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Le chant du cygne

Un boomerang ! Depuis vendredi, la Syrie vit sous l’effet de cette arme à double tranchant. Désormais, chaque acte hostile, chaque parole menaçante se retournera contre son auteur. Chaque attentat, chaque assassinat désignera directement son commanditaire. Les rois sont nus et ne trouvent même plus une feuille de vigne pour couvrir leur indignité. La boîte de pandore que tout un chacun attendait, que tout un chacun espérait, Abdel Halim Khaddam l’a sortie des ténèbres, l’a lancée à la face du régime syrien, comme un gant de défi. Les dés sont jetés, et le Baas syrien se meut encore comme si de rien n’était, comme si Rafic Hariri n’avait pas été tué, comme si Brammertz, après Mehlis, ne frappait pas déjà aux portes de Damas. Un autisme somme toute naturel, le régime de Bachar el-Assad ayant démontré au fil des ans son incapacité à s’adapter aux changements internationaux, son impuissance à régénérer un État moribond. La Syrie ou le pays des occasions manquées : en une phrase, voilà résumé l’état des lieux à Damas, un cloisonnement, un enfermement sur soi synonyme de suicide politique. Deux rapports Mehlis, une kyrielle de résolutions du Conseil de sécurité, des « conseils amicaux » provenant aussi bien des puissances occidentales, notamment la France, que des pays arabes les plus proches : tout cela est tombé dans l’oreille d’un sourd. Bachar el-Assad, en l’occurrence, « celui qui monopolisait toutes les décisions, sans l’aval duquel aucun service de sécurité n’aurait pu agir au Liban », Abdel Halim Khaddam dixit. Les parlementaires syriens, passés maîtres en vociférations injurieuses et en langage « baassisé », se trompent totalement, et de cible et de chemin : la « bombe » Khaddam n’est pas un simple coup d’épée dans l’eau. Elle est annonciatrice de nouvelles « bombes », de nouvelles révélations. Le ver est dans la pomme et le Baas joue désormais sa survie. D’où viendra le coup de grâce, l’épilogue qui ramènera la Syrie dans le concert des nations libres ? Les prochaines semaines, les mois à venir fourniront la réponse à cette question, alors même que la commission d’enquête internationale accumule les indices conduisant aux têtes peu pensantes, peu prévoyantes du régime syrien. Acteurs et victimes en même temps, les Libanais se retrouvent catapultés au rang de spectateurs, aux premières loges d’un théâtre qui n’a pas encore trouvé son affiche. 2006 s’ouvre sur les pires supputations, et les devins y vont évidemment de leurs sinistres prédictions. Les politologues eux-mêmes ne sont pas en reste, qui prévoient catastrophes, guerres éclair et attentats en série. Et pourtant, jamais dans son histoire le Liban n’aura bénéficié d’autant de facteurs positifs, d’autant d’éléments conjugués confortant ses assises, renforçant son immunité. Trois fondamentaux doivent être gardés en mémoire, sans cesse ressassés pour conjurer nos démons, garder la porte ouverte à l’espoir : – La Syrie a quitté le Liban munie d’un « one way ticket », un aller simple sans retour possible. – La communauté internationale, via le Conseil de sécurité, a mis la Syrie sous étroite surveillance et accordé au pays du Cèdre un parapluie protecteur incontournable. – Le Liban, toutes collectivités confessionnelles confondues, libéré de toute présence étrangère, se retrouve confronté à ses réalités intrinsèques, une fédération de communautés condamnées à s’entendre, une heure de vérité à laquelle il n’est plus loisible d’échapper. « Le Liban aux Libanais », un slogan sans cesse martelé place de la Liberté, un slogan qui prohibe toute allégeance à une puissance étrangère. Allié de la Syrie, viscéralement lié à l’Iran, le Hezbollah, porte-parole de facto de la communauté chiite, n’a pas réagi au déballage de Khaddam, observant un mutisme embarrassé. Cela peut-il annoncer un changement d’attitude, un assouplissement induisant une relance de la cohésion gouvernementale ? Il faut bien l’espérer, mais dans le contexte géopolitique actuel, aucune certitude ne peut être avancée. L’année 2006 au Moyen-Orient sera celle de l’Iran, prédisent les analystes internationaux. Le chant des sirènes en provenance de Téhéran succéderait-il alors au chant du cygne qui fait entendre ses derniers couplets à Damas ? Ce serait là faire insulte au Hezbollah et lui prêter des intentions dont il se défend. L’avenir, en tout cas, sera seul juge. Nagib AOUN
Un boomerang ! Depuis vendredi, la Syrie vit sous l’effet de cette arme à double tranchant. Désormais, chaque acte hostile, chaque parole menaçante se retournera contre son auteur. Chaque attentat, chaque assassinat désignera directement son commanditaire. Les rois sont nus et ne trouvent même plus une feuille de vigne pour couvrir leur indignité.
La boîte de pandore que tout un chacun...