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Actualités - CHRONOLOGIE

CIMAISES Les artistes africains jettent le masque au Centre Pompidou

On cherchera en vain un masque « fang » ou « baoulé » : les 83 artistes africains qu’expose le Centre Pompidou jusqu’au 8 août tordent le cou à l’art traditionnel au profit d’une formidable créativité contemporaine. « Africa Remix » réunit plus de 200 œuvres de toutes les Afriques, obligeant à porter un regard neuf sur un continent qui sort de « l’authentique » pour se fondre dans le monde. Peintures, sculptures, photographies, installations, vidéo, design, rien ne manque à l’arsenal artistique africain et surtout pas l’humour ou l’art de bricoler à partir de deux bouts de fil de fer et trois canettes de bière. En témoigne Sasa (2004), gigantesque tenture réalisée par le sculpteur d’origine ghanéenne El Anatsui à partir de capsules de bouteille, dorées, argentées, rouges, ruisselant sur une cimaise comme un splendide tapis kilim. Le terme de « Remix », explique Simon Njami, un des commissaires de l’exposition, « renvoie au caractère hybride, syncrétique, mélangé de l’art africain. Mixage du traditionnel et du contemporain, recyclage des matériaux, bricolage, identités multiples revendiquées comme telles ». Dès le début d’un parcours en trois étapes – « identité et histoire », « corps et esprit », « ville et terre » –, le photographe Samuel Fosso nous en donne un avant-goût dans ses Tati-Autoportraits, où il campe en marin, puis pirate. Aimé Ntakiyica n’hésite pas, lui, à endosser les costumes de torero, d’Écossais ou de Tyrolien, parodiant le folklore européen. Après tout, combien d’Africains n’ont-ils pas entendu parler de leurs ancêtres, les Gaulois. Pour d’autres, comme le Nigérian Yinka Shonibare, les références à l’Angleterre meublent le « Salon d’un philanthrope victorien » de ses abat-jour désuets, ses fauteuils « cosy » et son papier mural orné de... footballeurs. Parfois, le message est nettement plus politique ,comme ce tableau du Soudanais Hassan Musa, Great American Nude, où l’artiste représente Oussama Ben Laden nu, alangui à la manière des odalisques du XIXe siècle sur fond de drapeau américain. Histoire de ne pas oublier la guerre. De la guerre, il est encore question dans la section « ville-terre », avec les sculptures du Mozambicain Gonçalo Mabunda qui participe au projet national « Changer les armes en socs de charrues ». Sauf que lui a recyclé grenades et fusils-mitrailleurs en trône africain et tour Eiffel. Récupération aussi pour le Sud-Africain Antonio Ole et son Townshipwall n° 10, vaste mur construit avec des fragments de bâtiments abandonnés, ou pour Dilomprizulike, artiste nigérian, connu dans son pays comme « l’homme qui ramasse les ordures de l’Afrique ». Certains rêvent d’une ville idéale, comme Bodys Isek Kingelez qui, avec son Projet pour le Kinshasa du IIIe millénaire, vision technologique de la ville où règnerait « la paix, la justice et la liberté universelle », expose une immense maquette où se dressent des tours vertigineuses dignes de Star Wars. Avec le Grand Royal Turism, l’autodérision est de mise : où l’on voit, dans un paysage misérable, les palmiers surgir de terre au passage d’une limousine présidentielle, les lampadaires – d’ordinaire éteints – s’allumer, le tapis rouge se dérouler magiquement sous les roues de l’auguste véhicule et les drapeaux se mettre à flotter en haut des mâts lorsqu’elle apparaît.

On cherchera en vain un masque « fang » ou « baoulé » : les 83 artistes africains qu’expose le Centre Pompidou jusqu’au 8 août tordent le cou à l’art traditionnel au profit d’une formidable créativité contemporaine.
« Africa Remix » réunit plus de 200 œuvres de toutes les Afriques, obligeant à porter un regard neuf sur un continent qui sort de « l’authentique » pour...