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Actualités - ANALYSE

Eclairage - On prend (presque) les mêmes et on recommence... Plus de quinze ans après, retour au clivage de 1989

Plus de quinze ans ont passé depuis que Michel Aoun, retranché dans son bunker de Baabda, rejetait l’aspect international de l’accord de Taëf et l’occupation syrienne en devenir et s’adressait au peuple libanais (venu en masse proclamer son refus du document d’entente national) en ces termes : « La décision vous appartient, et à partir d’aujourd’hui, nul d’autre que vous ne saurait vous représenter. » Plus de quinze ans ont passé, et peu de choses ont vraiment changé sur le plan sociologique interne. Certes, ce qui a été réalisé durant les trois derniers mois dépasse toutes les espérances : la Syrie s’est vue contrainte de prendre la poudre d’escampette sous la pression internationale et devant la vague de contestation interne née après l’assassinat de Rafic Hariri. L’appareil sécuritaire a été démantelé et affaibli, les loyalistes mis en déroute. Adnane Addoum ne (dé)fait plus la loi et Nasser Kandil a cessé de faire de l’insupportable démagogie, tous les soirs, à l’antenne des télévisions locales. Cependant, force est de constater que, sur le plan interne, en gros, la disposition des différentes composantes sur l’échiquier local a très peu changé. À croire que, et c’est effectivement le cas, Damas avait durant toutes ces années complètement congelé la vie politique libanaise, en créant (presque) de toutes pièces une classe politique, avec l’aide de certains notables traditionnels, de bénéficiaires du clientélisme politique et d’ex-miliciens, participant au pouvoir dans le cadre d’une formule plus proche de l’accord tripartite que de l’accord de Taëf. Le dernier cercle de fidèles à la Syrie dans les rangs de cette classe politique – ceux qui n’ont pas cru bon prendre le train de l’opposition à un moment ou un autre durant les dernières années – sont aujourd’hui déstabilisés et tentent actuellement de se repositionner sur l’échiquier en essayant de faire de la récupération politique, tantôt derrière un discours chrétien, tantôt en allant faire des discours à Rabieh. C’est ainsi le même establishment politique qui avait autrefois défendu et cautionné l’accord de Taëf, dans l’esprit du pacte de 1943 mais avec une concession forcée à la Syrie sur le plan de la souveraineté, qui se retrouve aujourd’hui réuni, à quelques exceptions près, autour de la loi de 2000. À tel point que certains observateurs s’étonnent de ce partage du gâteau qui a été réalisé durant les derniers jours au détriment des acquis du 14 mars 2005, et qui laisse penser que le changement de style annoncé est remis aux calendes grecques et qu’au lieu d’une réforme, c’est le même assemblage de forces politiques qui a dominé la scène durant les quinze dernières années qui va recouvrer sa place, de la plus belle manière, place de l’Étoile. En face, c’est le même camp qui a rejeté dès 1989 l’accord de Taëf, en se mobilisant autour de Michel Aoun à Baabda, qui se retrouve, par un hasard de circonstances assez surprenant, uni aujourd’hui autour d’un discours réformateur et est exclu de facto du partage du gâteau. Il s’agit avant tout du général Aoun, mais aussi de ceux qui ont arpenté avec lui – à l’exception notable de Gebrane Tuéni – les chemins de Baabda en 1989 : Dory Chamoun, Élie Karamé, Massoud Achkar, une partie des Forces libanaises, le BCCN, et des forces politiques chiites et sunnites en marge du traditionnalisme politique et des partis de masse qui monopolisaient et monopolisent toujours la scène. Il y a quinze ans, l’entrée des forces syriennes avait écarté de la vie politique cette « équipe », en révolte non seulement contre l’hégémonie syrienne et le pouvoir des milices, mais aussi contre toute une vision fortement traditionnelle de la politique libanaise. La situation actuelle n’est guère différente : des alliances préfabriquées et la loi de 2000, l’un des derniers vestiges de la tutelle syrienne sur le pays, sont en passe d’isoler complètement Aoun et tous ceux qui avaient refusé l’aspect externe de Taëf, et de reconduire les bénéficiaires d’un accord qui n’a jamais été appliqué. Perçu comme un véritable mouvement populaire de changement, de réforme « par le bas », le 14 mars aura ainsi été récupéré par l’establishment politique à des fins électorales, sans qu’il ne débouche sur un renouvellement des élites et un changement au niveau du style politique. Dans la mêlée, les politiques, dans leur ensemble, ont oublié l’essentiel : le 14 mars, les Libanais ont fait preuve de maturité politique et de discernement. Ils ont en tous cas fait beaucoup mieux que ceux qui cherchent, dans les semaines qui viennent, à (re)devenir leurs représentants. Michel HAJJI GEORGIOU
Plus de quinze ans ont passé depuis que Michel Aoun, retranché dans son bunker de Baabda, rejetait l’aspect international de l’accord de Taëf et l’occupation syrienne en devenir et s’adressait au peuple libanais (venu en masse proclamer son refus du document d’entente national) en ces termes : « La décision vous appartient, et à partir d’aujourd’hui, nul d’autre...