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Actualités - OPINION

Consolider l’indépendance

Les élections qui se sont achevées le 19 juin ont été folkloriques – comment s’en étonner dans un pays comme le Liban ? –, mais elles ont également été très disputées, riches en rebondissements et ont, malgré tout, permis de faire pencher la balance en faveur des artisans d’un 14 mars trop vite enterré. La démocratie en est-elle sortie gagnante ? Sans doute pas, puisque des élections basées sur une loi électorale injuste sont fatalement entachées d’injustice. L’appel au report du scrutin pour permettre le vote d’une loi plus équitable n’ayant pas été entendu, le résultat est là. À l’heure où, selon le jargon aounien, on réclame un « audit », quel bilan tirer de ces élections ? Que peut-on inscrire à l’actif et au passif de ces législatives, présentées comme décisives pour l’avenir du Liban ? I – À l’actif : 1– Une mobilisation massive des électeurs, conscients de l’enjeu du scrutin et aiguillonnés par des machines électorales à l’efficacité surprenante. 2 – La « retraite forcée » imposée à une vingtaine de symboles de la tutelle syrienne qui, avant février 2005, paraissaient intouchables, indéboulonnables. Le départ de ces pantins constitue assurément un acquis. 3 – L’arrivée au Parlement d’une majorité « souverainiste » issue du combat du 14 mars (dont il ne faut pas exclure, malgré les dissensions enregistrées ces derniers temps, le bloc du général Aoun qui, sur les questions touchant à la souveraineté du Liban, saura se montrer intraitable). 4 – La réconciliation avec les Forces libanaises dans la Montagne et au Nord. L’arrivée au Parlement de plusieurs députés FL marque, qu’on le veuille ou non, une revanche éclatante contre ceux qui, hier encore, menaient contre ce parti (dissous !) une véritable chasse aux sorcières et accusaient son chef de tous les maux. II– Au passif : 1 – Une loi électorale inique qui a marginalisé des régions entières (comme Jezzine), permis à des candidats minoritaires dans leur propre circonscription d’accéder au Parlement et favorisé ce qu’on appelle les « listes-bulldozers ». Fallait-il cette démonstration pour se convaincre que le caza ou même la proportionnelle sont beaucoup plus équitables et permettent d’assurer une bien meilleure représentation ? 2 – Des failles dans la tenue des élections, tant au niveau des infractions commises (les morts qui ressuscitent en nombre pour voter à Baalbeck-Hermel et à Baabda-Aley ; l’achat massif de voix – d’où l’urgence d’une loi réglementant le financement des campagnes), qu’au niveau du timing (la nécessité d’organiser les élections en un seul jour pour éviter réactions et contre-réactions) et de la pagaille médiatique (qui a favorisé certains candidats au détriment d’autres, privés d’antenne). Les observateurs internationaux ont-ils été à la hauteur ? Étaient-ils à même de relever toutes ces infractions sans vraiment connaître toutes les «subtilités » de notre système électoral ? Leur « satisfecit » laisse sceptique. Tout s’est passé, en somme, comme si ces observateurs avaient davantage pour mission d’empêcher la Syrie de se mêler des élections – ce qui s’est plutôt vérifié – que de dénoncer les dérapages enregistrés… 3 – Le niveau lamentable du discours électoral, marqué par les injures et les calomnies, et l’absence de programmes électoraux – à l’exception du programme du courant aouniste qui n’a fait l’objet d’aucun débat. 4 – Un retour aux clivages confessionnels et aux discours sectaires, inadmissible dans un pays qui se targue d’être un « message » et un modèle de coexistence. Ce phénomène, qui est la négation même du 14 mars, a prouvé, une nouvelle fois, la fragilité de l’édifice national où l’appartenance communautaire prime tout. 5 – Les alliances contre nature conclues par le général Aoun avec des candidats prosyriens étrangers à sa ligne de conduite et l’absence regrettable au Parlement de figures majeures de l’opposition emportées par le « tsunami » orange ou écartées par Walid Joumblatt malgré leur contribution décisive au combat de la libération. Si, comme l’affirmait Ionesco, « la démocratie suppose plusieurs choses : la discipline, l’amitié ou la coexistence avec les autres, le goût non pas d’être servi mais de servir la communauté », la guerre des frères ennemis était donc une guerre de trop. Le Parlement issu de ces élections a du pain sur la planche : le choix de son chef, la confiance au nouveau gouvernement, le maintien ou non au pouvoir du président Lahoud, la nouvelle loi électorale, l’application « intégrale » de la résolution 1559, le suivi de l’enquête internationale concernant Rafic Hariri, Bassel Fleyhane, Marwane Hamadé, mais aussi Samir Kassir et Georges Haoui, la loi d’amnistie permettant la libération de Samir Geagea… Les alliances électorales résisteront-elles aux remous que ces questions ne manqueront pas de susciter ? Quel rôle joueront les États-Unis (accusés de prôner le fédéralisme et d’encourager l’implantation palestinienne) et la France – celui d’observateur, d’arbitre ou de décideur ? L’avenir le dira. Mais l’essentiel est là : tous les députés qui ont milité pour la libération devront, en oubliant leurs divergences, avoir pour objectif principal la consolidation de l’indépendance. Car le ver est encore dans le fruit… Alexandre NAJJAR

Les élections qui se sont achevées le 19 juin ont été folkloriques – comment s’en étonner dans un pays comme le Liban ? –, mais elles ont également été très disputées, riches en rebondissements et ont, malgré tout, permis de faire pencher la balance en faveur des artisans d’un 14 mars trop vite enterré. La démocratie en est-elle sortie gagnante ? Sans doute pas, puisque des...