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Actualités - OPINION

ASSASSINAT HARIRI Spéculations sur le timing de la bombe Mehlis

Une scène classique de ce grand théâtre que sont les prétoires américains : un avocat lance un pétard (verbal) hors des règles. Le président prie les jurés de ne pas en tenir compte. Mais l’effet y est… C’est un peu ce qui vient de se passer avec Detlev Mehlis. Sauf que c’est une véritable bombe qu’il a lancée, rien qu’en mentionnant le nom du général Moustapha Hamdane. Négib Friji, porte-parole de l’Onu à Beyrouth, a tenté de rectifier le tir à deux reprises. D’abord, il a indiqué que « suspect » ne signifie pas « accusé ». Puis il a affirmé que les révélations du Figaro citant Mehlis n’ont pas été « autorisées » (à la publication) par ce dernier. Qui ne nie donc pas les avoir faites. C’est la deuxième fois, mais dans un sens contraire, que le juge allemand secoue le cocotier. D’abord, dès son entrée en lice ou presque, il avait ratifié la thèse officielle loyaliste de l’explosion en surface. Tandis que l’opposition (de l’époque) conjecturait que la charge qui avait tué Hariri était souterraine. L’enquêteur international avait dévoilé l’existence du van Mitsubishi blanc qui aurait été conduit par un kamikaze. Maintenant, c’est l’ancienne opposition que le magistrat satisfait. Car, dès les premiers jours, elle avait dénoncé ouvertement une manipulation de la scène du crime sur ordre présumé (illégal) de Hamdane. Que ses fonctions de chef de la garde républicaine n’autorisent certes pas à intervenir dans des affaires policières et encore moins judiciaires. L’initiative de Mehlis a stupéfié les professionnels politiques du cru. Pourquoi ? Parce que, moyennant l’engagement d’une coopération totale, la commission qu’il dirige avait gratifié les autorités libanaises (en l’occurrence le ministère de la Justice) d’un protocole plaçant l’enquête sous leur autorité. Et promettant qu’elle se déroulerait en toute discrétion, loin des feux de la rampe et des médias. Ce qui n’est pas exactement le cas quand on fait des confidences au Figaro. Alors comment s’expliquent les déclarations de Mehlis ? Les sources locales relèvent que dans l’interview en question, il a accordé beaucoup d’importance au délai de trois mois (extensible à six) qui lui est imparti. Il aurait donc voulu donner un coup d’accélérateur, inciter les langues à se délier plus vite en abattant brutalement la carte Hamdane. Dévoilant qu’au bout de neuf heures d’interrogatoire et une double perquisition de domicile et de bureau, il retient contre le général la qualité de suspect dans la modification de la scène du crime. Le juge précise qu’il ne sait pas, pas encore, si c’était délibéré ou résultait d’une négligence. Négligence non pas par rapport à quelque chose qui aurait dû être fait, mais au contraire, par rapport à quelque chose qu’on ne doit jamais faire. En utilisant ce terme, le magistrat allemand montre en réalité que le fait qu’un Libanais ait empiété sur des fonctions qui ne sont pas les siennes n’est pas de son ressort à lui. Mais, du même coup, il montre que les autorités et la justice libanaises ne se sont pas préoccupées de ce qui les concerne, elles, directement, à savoir la transgression éventuelle de nos lois. Transgression présumée, précisons-le encore une fois. Car tant qu’il n’y a pas jugement, il n’est pas établi qu’un cadre déterminé ait commis un abus de pouvoir. Autre précision : les déclarations de Mehlis constituent une automatique notification du droit public libanais, du parquet. Qui doit, tout aussi automatiquement, enquêter. Pour poursuivre ou pour délivrer un non-lieu, suivant les cas. Interrogations Pour en revenir à l’enquête internationale, il est clair que les présomptions d’intervention illégale sur la scène du crime sont très graves. Parce que, comme le dit Mehlis, on se demande aussitôt pourquoi avoir voulu non seulement changer les donnes réelles, enlever les véhicules frappés, mais aussi tenter de faire rouvrir rapidement la voie à la circulation. Et quand on s’est demandé pourquoi, on se pose, naturellement, la question de savoir s’il n’y a pas là une piste pouvant mener aux commanditaires, sinon aux exécutants du crime. Les professionnels locaux spéculent aussi sur l’éventuelle signification politique de la bombe Mehlis. Lancée avant d’entendre Rustom Ghazalé, au moment où Siniora formait son gouvernement. L’on a fait courir des bruits et des soupçons après des rencontres de Mehlis avec divers pôles politiques. Pour tenter d’exploiter politiquement, sur le plan local, l’enquête. Des sources informées affirment qu’on reproche, à tort, à Mehlis de s’être avancé, d’avoir enfreint ses obligations de secret de l’instruction. Car, d’après ces sources, en réalité, il détient déjà des informations capitales, qu’il se garde bien de divulguer, pour pouvoir bien recouper les indices. Et c’est pour bien les exploiter qu’il aurait fait une sorte d’appel du pied, à travers ses déclarations au Figaro, à des officiers ou à des anciens responsables, qu’il comptera bientôt interroger. Pour qu’ils parlent sans crainte, toujours selon ces sources. Philippe ABI-AKL
Une scène classique de ce grand théâtre que sont les prétoires américains : un avocat lance un pétard (verbal) hors des règles. Le président prie les jurés de ne pas en tenir compte. Mais l’effet y est…
C’est un peu ce qui vient de se passer avec Detlev Mehlis. Sauf que c’est une véritable bombe qu’il a lancée, rien qu’en mentionnant le nom du général...