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Actualités - CHRONOLOGIE

LITTÉRATURE Le «Maître et Marguerite», roman maudit de Boulgakov, à l’écran en Russie

Des millions de Russes sont collés cette semaine devant leurs téléviseurs: un des chefs-d’œuvre de la littérature du XXe siècle, le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, a été pour la première fois porté à l’écran en Russie, après plusieurs échecs suivis de rumeurs de « malédiction.» Plus de 5 millions de dollars ont été dépensés pour le tournage des dix épisodes de la série télévisée avec des stars du cinéma russe, comme Sergueï Bezroukov (Jeshua), Oleg Bassilachvili (Woland) et Kirill Lavrov (Ponce Pilate). Les deux premiers épisodes du film tourné à Moscou, à Saint-Pétersbourg, en Crimée, en Bulgarie et en Israël par le réalisateur Vladimir Bortko (connu pour ses brillantes transpositions à l’écran des œuvres classiques russes, telles que L’Idiot de Dostoïevski et Cœur de chien de Boulgakov) ont été diffusés par la chaîne publique Rossia. Plusieurs réalisateurs russes avaient envisagé de porter à l’écran ce roman qui fête cette année son 65e anniversaire et où se croisent la Russie soviétique des années 1930 et les événements retracés dans l’Évangile. Sans y parvenir. On cite parmi eux Andreï Tarkovski, Eldar Riazanov, Vladimir Naoumov, Leonid Gaidai et Elem Klimov. Le seul projet qui ait abouti au tournage en 1994, celui de Iouri Kara, s’est terminé par une série de procès entre ce réalisateur et les producteurs qui se disputaient les droits d’auteur. Et la pellicule avait «mystérieusement disparu», dit-on, du coffre de M. Kara, puis avait été «retrouvée» dans une collection privée. «Toutes ces histoires de malédiction sont absurdes. Le roman n’a, pour des raisons banales, pas été porté à l’écran», estime cependant Vladimir Bortko, dans un entretien avec l’AFP. «En URSS, c’était impossible pour des raisons idéologiques, et quand le régime est tombé, il n’y avait plus d’argent», explique M. Bortko. Le roman a, en revanche, fait l’objet de deux films à l’étranger. En 1972, le réalisateur polonais Andrzej Wajda tourne Pilate et les autres, en reprenant la partie du texte consacrée à l’Évangile. La même année, le Serbe Aleksandar Petrovic s’inspire de la partie satyrique du roman qui raillait la société soviétique. Le réalisateur Iouri Lioubimov a pourtant mis en scène le roman «maudit» au théâtre de la Taganka à Moscou, en 1977. Le spectacle a eu un énorme succès et a célébré récemment sa 1000e représentation. En niant dans tous les entretiens, «le mauvais sort» dont le roman aurait été la cible, M. Bortko a cependant invité un prêtre orthodoxe à bénir le début du tournage, confie un des producteurs du film, Valeri Todorovski, qui était lui-même très nerveux à la veille de la première. Plusieurs acteurs connus avaient refusé de participer au projet, évoquant des prétextes différents, selon la presse. L’Église orthodoxe russe s’était opposée à ce que le roman soit porté à l’écran, y voyant «un cinquième évangile, celui de Satan», un des principaux personnages du livre. Une impressionnante campagne de publicité a été mise sur pied pour le lancement du film. «Les sondages font état d’un score sans précédent: rien qu’à Moscou, plus de 58% de la population a regardé les premiers épisodes», se félicite une responsable de la chaîne Rossia. Mais le fait que le Maître et Marguerite soit un roman culte pour plusieurs générations de Russes peut jouer contre le film, souligne Roman Erykalov, directeur du centre culturel Boulgakov a Moscou. «Quand les attentes sont exagérées, il peut y avoir beaucoup de déçus», note-t-il. «C’est loin d’être une œuvre cinématographique. C’est un “soap-opera”. La mise à l’écran du roman est une idée vouée à l’échec», s’insurge ainsi Leonid Parchine, un spécialiste de l’œuvre de Boulgakov. «Mais, malgré toutes les critiques, on ne peut que saluer cette idée. Ce film poussera peut-être les jeunes à lire Boulgakov», affirme M. Erykalov.
Des millions de Russes sont collés cette semaine devant leurs téléviseurs: un des chefs-d’œuvre de la littérature du XXe siècle, le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, a été pour la première fois porté à l’écran en Russie, après plusieurs échecs suivis de rumeurs de « malédiction.»
Plus de 5 millions de dollars ont été dépensés pour le tournage des...