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Actualités - OPINION

Le dernier jugement

Tic-tac, tic-tac, tic-tac : non, ce n’est pas là le bruit obsédant d’une bombe minutée, mais bien celui, rassurant, de l’horloge qui égrène les heures, les minutes, les secondes. Le temps qui court et qui nous rapproche de la vérité. Tic-tac, tic-tac, tic-tac : des souvenirs d’horreurs, de carnages qui ont ensanglanté nos jours et nos nuits, des engins de mort disséminés aux quatre coins du pays, plantés comme des banderilles dans le corps libanais, des bombes qui ont fauché des innocents, tué, mutilé dans l’impunité. Mais des ténèbres surgit aujourd’hui une aube nouvelle, l’occasion inespérée de tirer profit du bouleversement survenu au niveau des décisions internationales, de s’engager résolument dans l’après-libération, l’après-14 mars. Dans les heures, dans les minutes qui viennent, le couperet tombera. Non pas en exécution d’un verdict (les tribunaux en auront plus tard la responsabilité), mais pour désigner les têtes promises à la disgrâce, à l’opprobre mondial, celles qui, un jour ou l’autre, s’affaisseront face à leurs juges. Avant même son départ de Beyrouth, Detlev Mehlis avait annoncé la couleur : « Si je devais dire aujourd’hui ce que j’en pense (le rôle de la Syrie), le Conseil de sécurité me tuerait. » On ne saurait être plus clair et le mutisme même du magistrat allemand n’en devient que plus révélateur. C’est bien entendu à l’instance internationale de disséquer le rapport Mehlis et d’en tirer les conséquences. Ce qui est évident pour l’instant, c’est que si la première phase de l’enquête était libanaise et a abouti à l’arrestation des quatre généraux, la seconde phase cible essentiellement le volet syrien et ne peut conduire qu’aux mêmes résultats : la demande d’arrestation des suspects désignés dans le premier rapport. Et là, que le lecteur me permette un écart : la digression s’impose, elle saute aux yeux. Durant les longues années de plomb, de chape paralysante, Damas nous avait imposé la « concomitance des volets » : négociations de paix avec Israël, contacts avec les grandes puissances, politique économique, tout devait être coordonné, nivelé, décidé en fonction des seuls intérêts syriens. Aujourd’hui la direction baassiste doit s’en mordre les doigts : la concomitance n’est plus ce qu’elle était, elle l’incrimine, elle l’accable. Mehlis a basé toute son enquête là-dessus et a abouti à la conclusion suivante : concomitance dans la planification du crime, concomitance dans l’assassinat de Rafic Hariri. Résultat : responsables sécuritaires syriens et libanais pris la main dans le sac, piégés à cause même de leur volonté d’assurer la simultanéité de tous les volets… y compris dans le crime. La Syrie paye aujourd’hui le prix de cette concomitance et l’histoire, incontournable, prend sa revanche … Mais d’ores et déjà, Damas a mis en doute la justesse de toute sanction qui serait adoptée par le Conseil de sécurité, de toute demande d’arrestations qui émanerait de la mission d’enquête internationale. En d’autres termes, le pouvoir baassiste, qui n’a collaboré que du bout des lèvres aux investigations, ne semble nullement prêt à modifier sa position, Bachar el-Assad avertissant même que des mesures répressives « entraîneraient des conséquences négatives pour le reste du monde ». Le régime syrien allègue, le plus sérieusement du monde, que sa justice est indépendante et que c’est à elle de mener l’enquête dans son aspect interne, assurant avec véhémence que les éventuels coupables seront sévèrement châtiés. Le scénario, classique en régime totalitaire, serait alors le suivant : des responsables sécuritaires placés en détention, une maison d’arrêt bien confortable, où caviar, saumon et champagne seront au menu quotidien des prisonniers ! Ne nous leurrons pas : la coopération syrienne ne dépassera jamais le seuil de cette caricature, l’épisode viennois en a d’ailleurs été le meilleur exemple : quelques heures d’interrogatoires, un temps limite imposé par Damas et un retour tranquille au bercail. De tout cela émerge une évidence, une nécessité absolue : la création d’un tribunal international. Le régime syrien, compromis, impliqué, n’aura pas voix au chapitre. Seul le Conseil de sécurité, autorité souveraine, décidera de la démarche à suivre, une ligne tracée, creusée, perfectionnée au fil des ans, de Nuremberg à La Haye. Le Liban, dans toutes ses factions, à tous les niveaux, du sommet à la base, ne peut continuer à hésiter, à louvoyer. Le crime abject, ignoble, s’est produit sur son sol, c’est à lui de demander naturellement réparation, c’est à lui d’œuvrer sans relâche pour la mise en place du tribunal nternational. Plus qu’une nécessité, c’est un devoir, un ultime hommage rendu à la mémoire de Rafic Hariri. Ceux qui continueront à s’y opposer auront un jour à répondre de leurs actes, de leurs ompromissions : l’histoire, juge ultime, ne le leur pardonnera pas. Nagib AOUN
Tic-tac, tic-tac, tic-tac : non, ce n’est pas là le bruit obsédant d’une bombe minutée, mais bien celui, rassurant, de l’horloge qui égrène les heures, les minutes, les secondes. Le temps qui court et qui nous rapproche de la vérité.
Tic-tac, tic-tac, tic-tac : des souvenirs d’horreurs, de carnages qui ont ensanglanté nos jours et nos nuits, des engins de mort disséminés aux...