais néanmoins imprévisible et lunatique ami. Mais c’était, semble-t-il, trop demander à un régime coupé des nouvelles réalités mondiales, convaincu que sa faculté de nuisance en Irak comme au Liban dissuaderait les parrains de la 1559 et de la 1595 de poursuivre leur lent mais inexorable cheminement vers la vérité. * * * Du fait même de la nature du pouvoir baassiste, un tel aveuglement ne surprend pas outre mesure. Mais comment comprendre qu’au Liban, transformé en autel sacrificiel, on en soit encore à palabrer sur la nécessité ou non d’un tribunal international, à ergoter sur les avantages ou désavantages d’une enquête élargie, à perdre un temps fou, un temps inestimable à rassurer les uns, à calmer les autres, alors que les criminels, tapis dans l’ombre, préparent déjà leur prochain forfait. Le Liban est assassiné, le Liban est menacé dans son âme, dans son essence, et il se trouve encore des hommes pour accorder au meurtrier le bénéfice du doute, pour tenter de blanchir le commanditaire. Le Liban est assassiné, le Liban vit une situation d’urgence et il s’est trouvé des ministres pour bouder, pour entrer en dissidence, pour soumettre le gouvernement à un chantage éhonté. Le Liban est assassiné et il s’est trouvé des hommes politiques, et non des moindres, pour se disputer la paternité du 14 mars, l’exclusivité de la bataille souverainiste. Pour s’étriper sur des détails alors que l’essentiel aurait dû, devrait les réunir. Le Liban est assassiné et il se trouve encore des hommes pour bloquer l’assainissement des services sécuritaires, l’épuration de l’État, du sommet à la base. Qui pour préserver des acquis confessionnels, qui pour saboter toute entreprise de redressement. Le Liban est assassiné et le peuple meurtri assiste impuissant aux déballages obscènes des uns et des autres, à des suicides politiques en direct sur les écrans de télévision. Un véritable jeu de massacre, un jeu ahurissant où tous les atouts sont brûlés les uns après les autres. Une partie où tout le monde est forcément perdant, une partie au terme de laquelle les Libanais n’auront qu’une phrase à la bouche : « Quel gâchis, quel impardonnable gâchis. » Les assassins, eux, courent toujours. Nagib AOUN
«Quand le vin est tiré, il faut le boire », mais à Damas on ne l’entend évidemment pas de cette oreille, et à cette maxime on préfère une autre : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. »
« Les Syriens n’ont rien à voir avec l’assassinat de Rafic Hariri. Un point c’est tout » : le document Fitzgerald, le premier rapport Mehlis, le deuxième rapport Mehlis,...