Rechercher
Rechercher

Actualités

analyse - Se débarrasser du fantôme du père pour pouvoir exister : Hariri Jr face à son premier défi…

Cela fait plaisir. Évidemment. Mais aussi sourire, un peu jaune. Fatalement. Le prix d’excellence avec félicitations unanimes du jury accordé hier par la communauté internationale à l’État libanais est certes la preuve que rien n’est irrévocable. La preuve qu’il est possible qu’un scrutin ne soit pas contrôlé de A à Z par Anjar, Baabda, ou la dynastie Murr, qu’il ne soit pas soumis au bon plaisir des Addoum ou autres patrons de services, tous sous tutelle. Les Libanais avaient fini par l’oublier. Sauf que ce brillantissime – et bienvenu – satisfecit a ce petit quelque chose de pathétique ; aussi triste, aussi gris qu’une vérité quand elle est assénée en y mettant, sans même prendre la peine de les cacher, les formes diplomatiques. En gros, c’est comme si l’on applaudissait un élève de 6e qui récite l’alphabet sans se tromper. Débarrassé de la tutelle syrienne et, dans une moindre mesure, de la cancérigène complicité locale, le Liban se doit évidemment de commencer, de préférence sous assistance, son sevrage ; entrer de plain-pied dans sa nécessaire cure de désintoxication. Mais tout de même… Assurer un déroulement sain pour un scrutin électoral, cela fait partie du b.a.-ba d’un État, même à peine convalescent. Ce certificat de crédibilité et de propreté décerné à l’étape n°1 du scrutin 2005, aussi sincère soit-il, et il l’est, n’en paraît que plus dérisoire quand on se souvient combien est peu crédible et pas propre du tout la loi électorale sur base de laquelle il s’est tenu. Ces braves hommes et femmes qui ont arpenté sous le soleil, dimanche, les bureaux électoraux de la capitale, ont d’ailleurs eu le bon goût, comme leurs supérieurs hiérarchiques d’ailleurs, Kofi Annan, Benita Ferrero-Waldner ou Javier Solana, de se concentrer sur l’organisation pure de ce scrutin, sans trop s’étendre sur le squelettique taux de participation, sur les batailles gagnées d’avance, sur l’absence de batailles réellement démocratiques, ou sur les incompréhensibles boycottages. Ils ont également eu le bon goût de ne pas épiloguer sur cette loi sclérosée et ses découpages abracadabrantesques, évitant ainsi de s’ingérer en bonne et due forme. Juste ont-ils proposé leur aide à l’élaboration d’une nouvelle loi. Ce qui est en soi une autre bonne nouvelle. En attendant, c’est sur base de cette même loi que s’est tenu donc le premier volet des législatives 2005 – dans une capitale peu habituée depuis quelques années aux excès de civisme. Beyrouth n’a pas failli à sa réputation : seuls 27 % des inscrits ont jugé bon de faire le déplacement jusqu’aux urnes. Un taux rachitique, certes, désolant, incompréhensible après quatre mois d’hommages pluriquotidiens sur le mausolée de Rafic Hariri, mais qu’il faudrait absolument relativiser, au regard de nombreux paramètres que tout le monde connaît déjà : aucun poids lourd face aux 10 députés sur 19 pas encore élus d’office, boycottage du Tachnag et du CPL, résultats connus d’avance, etc. Il n’en reste pas moins que ce taux de participation risque de devenir étalon, et de faire ricochet dans quelques jours, dimanche prochain, notamment au sein des communautés sunnites et chrétiennes du Liban-Sud. Sauf que toutes ces considérations deviennent caduques si l’on envisage le scrutin beyrouthin sous le seul angle de l’intronisation ex abrupto du successeur. Si le fantôme du père était présent dimanche dans chaque isoloir, si les électeurs de la capitale avaient la sensation de plébisciter, post-mortem, l’ultime (?) victime expiatoire de l’ex-tutelle syrienne, le scrutin du 29 mai, le premier depuis des siècles libre de la main de fer de Anjar et de ses sbires, a surtout servi de maternité grandeur nature à la naissance politique de Hariri Jr. Une naissance saluée déjà par quelques grands de la planète, notamment Jacques Chirac et Abdallah d’Arabie saoudite. Seul problème – gros problème : encore nouveau-né, Saad Hariri a déjà des responsabilités d’adulte. Visiblement, il est lucide, puisqu’il a assuré devant les caméras de CNN qu’il avait tout à apprendre, et qu’il allait le faire pendant les quatre années qui viennent. Grâces soient rendues à CNN. Hariri Jr a pourtant les handicaps de ses atouts : sa jeunesse, son envie de plaire, de prouver qu’il pourra faire, un jour, aussi bien que son père… tout cela risque de venir se fracasser contre son inexpérience absolue, dans sa chair, de ce par quoi le jeune Rafic de Saïda est passé pour devenir le Hariri du globe, quels qu’aient été ses innombrables défauts. À son crédit : il aurait tout donné pour ne pas en arriver là comme ça. Il n’en reste pas moins que Saad Hariri devrait dès aujourd’hui, pour pouvoir exister à part entière sur le plan politique, pour pouvoir faire profiter le Liban de ses gènes, se débarrasser gentiment du fantôme de son père, et faire primer, pour le bien public, le rationnel sur l’affectif. Comprendre, dans les travées de l’hémicycle, quatre ans durant, ce qu’est un Liban patrie définitive, ce qu’est l’équité entre toutes ses communautés, ce que sont les spécificités de cet oasis perdu dans un océan de démocratie embryonnaire. Se souvenir que le Sérail, ça ne s’hérite pas comme un sceptre à Ryad, mais que ça se mérite. Le précepteur Bahige Tabbarah a du pain sur la planche. Cela tombe bien : Saad Hariri dit qu’il a justement envie d’apprendre. Ziyad MAKHOUL
Cela fait plaisir. Évidemment. Mais aussi sourire, un peu jaune. Fatalement. Le prix d’excellence avec félicitations unanimes du jury accordé hier par la communauté internationale à l’État libanais est certes la preuve que rien n’est irrévocable. La preuve qu’il est possible qu’un scrutin ne soit pas contrôlé de A à Z par Anjar, Baabda, ou la dynastie Murr, qu’il...