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Actualités - REPORTAGE

Le leader socialiste développe les raisons de son opposition au traité Laurent Fabius met en garde contre une carence de la politique étrangère (photo)

Paris, de Élie MASBOUNGI À une semaine du référendum sur le traité constitutionnel européen, Laurent Fabius, chef de file socialiste du camp du « non », va de meeting en conférence à travers la France pour développer ses arguments et répondre aux questions des Français. La progression du « non » dans les sondages de ces derniers jours dope l’ancien président de l’Assemblée qui entend l’emporter à l’issue du scrutin de dimanche prochain et faire figure de leader incontesté du Parti socialiste (PS) dont la position officielle est pourtant favorable au projet constitutionnel européen. Mais en remportant la bataille, Laurent Fabius espère faire d’une pierre deux coups : porter un coup qui risque d’être fatal au secrétaire général du PS, François Hollande, et dissuader Lionel Jospin de revenir sur la scène politique. Les commentateurs et hommes politiques ont beau marteler en public que la Constitution européenne n’est ni de gauche ni de droite, les vainqueurs du 29 mai ne se priveront pas d’inscrire ce résultat au palmarès de leur carrière. Malgré son emploi du temps surchargé, M. Fabius a développé pour L’Orient-Le Jour ses principaux arguments, en mettant l’accent sur les inconvénients du traité en matière de politique étrangère. « La nomination d’un ministre européen des Affaires étrangères doit être approuvée, estime M. Fabius, mais la pratique a toutes les chances de décevoir, puisque, là aussi, ce qui touche à la diplomatie et à la défense se décidera à l’unanimité. Concrètement, le nouveau ministre risque d’être “Monsieur plus petit dénominateur commun”. Quand on connaît l’inclinaison proaméricaine des Britanniques et de plusieurs autres, l’unanimité ne permettra pas à l’Europe de prendre des positions fortes. Le PS avait demandé que la majorité qualifiée devienne la règle pour la politique étrangère et de sécurité commune. Une nécessité pour permettre à l’Europe de peser sur la scène internationale. » Au sujet des dispositions particulières du projet de Constitution relatives à la politique de sécurité et de défense commune, M. Fabius estime que le texte du projet risque d’être la source de blocages car, explique-t-il, l’article I-41 prévoit la primauté de l’Otan sur toute défense européenne autonome. À l’heure où la politique américaine suscite beaucoup d’inquiétudes, l’Union européenne s’apprête non seulement à y souscrire, mais à s’y soumettre, estime M. Fabius. Il est ainsi précisé que les seules initiatives possibles concernent des interventions de type « onusien » sur des théâtres extérieurs et non la défense de l’Europe à proprement parler. L’ancien Premier ministre et président de l’Assemblée a également résumé ses autres griefs contre le texte constitutionnel : – À Maastricht, l’indépendance de la Banque centrale européenne et sa feuille de route anti-inflationniste étaient la principale condition fixée par l’Allemagne à l’adoption de la monnaie unique. Plus de dix ans après, l’euro existe et voilà que la Constitution européenne propose de constitutionnaliser une orthodoxie monétaire que de nombreux responsables jugent stupide. Et ce à la grande satisfaction des États-Unis dont la Réserve fédérale, plus souple et pragmatique, cherche à adapter le dollar aux circonstances, en fonction d’une pluralité d’objectifs : stabilité des prix, mais aussi soutien à l’activité et à l’emploi. – Les services publics, au cœur du lien social et de la cohésion territoriale, sont par ailleurs menacés en France à la fois par la politique gouvernementale et par certaines décisions européennes. Malheureusement, ces services ne sont pas au centre du texte constitutionnel. Ils sont rebaptisés « services d’intérêt économique général » (Sieg). Que signifie cette notion ? Les directives européennes adoptées depuis dix ans donnent une indication : pour les télécommunications, l’énergie, les transports ou la poste, elles désignent un service minimal garanti, en deçà de l’exigence de solidarité et d’égalité que nous proposons. – En ce qui concerne les finances de l’Union, tout emprunt européen sera impossible, les déficits ne sont pas admis, et toutes les décisions financières devront être prises à l’unanimité. Le verrouillage du budget est donc complet. Ce verrou privera l’Union de ressources propres et donnera à chaque État le pouvoir de bloquer les recettes et les dépenses. – La démocratie participative : cet article est inscrit dans la première partie du traité consacrée à la « vie démocratique de l’Union », qui avait fait naître beaucoup d’espoir. Malheureusement, on se contente d’aborder des principes généraux et de reprendre des formulations existantes, à l’exception du droit de pétition. Certes, on donne aux citoyens la possibilité de s’adresser directement aux institutions, mais on en limite les effets, car la Commission européenne pourra refuser de donner suite à la pétition. Deux initiatives auraient été fécondes : un droit d’initiative législative au Parlement européen et un accroissement du rôle des Parlements nationaux. – Les procédures de révision du traité. Beaucoup de partisans du « oui » conviennent eux-mêmes que la Constitution n’est pas satisfaisante et veulent la réviser dès son adoption. Mais la révision, en pratique, est quasiment impossible car l’unanimité des États membres au sein du Conseil (25 gouvernements et 25 Parlements) est requise en la matière, qu’il s’agisse des institutions ou des politiques de l’Union.

Paris, de Élie MASBOUNGI

À une semaine du référendum sur le traité constitutionnel européen, Laurent Fabius, chef de file socialiste du camp du « non », va de meeting en conférence à travers la France pour développer ses arguments et répondre aux questions des Français.
La progression du « non » dans les sondages de ces derniers jours dope l’ancien président de...