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Actualités - OPINION

Deux-roues : les fantaisies des règlements libanais

Histoire véridique survenue au rond-point Kaslik le 19 juillet. Ce matin-là, à 9h30, un brave citoyen lambda se rend tranquillement à son lieu de travail et se retrouve coincé dans la circulation, au volant de sa voiture. Un jeune homme en mobylette venant en sens inverse à pleine vitesse percute la voiture pendant que notre automobiliste est à l’arrêt. Vol plané du motocycliste, chute libre, tête première, dans le pare-brise de la voiture (sans casque évidemment). Énorme frayeur pour tout le monde et beaucoup de chance pour le motard, qui s’en sort avec une clavicule cassée alors que sa tête aurait pu heurter le montant du pare-brise et se fracasser mortellement. C’est là que l’histoire devient ubuesque. Papiers de la voiture, assurance, paiement de la taxe mécanique, permis de conduire : notre automobiliste est en règle. Le conducteur du deux-roues n’a pas de casque, pas de permis de conduire, pas de plaque d’immatriculation, pas d’assurance, pas de contrôle mécanique (sa mobylette étant une épave roulante) et responsable, de surcroît, de l’accident qui vient de se produire… Qui a eu tous les torts ? L’automobiliste, qui a dû se débattre cinq heures durant entre son assurance qui a pris en charge les soins du motocycliste, les formalités d’admission du blessé à l’hôpital, les dépositions au commissariat de police, entre le moment où il se voit signifier un contrôle judiciaire de 48 heures le temps d’être sûr que l’état de santé du motocycliste ne va pas se détériorer. À tout cela s’ajoutent la rédaction des différents rapport d’expertise, l’appel au procureur de la République, etc. Question au gendarme de service : Pourquoi ai-je tout les torts alors que le motocycliste n’est pas en règle ? Réponse : Parce qu’il a été blessé. Question : Ce motocycliste ne devrait pas avoir le droit de circuler, car il n’est pas en règle et vous n’avez pas fait votre boulot qui était de l’en empêcher. Réponse du gendarme : Que votre compagnie d’assurances intente un procès à l’État. Question : Pourquoi n’arrêtez-vous pas ces motards sans plaques d’immatriculation et qui ne sont pas en règle ? Réponse du gendarme : Nous en arrêtons des centaines, nous confisquons leurs motos, mais au lieu qu’elles soient détruites, elles sont revendues aux enchères, avec plein de combines à la clef au bout de quelques mois, et se retrouvent dans la circulation. Le marché est auto-alimenté en permanence. Remis de ces émotions, notre automobiliste a voulu en savoir davantage sur le pourquoi de la prolifération exponentielle ces dernières années des motos et mobylettes qui circulent sans plaques d’immatriculation. Après investigations, nouvelle surprise : il découvre que la raison en est un arrêté de M. Élias Murr, alors ministre de l’Intérieur. Ce texte (toujours en vigueur) avait été élaboré dans un esprit fort louable, celui de vouloir réglementer et mieux contrôler la pratique des deux-roues au Liban, surtout après la vague des vols de sacs à main commis par des voleurs à la tire en mobylette. Que fait M. Murr : il décrète qu’en plus des papiers habituels (permis de conduire, carte grise, assurance, mécanique), tout conducteur de deux-roues est requis de se munir d’un permis de circuler renouvelable tous les 6 mois. C’est là que le bât blesse : pour obtenir ce permis de circuler, il faut présenter une pile de documents : un extrait de casier judiciaire vierge, des photos légalisées, une attestation d’habitation certifiée par le moukhtar, une attestation de travail dans une société, un quitus fiscal de ladite société, un engagement de respecter le code de la route, et j’en passe… Résultat : découragés par la difficulté qu’il y a à renouveler tous ces papiers deux fois par an, un nombre croissant de motocyclistes préfèrent rouler hors la loi et, tant qu’à faire, sans plaque d’immatriculation. Il vaut mieux prendre le risque de se voir confisquer son deux-roues à l’état d’épave, dont le prix tourne autour de 100 à 200 dollars (un cours alimenté par les ventes aux enchères effectuées par l’État des mêmes motos préalablement saisies), que de se battre pour obtenir toute sorte de papiers, et pour cela perdre son temps à faire la queue dans diverses administrations . D’autant plus que, on l’a vu dans l’exemple de l’accident, le motocycliste en situation illégale n’a même pas été inquiété pour les infractions qu’il a commises. Messieurs les dirigeants, de grâce faites-nous des lois simples et claires au regard desquelles tout le monde est égal face à la loi, et revenez sur certaines lois et arrêtés qui conduisent à des effets pervers. Ne donnez pas plus de droits à ceux qui ne respectent pas les règles et règlements qu’à ceux qui les respectent. Que les autorités réclament aux motocyclistes ce qu’elles demandent aux automobilistes, à savoir : une carte grise, un permis de conduire un deux-roues, un contrôle technique régulier, un reçu de paiement de la taxe mécanique, une police d’assurance obligatoire. Il faut faire table rase des textes à effets pervers qui ont amplifié les problèmes au lieu de les résoudre. À partir de là, que les forces de l’ordre fassent leur travail et qu’elles séparent le bon grain de l’ivraie. Mikhaël HAGE CHAHINE

Histoire véridique survenue au rond-point Kaslik le 19 juillet. Ce matin-là, à 9h30, un brave citoyen lambda se rend tranquillement à son lieu de travail et se retrouve coincé dans la circulation, au volant de sa voiture. Un jeune homme en mobylette venant en sens inverse à pleine vitesse percute la voiture pendant que notre automobiliste est à l’arrêt. Vol plané du...