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Des conséquences socio-économiques à tous les niveaux Réchauffement planétaire : tendance à plus de sécheresse et plus de chaleur au Liban

Jamais depuis qu’on étudie les grands phénomènes climatiques n’a-t-on enregistré une telle intensité d’ouragans et de tempêtes tropicales en si peu de mois. Wilma vient de frapper la Floride, Rita et Katrina ont été particulièrement dévastateurs, Stan, bien qu’il ait été de moindre intensité, a causé des centaines de morts et d’importants dégâts en Amérique du Sud, par les pluies qui l’ont accompagné, entraînant des inondations et des glissements de terrains. Dans les esprits, une seule question : quelle relation entre cette impressionnante fréquence de tempêtes et le réchauffement global dont on parle tant ? Le Liban est-il menacé par ce genre de catastrophes ? Sinon, quel impact aura le changement climatique sur ce pays ? Fifi Kallab, experte en socio-économie de l’environnement, qui fait partie des dix-huit experts qui ont planché sur l’étude relative au dossier libanais (terminée en 1999), réalisée avec l’aide du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et présentée dans le cadre du rapport IPCC (« Intergovernmental Panel on Climate Change »), décidé lors de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (UNFCCC), fournit cette explication : « Jusqu’à présent, les scientifiques n’ont pas remarqué de tendance persistante dans le nombre et la sévérité des tempêtes et des cyclones, même si la période allant des années 70 jusqu’à nos jours a connu une nette augmentation des tempêtes. Cette augmentation n’est pas encore identifiée comme étant un effet du réchauffement climatique. Il s’agit plus probablement d’une variation naturelle, selon les climatologues. » Le Liban n’est pas sujet à de tels phénomènes, mais il présente d’autres vulnérabilités par rapport au réchauffement climatique. Mme Kallab indique que l’étude à laquelle elle a pris part, qui effectue une projection jusqu’en 2080, prévoit que le Liban, comme le reste de la région, aura tendance à devenir plus sec, notamment au niveau de la Békaa-Ouest, et que les microclimats y seront favorisés. « On prévoit des inondations dans certains endroits, de la sécheresse dans d’autres, à un niveau planétaire, ajoute-t-elle. Les conditions climatiques extrêmes seront constatées de plus en plus souvent. » Rappelons que le changement climatique, causé par une trop grande concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, se traduira par des hausses de température, des modifications dans les taux de précipitations, une récurrence des phénomènes météorologiques extrêmes, des changements dans les taux d’humidité... Les principales causes du changement climatique, ainsi que le rappelle Mme Kallab, sont les activités humaines qui ont conduit à des émanations bien plus importantes de gaz carbonique (CO2), de méthane (CH4) et d’ozone (O3). Il est estimé que la température de la Terre pourrait augmenter de 1 à 6 degrés (selon les scénarios les plus pessimistes) d’ici à 2100. Ces degrés supplémentaires, ajoute-t-elle, seront également responsables de l’incidence de vagues de canicule, d’inondations et de périodes de sécheresse. Les régions les plus vulnérables seront les îles, les côtes basses, les zones vulnérables aux inondations, aux sécheresses et à la désertification. En gros, les pays en développement risquent d’être davantage touchés que les pays développés. Si l’agriculture ne sera globalement pas très affectée, certains pays seront quasiment dévastés. Les conséquences de ce réchauffement s’étendront au domaine de la santé (propagation de maladies infectieuses à de nouvelles contrées), à celui de l’eau potable (moins disponible dans certaines régions) et conduiront à de profonds changements dans l’infrastructure humaine. Les conséquences écologiques seront également évidentes au niveau de la répartition de la faune et de la flore, du changement des habitudes migratoires des oiseaux... « Au Liban, nous commençons à ressentir cette hausse des températures, indique Mme Kallab. Elle est favorisée par l’humidité, la vapeur d’eau, puisque celle-ci retient encore plus les rayons du soleil dans l’atmosphère. Cette humidité, ajoutée à la pollution, crée un problème au niveau des océans : ceux-ci, qui absorbaient le CO2 grâce aux coquilles, n’arrivent plus à le faire vu la pollution grandissante, et finissent par rejeter des quantités de ce gaz dans l’atmosphère, rendant le problème encore plus aigu. » Même l’apparition de trous dans la couche d’ozone a une incidence sur cette situation, ajoute-t-elle, puisque les rayons ultraviolets qui pénètrent dorénavant plus facilement dans l’atmosphère n’en ressortent pas aussi aisément, bloqués par les gaz à effet de serre. Risques de carences en eau et de désertification Au Liban, selon le rapport IPCC, la température pourrait s’élever de 3 à 5° d’ici à 2080, selon les scénarios plus ou moins pessimistes, et la fréquence et la sévérité des périodes de sécheresse risquent de s’intensifier. Des conditions climatiques extrêmes feront également leur apparition. Les risques d’inondation et d’érosion seront bien réels, avec une élévation du niveau de la mer (un phénomène mondial en raison de la fonte des glaces arctiques) qui pourrait atteindre les 95 centimètres, et des aquifères côtiers ou fluviaux présentant des taux de salinité supérieurs à la normale. La tendance à la désertification affectera les secteurs de gestion de l’eau, de l’agriculture, des activités côtières, de la santé publique et de l’économie. Le secteur de la distribution d’eau au Liban risque de connaître des carences et une détérioration de la qualité de l’eau. Le Liban connaît actuellement une période de sécheresse qui dure six mois. Les demandes quotidiennes passeront de 215 litres par jour en 2000 à 260 litres en 2015, alors que la disponibilité tourne autour de 100 à 150 litres par jour, dit Mme Kallab, citant l’expert Salim Catafago. Pour l’eau, l’étude recommande de freiner la contamination des nappes superficielles et phréatiques, de pratiquer la décontamination de l’eau potable par des filtres et de sensibiliser la population à la rationalisation de l’utilisation de l’eau. Sur l’agriculture, un secteur déjà fragilisé par de nombreux maux, le réchauffement climatique aura aussi un impact considérable au Liban : déficit en eau (alors que les méthodes actuelles reposent sur l’irrigation massive), détérioration de la qualité de l’eau, multiplication des fléaux et des maladies, nécessité d’investissements pour transférer les cultures actuelles à des altitudes plus convenables, ce qui s’avérera probablement au-dessus des moyens des régions les plus déshéritées. Pour éviter d’en arriver là, selon l’étude, il faudrait adopter une politique de développement durable dans les zones rurales, pratiquer des cultures plus profitables et plus compétitives, introduire un contrôle de qualité, des critères et des certificats, etc. En ce qui concerne les activités côtières, la réserve en poissons se trouvera réduite. Les pertes annuelles dues aux événements naturels, qui étaient estimées à 35 millions de dollars en 1983, doubleraient en 2020. Les côtes basses par rapport au niveau de la mer ainsi que les plages de sable pourraient être affectées par des inondations. Les zones humides et la biodiversité en général sont menacées par le changement. L’impact sur le tourisme Les risques en matière de santé publique sont eux aussi à considérer. Avec le changement climatique, la sécurité alimentaire pourrait être affectée. La chaleur et la pollution causeront une multiplication des cas de troubles respiratoires, alors que la carence en eau et les infrastructures défaillantes augmentent le risque de choléra, de salmonelle et de dysenterie. Des maladies auparavant confinées à certaines régions pourraient se propager ailleurs en raison de la hausse des températures, comme la malaria. « Déjà, à titre d’exemple, la fièvre de la vallée du Rift a quitté le continent africain et fait des centaines de victimes au Yémen et en Arabie, précise Mme Kallab. La surpopulation accroîtra les risques d’épidémies. Des maladies véhiculées par des moustiques seraient redistribuées géographiquement, etc. » Sans compter que de nombreuses morts pourraient résulter des conditions météorologiques extrêmes. Pour réduire ces risques, l’étude recommande une meilleure surveillance épidémiologique, des activités de sensibilisation, une amélioration de la qualité des soins primaires, une meilleure accessibilité à ces soins, etc. Le tourisme sera affecté à son tour, d’une manière qui pourrait être plus positive que négative. En effet, il serait possible de profiter de l’essor des activités touristiques en montagne, vu la hausse des températures sur la côte et dans les pays environnants en général, a constaté Mme Kallab. Par ailleurs, des sites archéologiques sur la côte pourraient être menacés par les inondations, la saison de ski serait normalement compromise parce qu’écourtée (mais il faut préciser que les skieurs sont généralement libanais, rarement des touristes), et il faudra ajouter le coût des mesures d’adaptation à cette nouvelle réalité. Et pour conclure, l’experte évoque une citation de De Jeûne qui semble convenir parfaitement à cette situation : « Dieu pardonne toujours, les hommes parfois, la nature jamais. » Suzanne BAAKLINI
Jamais depuis qu’on étudie les grands phénomènes climatiques n’a-t-on enregistré une telle intensité d’ouragans et de tempêtes tropicales en si peu de mois. Wilma vient de frapper la Floride, Rita et Katrina ont été particulièrement dévastateurs, Stan, bien qu’il ait été de moindre intensité, a causé des centaines de morts et d’importants dégâts en Amérique...