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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Cartels sur table

Fidèle réédition de la performance de l’an 2000, les résultats des élections de dimanche dernier au Liban-Sud ne laissent pas qu’une simple et peu stimulante impression de déjà-vu. Ils illustrent on ne peut mieux, en effet, l’abîme qui peut exister entre les deux conceptions contradictoires de la démocratie dont se trouve prisonnière la société libanaise. Leur solide alliance électorale permet à ces deux formations pourtant passablement rivales que sont Amal et le Hezbollah de perpétuer leur duopole sur la communauté chiite du Liban. Le parti de Dieu voit déjà dans le soutien que lui ont exprimé les électeurs une raison supplémentaire de ne pas désarmer, comme le réclame la résolution 1559 de l’Onu ; et cette même adhésion populaire vient conforter la position d’un Nabih Berry dont le long règne à la tête de l’Assemblée, d’où il se chargeait de répercuter les volontés syriennes, semblait tirer à sa fin avec le retrait des troupes de Damas. Cela dit, que le Hezbollah et Amal soient les authentiques représentants du gros de la communauté chiite du Liban, nul ne songerait même à le contester. Mais ils ne représentent pas pour autant tous les chiites et c’est sur ce point précis que le scrutin du Sud est riche d’enseignements. De la loi électorale, choquante survivance de la tutelle que l’on a retenue néanmoins pour ces législatives de l’indépendance, on a dit et redit qu’elle pénalisait lourdement, partout où cela est possible, la représentation chrétienne en l’assujettissant à l’électorat musulman. On sait désormais que cette loi n’épargne pas davantage les sensibilités mahométanes (et elles sont loin d’être quantité négligeable) qui ne se reconnaissent ni dans la ferveur révolutionnaire du Hezbollah ni dans le militantisme arrivé, installé, embourgeoisé d’Amal : lesquelles sensibilités eurent été tout à fait en droit, et parfaitement capables elles aussi d’accéder au Parlement, si seulement… Qu’elle se manifeste dans un cadre démocratique, qu’elle implique une véritable collusion entre blocs pourtant antinomiques ne rend que plus pernicieuse cette dictature des mégalistes. Sans qu’entrent en jeu leurs vues diamétralement opposées, sur la Syrie notamment, les deux tandems Hariri-Joumblatt et Nasrallah-Berry ont vite fait de s’entendre sur le maintien d’un système qui assure de si décisive manière leur suprématie électorale. Et c’est de la même Assemblée vouée à la domination de ce singulier quatuor que l’on attend une loi électorale plus conforme à la pluralité bien comprise : une sorte de loi antitrust qu’auraient à édicter, trêve d’utopie, les accapareurs eux-mêmes ; une loi qui, dans un Beyrouth équitablement découpé par exemple, autoriserait des candidatures chrétiennes non nécessairement tributaires de ces grandes listes ; une loi qui, du Nord au Sud, commanderait que soient prises en compte les très réelles forces locales, actuellement sacrifiées au profit des rouleaux compresseurs et des alliances circonstancielles ; une loi qui à Baabda-Aley, autre et navrant exemple, mettrait de courageux patriotes, des parlementaires aussi brillants et pénétrés de leur mission de législateur qu’un Salah Honein à l’abri des sordides marchandages de bazar et des lâchages de dernière heure. Ce tableau serait incomplet sans le sidérant spectacle des forces chrétiennes, occasionnellement « invitées » ou carrément occultées partout où elles sont minoritaires, et se livrant en revanche un combat de coqs dans les seules circonscriptions où elles auraient pu former une ébauche de bloc, ne serait-ce que pour pousser à la roue de la réforme électorale. Que le retour du général Michel Aoun ait brouillé les cartes est certain. Que ses ambitions – ses prétentions, disent ses adversaires – aient été jugées démesurées au point de décourager tous ses alliés naturels n’est toutefois sans doute qu’une partie de la vérité : l’autre partie étant la méfiance viscérale qu’éprouvent les forces les plus classiques de l’opposition (est-ce toujours l’opposition ?) pour la démarche, qui se veut elle aussi révolutionnaire, du général. Que cette incompatibilité organique ait pour toile de fond la question présidentielle ne fait évidemment qu’envenimer le débat. Symbole premier d’une des tranches les plus sombres de l’ère syrienne, Émile Lahoud bénéficie d’un sursis aussi étrange qu’inespéré, que seuls peuvent expliquer les préparatifs de la guerre de succession. Le plus étrange pourtant est que neuf mois après l’extension forcée de son mandat, deux autres mois après le départ des soldats syriens, le président n’a toujours pas compris le comment du pourquoi de sa terrible solitude. Dimanche encore, c’est lui qui vous l’assurait.

Fidèle réédition de la performance de l’an 2000, les résultats des élections de dimanche dernier au Liban-Sud ne laissent pas qu’une simple et peu stimulante impression de déjà-vu. Ils illustrent on ne peut mieux, en effet, l’abîme qui peut exister entre les deux conceptions contradictoires de la démocratie dont se trouve prisonnière la société libanaise.
Leur...