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Actualités - OPINION

À l’écoute des généraux

Y a-t-il des États masochistes ? Des États qui s’obstinent à se faire eux-mêmes du mal ? Des États qui, par leurs attitudes, leur manière d’agir, accumulent erreurs, fautes et maladresses et se mettent, comme à plaisir, dans les situations les plus inconfortables ? S’il existe réellement de tels États, alors la Syrie en est résolument un. Sous Hafez el-Assad, le régime baassiste a longtemps été un virtuose de la politique du bord du gouffre. Et l’extrême bord du gouffre, il faut reconnaître qu’il s’est magistralement arrangé pour l’arpenter en long et en large, trois décennies durant, entassant les acquis sans jamais ou presque basculer dans le vide. Même quand de tels accidents se produisaient d’ailleurs, ce régime parvenait à opérer les rétablissements les plus acrobatiques, quitte à surprendre tout le monde en changeant brusquement de cap. On l’a bien vu lorsque la Syrie militante, confortée il est vrai dans son hégémonie sur le Liban, se joignit à la coalition internationale lors de la première expédition contre l’Irak – lui aussi baassiste, pourtant – de Saddam Hussein. Il reste que cette Syrie-là, et elle l’a montré plus d’une fois, savait pressentir, percevoir, évaluer les changements survenant sur la scène internationale et en tirer les conséquences, même si elle continuait de se refuser farouchement à tout changement du dedans. Et c’est exactement l’impression inverse que laisse le régime de Bachar el-Assad. Dès son accession au pouvoir, le jeune président est apparu comme un homme de réformes et certaines de celles-ci, tels les forums de discussion politique, ont même connu une éphémère existence. Mais cette Syrie prétendument nouvelle ne semble avoir jamais cru à la consistance, au sérieux de la démarche internationale visant à la dessaisir de son butin libanais. Jusqu’à ce jour, et malgré le retrait forcé de ses troupes, elle ne se résigne pas à déclarer forfait. Et rien n’est plus révélateur de cet état d’esprit que son comportement incroyablement maladroit, coincé et finalement autodestructeur, dans l’affaire Hariri. Une longue série de liquidations politiques au Liban, invariablement demeurées sans enquête, un désaccord notoire avec l’ancien Premier ministre, des pressions quasiment publiques qui auraient atteint le stade de menaces : instantanément, spontanément, irrésistiblement, tout cela a fait de la Syrie le premier suspect dans l’attentat du 14 février. Mais comme si ce n’était pas déjà assez, les autorités de Damas n’auront pas vraiment essayé de se dédouaner auprès des enquêteurs internationaux : mieux, elles ont paru alourdir comme à plaisir les suspicions pesant sur elles, s’enferrer méthodiquement dans leur statut de suspect, sinon de coupable. C’est précisément ce manque de coopération – savoureux euphémisme – que vient de déplorer le rapport préliminaire de l’enquêteur international Detlev Mehlis, suivi en cela par le Conseil de sécurité de l’ONU : un constat qui a, en réalité, valeur d’avertissement. De fait, il va être de plus en plus difficile pour la Syrie de se claquemurer, oreilles closes et bouche cousue, dans son impasse stratégique. Le monde n’en démordra pas : s’abstenir de coopérer, c’est retarder une enquête limitée dans le temps et dont il est clair qu’elle ne sera parachevée qu’avec les dépositions des généraux du renseignement syrien, ces gardiens zélés voués peut-être à la condition de fusibles. Quelle que soit la procédure retenue – interview ou interrogatoire en règle –, c’est de ces officiers que Mehlis attend des éclaircissements, et non du ministre des AE Farouk el-Chareh qui lui a dépêché des émissaires, hier à Genève. L’État libanais, quant à lui, se voit gratifier par le rapport onusien d’un certificat de bonne conduite ; mais de coopérer avec l’enquête ne le lave guère pour autant de tout soupçon, puisque l’un de ses responsables sécuritaires les plus influents a formellement qualité de suspect. Plus de 200 témoins ont été entendus à Beyrouth. Et le plus triste, le plus honteux, le plus alarmant, c’est leur terreur de voir communiquer leur témoignage aux autorités locales : aux flics et aux magistrats de notre doux pays. Issa GORAIEB
Y a-t-il des États masochistes ? Des États qui s’obstinent à se faire eux-mêmes du mal ? Des États qui, par leurs attitudes, leur manière d’agir, accumulent erreurs, fautes et maladresses et se mettent, comme à plaisir, dans les situations les plus inconfortables ?
S’il existe réellement de tels États, alors la Syrie en est résolument un. Sous Hafez el-Assad, le...