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Actualités - OPINION

Les racines du mal

Ils ont toujours raison, ils ne se trompent jamais, il ne leur viendrait même pas à l’esprit que les événements puissent leur donner tort. Ils sont seuls détenteurs de la vérité, ils se la confient de père en fils, de « leader maximo » en « leader maximo », ils passent, ils trépassent mais « leur » vérité reste. Elle est immuable, implacable, et toute contestation est aussitôt considérée comme une trahison et souvent sanctionnée dans le sang. Tel est le propre des systèmes totalitaires dans le monde, telle est la voie toujours empruntée par les régimes à parti unique. On en a l’exemple dans notre voisinage immédiat, on en a le prototype ailleurs au Moyen-Orient. Paradoxe des paradoxes, au Liban, pays par essence démocratique, des partis s’inspirent encore de ces régimes d’un temps révolu, tirent gloire de leurs relations étroites, intimes avec eux et basent toute leur approche politique sur cette constante dont ils ne dévient en aucune circonstance. Et pourtant, il y a eu mort d’hommes au Liban, assassinats répétés, ciblés, quasiment signés. Il y a eu insultes aux représentants du peuple, menaces claires, publiques, directement adressées à la nation entière. Mais il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. S’il fallait une raison encore pour justifier la demande d’aide internationale formulée par Beyrouth, le meurtre de Gebran Tuéni, son sacrifice sur l’autel de la liberté viennent de la fournir sur un plateau fait de sang et de larmes. Trente ans durant, les services syriens ont sciemment pourri, vicié, désintégré les divers services, les divers départements libanais. Ils y ont installé leurs sbires, leurs hommes de main, les plus incompétents des incompétents, les plus fidèles des fidèles. Les Syriens ont quitté, mais les racines du mal subsistent, du sommet à la base. Des séquelles putréfiées, incrustées, implantées dans un corps sans immunité. Une écurie d’Augias nauséabonde dont le nettoyage complet nécessitera des mois, de longues années peut-être. Que cessent donc les accusations et contre-accusations, les polémiques stériles qui entretiennent le désarroi général, qui rendent service à ceux-là même qui sèment la mort dans notre pays. « Celui dont la maison est en verre serait malvenu de caillasser les autres », dit si bien le dicton libanais. Dans l’état actuel des choses, c’est tout l’appareillage libanais qui est en verre et c’est avec les moyens faibles, presque dérisoires, dont il a hérités que Fouad Siniora affronte la tempête politique, colmate les brèches sécuritaires. Sans arrêt, jour après jour, le Premier ministre a tendu la main, ignoré les insultes, tenté désespérément de préserver la cohésion gouvernementale. Jour après jour il a expliqué, argumenté, essayé de convaincre. En vain. Combien de nouveaux drames faut-il donc pour que le Hezbollah comprenne que le Liban est menacé dans son intégrité, dans son essence même ? Combien de nouveaux attentats faut-il donc pour que le Hezbollah réalise que l’unanimité qui s’était constituée autour de lui après la libération s’est réduite comme peau de chagrin ? Redisons-le encore une fois : le Liban vit des heures critiques, lui refuser une aide internationale d’urgence serait refuser de prêter assistance à pays en danger, ce serait laisser triompher les forces de l’ombre, de l’obscurantisme. Un mot pour finir : l’esprit du 14 mars n’a pas disparu. Il se rappelle au souvenir de tout un chacun, place des Martyrs. Il interpelle nos consciences, nous ramène à notre devoir de mémoire. Mais que les hommes politiques le comprennent une fois pour toutes : le 14 mars n’est l’apanage de personne, il appartient à tous les Libanais. Alors de grâce, que cessent donc les discussions byzantines, les polémiques sur la paternité du mouvement. Par égard pour les jeunes, mais surtout par respect pour les martyrs de la liberté. Nagib AOUN
Ils ont toujours raison, ils ne se trompent jamais, il ne leur viendrait même pas à l’esprit que les événements puissent leur donner tort.
Ils sont seuls détenteurs de la vérité, ils se la confient de père en fils, de « leader maximo » en « leader maximo », ils passent, ils trépassent mais « leur » vérité reste. Elle est immuable, implacable, et toute contestation est...