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MONNAIE - Les avis de deux spécialistes français des changes La parité « de croisière » euro/dollar est-elle à 1,20 ?

Un euro valant 1,20 dollar, tel est le niveau d’équilibre à long terme de la parité des changes entre le billet vert et la monnaie unique, estime Jean-François Goux, professeur à l’Université Lyon II et à l’École supérieure des affaires. « Si on observe l’évolution du taux de change sur 20 ans (en prenant les équivalents de l’euro avant son adoption), il se stabilise autour de ce niveau, avec des variations à court terme de plus ou moins grande amplitude », dit-il dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour. Un avis que ne partage pas son collègue Jean-Pierre Allégret, maître de conférences et professeur associé au Gate CNRS et à l’Université Lyon II, professeur à l’ESA. « Ce niveau de taux de change ne tient pas compte de la variation d’une donnée fondamentale qui sera la force dominante à long terme : l’ampleur du déficit extérieur américain », argumente-t-il, lors du même entretien. La dépréciation du dollar sera le seul moyen de réduire cette contrainte externe exceptionnelle, insiste M. Allégret. Les projections pour 2010 tablent sur un doublement du poids de la dette extérieure nette à 50 % du PIB, un niveau jugé « insoutenable ». Si on ignore quand la baisse du dollar aura lieu, on sait en revanche qu’elle aura lieu, dit-il. À court terme cependant, la tendance à la hausse des taux américains et l’amnistie fiscale décidée par George Bush jouent en faveur du dollar, soulignent les deux économistes. Cette mesure incite les multinationales à rapatrier leurs bénéfices, car ils ne seront pas taxés cette année. « Le mouvement concerne déjà 250 milliards de dollars et il pourrait totaliser 500 milliards. » Des flux non négligeables pour soutenir le billet vert, même s’ils sont ponctuels. S’ils ne sont pas d’accord sur l’évolution prévisible de la parité euro-dollar, les deux économistes semblent convenir que le moteur du changement éventuel ne viendra pas des variables européennes. « Seule une forte croissance européenne pourrait influer sur le taux de change, mais celle-ci reste très hypothétique », souligne Jean-François Goux. Le professeur relève même qu’une augmentation des taux européens pourrait avoir un impact négatif sur la parité euro/dollar, car elle serait interprétée comme un mauvais signe pour la croissance européenne. Une dépréciation du dollar pourrait-elle venir d’une réévaluation du yuan ? Pour Jean-Pierre Allégret, la problématique pour Washington ne consiste pas tant à augmenter la compétitivité de ses exportations, mais de décourager la demande d’importations. L’économie américaine étant relativement peu ouverte (à hauteur de 12 % seulement), il faudrait une très forte dépréciation pour modifier les comportements des agents économiques. Ainsi, l’attention qui est portée sur la surévaluation du yuan est excessive, conviennent les deux économistes. La tonalité du débat est surtout politique – un message adressé à l’électorat américain, selon eux, car il faudrait une appréciation de plus de 250 % du yuan pour modifier la balance commerciale entre la Chine et les États-Unis, la variable essentielle en la matière étant surtout l’écart des niveaux de salaires entre les deux pays. À ce propos, M. Goux signale que six des dix premières entreprises exportatrices chinoises sont en fait des filiales de groupes américains qui ont délocalisé leur production pour bénéficier des conditions d’emploi de ce marché. Les pressions exercées sur le yuan ont pour objectif de forcer l’ouverture du système financier chinois, disent les deux économistes. La question de la parité entre le yuan et le dollar étant en fait plus complexe qu’il n’y paraît. « Si le yuan flotte aujourd’hui, les États-Unis seraient les premiers à en pâtir. Car les Chinois n’auraient plus besoin d’acheter massivement des bons du Trésor américains, alors que ces achats contribuent aujourd’hui à soutenir le cours du dollar et à financer le déficit extérieur américain », dit M. Allégret. Pourtant, à terme, l’intérêt de Pékin est, selon lui, de laisser flotter sa monnaie, car les pressions inflationnistes vont croissantes et se traduisent déjà, par exemple, par une hausse des crédits domestiques. Le flottement se fera d’un coup, car les appréciations progressives sont ingérables dans le cadre d’un ancrage fixe. Elles encouragent les spéculateurs qui, à chaque palier, misent sur la prochaine réévaluation, explique-t-il. S’il semble inévitable, ce changement de politique monétaire suppose d’abord que Pékin renforce son système financier (une politique entamée à un rythme accéléré) et, surtout, que la Chine renonce à faire des exportations l’unique moteur de sa croissance. Pour lancer une dynamique de croissance interne, Pékin doit développer son marché domestique, ce qui suppose de réduire les inégalités sociales, créer une classe moyenne, et donc de ne plus tout miser sur la compétitivité par les bas salaires. Sibylle RIZK

Un euro valant 1,20 dollar, tel est le niveau d’équilibre à long terme de la parité des changes entre le billet vert et la monnaie unique, estime Jean-François Goux, professeur à l’Université Lyon II et à l’École supérieure des affaires. « Si on observe l’évolution du taux de change sur 20 ans (en prenant les équivalents de l’euro avant son adoption), il se stabilise...