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La Justice, l’Intérieur et les Affaires étrangères objets de toutes les convoitises La résurgence des contradictions internes entrave une gestation que l’on avait espérée facile

Après la désignation triomphale de Siniora (126 suffrages sur 128) et surtout après le ralliement initial de Aoun, on avait pensé que la formation du cabinet ne serait qu’un jeu d’enfants. Saad Hariri avait à ce moment laissé entendre qu’au plus tard on en aurait terminé le 5, c’est-à-dire hier mardi. Mais comme tout s’est brusquement compliqué, avec le retrait de Aoun, on reste loin du compte. Aussi Saad Hariri s’est-il envolé pour l’Arabie saoudite, et Siniora attend qu’il en retourne, demain jeudi, pour tenter, avec son concours, de dénouer l’écheveau. Le rêve d’un gouvernement d’entente s’inscrivant dans le prolongement du 14 mars est maintenant brisé. Le Courant patriotique libre soutient qu’on lui a refusé la Justice à dessein. Pour l’écarter du jeu. Et il précise que des parties déterminées, Joumblatt en tête, ont manœuvré, principalement auprès de Hariri, pour l’évincer. Les proches du général Aoun rappellent qu’au départ il n’avait pas l’intention de participer. Non pas tant pour faire de l’opposition pour le plaisir que parce qu’il lui semblait qu’une formation dite d’entente serait trop peu cohérente au fond pour bien servir la réforme. Et le pays. Ce n’est, rappellent-ils, que sur l’insistance pressante de Hariri, sur son engagement à promouvoir le projet de réforme du général, disant qu’il l’approuvait à 95 %, que leur chef de file avait cédé. Il revient maintenant à ses positions premières. Avec une nuance importante : il y a eu, quand même, rapprochement et empathie avec Saad Hariri. Mais, aussi, éloignement encore plus marqué avec Joumblatt. Quoi qu’il en soit, le problème maintenant est ailleurs. Il se situe surtout au niveau de l’exigence d’Amal et du Hezbollah d’obtenir pour un de leurs amis communs, un chiite, bien entendu, les Affaires étrangères. Ils refusent que le palais Bustros soit attribué à une autre communauté. Sur le plan, disons, de la chasse gardée confessionnelle, c’est-à-dire du remplacement de Mahmoud Hammoud par un autre chiite, l’affaire est tout aussi intérieure que négociable. Mais là où le bât blesse, c’est que cette fois le Hezbollah entre en ligne. Or, en matière de relations internationales, et l’on pense évidemment avant tout aux États-Unis, ce parti n’est justement pas persona grata, comme on dit dans le jargon diplomatique. Et l’on irait tout droit vers une crise diplomatique aiguë si d’aventure les Affaires étrangères étaient dévolues à un proche du Hezb. Les exigences de Joumblatt Il y a aussi les exigences à double volet de Joumblatt. Ce qu’il veut d’abord : l’Intérieur pour Marwan Hamadé. Ce qu’il ne veut pas ensuite (et qu’il a obtenu), la Justice à Aoun. Dans ses assises privées, le leader progressiste ne le cache pas : pas question, dit-il, de livrer nos têtes au couperet de Aoun. Dont l’idée fixe, selon lui, serait d’ouvrir les dossiers, de mettre en branle la justice, parquet en tête, dans le cadre de ce que l’on appelle l’audit des 40 milliards. Pour Joumblatt, une telle campagne reviendrait, au plan national, à faire fausse route. Ce n’est pas le moment de régler d’anciens comptes, affirme-t-il en substance. Il faut aller de l’avant, construire, effectuer la réforme. Tout en veillant à lutter contre la corruption, mais en aval, pas en amont. Il reste qu’après le désistement de Aoun, il y a quatre portefeuilles de plus à distribuer. La tendance serait de les partager entre le Courant du futur et Kornet Chehwane. Mais beaucoup affirment qu’il faut les réserver aux chrétiens, pour consolider notamment la participation maronite. On parle ainsi de Boutros Harb, de Nayla Moawad ou de Pierre Gemayel, en sus d’un représentant des Forces libanaises. Mais nombre de forces politiques, se considérant marginalisées, s’opposent à une telle formule. Les tractations, il faut le souligner, se teintent d’un climat confessionnel assez délétère. Nombre de joueurs reprochent à Siniora de tout donner à des parties déterminées, et de négliger les forces du camp chrétien. Là on s’étonne que Siniora ait imputé à Aoun la responsabilité du fiasco. En affirmant que, manifestement, tout a été fait pour porter le général à se récuser. On ajoute que les justifications concernant l’obstination à réserver au Futur la Justice ne tiennent pas la route. Dans ce sens que tout ministre, d’où qu’il vienne, sera tenu de coopérer étroitement avec la commission d’enquête internationale sur l’assassinat du président Hariri. On rappelle que d’ailleurs au départ, Siniora et Hariri n’avaient avancé aucune objection quand Aoun avait demandé la Justice. Et que c’est sur pression de Joumblatt qu’ils ont changé d’avis. Les mêmes sources s’étonnent que l’on n’ait pas pensé à Fouad Boutros, orfèvre en la matière, pour les Affaires étrangères. Mais, en réalité, avant de voir à qui il faut confier ce portefeuille, il s’agit de savoir quelle politique le nouveau pouvoir compte adopter par rapport à la 1559. Reste un point important : le gouvernement en préparation ne sera pas d’entente nationale. Et ne correspondra pas aux préceptes de Taëf, comme prévu initialement. Or le chef de l’État continue à soutenir qu’il faut un cabinet d’union d’où personne ne serait exclu. Irait-il, alors, jusqu’à refuser de signer les décrets de nomination d’une équipe pour ainsi dire monochrome ? De plus, ajoutent les lahoudistes, comment le chef de l’État pourrait-il admettre de siéger en Conseil des ministres aux côtés de ministres qui réclament son éviction ? Les joumblattistes pour leur part s’en tiennent à cette logique, un cabinet d’union ne serait pas démocratique. Car il n’y aurait plus personne, à la Chambre, pour exercer le pouvoir de contrôle des actes du gouvernement. Autrement dit, pour faire de l’opposition. Rôle que, bien entendu, ils ne réclament pas pour eux-mêmes. Philippe ABI-AKL
Après la désignation triomphale de Siniora (126 suffrages sur 128) et surtout après le ralliement initial de Aoun, on avait pensé que la formation du cabinet ne serait qu’un jeu d’enfants. Saad Hariri avait à ce moment laissé entendre qu’au plus tard on en aurait terminé le 5, c’est-à-dire hier mardi. Mais comme tout s’est brusquement compliqué, avec le retrait de...