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Actualités - REPORTAGE

Sécurité - Hormis les aides privées, les régions sinistrées attendent toujours les indemnités promises par les instances officielles I- Victimes d’attentats, oubliées par l’État (photos)

Alors que les foules vivaient toujours dans la liesse de la manifestation monstre du 14 mars, un mouvement lui-même né de la tragédie de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février, plusieurs attentats nocturnes se sont succédé dans les régions contre des cibles civiles, s’attaquant à des centres commerciaux, des industries et même des immeubles résidentiels. Des victimes étaient à déplorer à Kaslik, le 22 mars, comme à Jounieh, le 6 mai, outre des blessés dans l’ensemble des cinq attentats, mais le principal objectif de ces attaques à l’explosif était apparemment de terroriser la population tout en frappant l’économie du pays. Ces attentats obscurs, dont on ignore toujours tout des instigateurs et de leurs motivations, ont causé des dégâts estimés à des millions de dollars. Plus récemment, dans la série d’attentats politiques qui endeuillent le pays depuis début juin, la tentative d’assassinat du vice-Premier ministre Élias Murr, qui a fait un mort parmi les passants, a également laissé d’énormes dégâts dans les villas et les commerces environnants. Le 22 juillet, une déflagration dans le secteur Monnot a endommagé plusieurs résidences voisines et détruit des voitures dans un parking. Et rien ne semble présager que la liste noire s’arrêtera là. Tous ces citoyens, qu’ils aient payé de leur sécurité personnelle (parfois de leur vie) ou dans leurs biens, juste parce qu’ils se trouvaient, ou que leurs commerces ou industries sont situés, au mauvais moment au mauvais endroit, sont-ils soutenus par l’État ? Une tournée dans les régions touchées permet rapidement de se rendre compte que les indemnités officielles, promises dès les premiers instants, n’ont pas encore été versées, même aux victimes des attentats les plus anciennes. En gros, ceux qui ont bénéficié d’une aide quelconque ont été soutenus soit par les conseils municipaux de leur ville, soit par des instances privées. Mais du haut comité de secours, comme nous l’avons appris, aucun fonds n’a encore été débloqué à l’intention des victimes, alors que celles-ci ont pour la plupart déjà réparé les dégâts. Pourquoi ce retard ? Dans cette lutte contre des forces invisibles, les malheureux qui y ont été mêlés ne méritaient-ils pas davantage de soutien officiel, même si les temps sont difficiles pour tout le monde ? Comment permettre aux commerçants, notamment, de tenir le coup, quand ils doivent ramasser les vitres brisées et la marchandise endommagée, avant de faire face à une saison morne et à la rareté des touristes ? Interrogé sur ce retard, le général Yehia Raad, président du haut comité de secours, déclarait il y a quelques semaines n’avoir reçu le rapport de l’armée (c’est cette institution qui a effectué le recensement des dégâts après chaque attentat) que « depuis peu de temps ». « Or le gouvernement (précédent, présidé par Nagib Mikati) était déjà démissionnaire et ne pouvait prendre les décisions qui s’imposaient, a-t-il poursuivi. C’est le nouveau Conseil des ministres qui décidera quand et comment les victimes seront indemnisées, et quelle proportion de leurs pertes sera couverte. Il m’est impossible de déterminer cela à l’avance. » Le général Raad rappelle que son institution a pour principale mission de recenser et d’estimer les dégâts, et qu’elle obtiendra, dans l’objectif de faire parvenir les indemnités aux victimes, un budget qui lui sera spécialement alloué par le Conseil des ministres à cette fin. En attendant le Conseil des ministres Selon lui, donc, la balle est dans le camp du gouvernement qui vient de voir le jour. Mais tous les commerçants ne l’entendent pas ainsi et se plaignent du retard. « C’est la première fois que les fils de cette région demandent qu’on leur verse des indemnités, or nous nous rendons compte que pour l’État, nous ne sommes que des payeurs d’impôts », s’indigne Jacques Hokayem, président de l’Association des commerçants du Kesrouan, caza où ont eu lieu deux des explosions destructrices. « Un commerçant qui a souffert de pertes considérables ne peut attendre les indemnités durant six mois, poursuit-il. La situation économique est dure et le devient encore davantage avec la série noire des explosions qui n’en finit pas. L’État aurait dû prendre des décisions plus rapides, comme celle, par exemple, d’exempter les commerçants touchés de factures d’électricité durant un an. » Élie Saliba, propriétaire d’un commerce durement touché à Antélias, lors de la tentative d’assassinat d’Élias Murr, n’y va pas par quatre chemins. « Les commerçants sont les plus grands résistants au Liban, dit-il. Sans eux, le Liban ne peut pas rester un marché important au Moyen-Orient. » Chez les commerçants visités dans différentes régions, on se montre plus ou moins (plutôt plus que moins) sceptiques concernant l’arrivée d’éventuelles indemnités de l’État. « Quand avons-nous jamais reçu d’aide officielle ? » lancent certains en haussant les épaules. « Si des indemnités nous sont versées, c’est bien, sinon, nous n’allons pas en faire une histoire », déclarent d’autres, fatalistes. D’autres encore se félicitent qu’« aucun de nos employés n’a été gravement blessé, Dieu merci ». Tous soulignent que l’armée et les forces de l’ordre sont arrivées le second jour pour recenser les dégâts, et rendent hommage à leur action, mais ils ajoutent qu’ils n’ont plus été informés des intentions des officiels depuis. M. Hokayem déclare que les associations de commerçants rentreront probablement en contact avec les nouveaux ministres pour relancer l’affaire. Entre-temps, les seules aides distribuées aux commerçants jusque-là proviennent de certains conseils municipaux (à New Jdeideh notamment, à Jounieh partiellement, sans compter quelques promesses pour Antélias), ou de fonds privés (notamment le Fonds de solidarité mis en place par les instances économiques et la Fondation al-Walid ben Talal, qui a indemnisé les industriels de Sadd al-Baouchrié). La série d’attentats et d’assassinats, comme cela a été abondamment souligné jusque-là, mettent en évidence l’insécurité qui règne dans le pays. Sans nul doute. Mais on ne peut que relever la scandaleuse indifférence qui a caractérisé les prestations officielles envers les victimes, qu’elles aient été atteintes dans leur corps ou dans leurs biens, et ce malgré les promesses qui ont fusé dès les premiers jours. Dans un pays où l’on parle de réformes à longueur de journée, ne devrait-on pas réévaluer la place qu’occupe l’être humain dans le cadre du système ? Suzanne BAAKLINI

Alors que les foules vivaient toujours dans la liesse de la manifestation monstre du 14 mars, un mouvement lui-même né de la tragédie de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février, plusieurs attentats nocturnes se sont succédé dans les régions contre des cibles civiles, s’attaquant à des centres commerciaux, des industries et même des...