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Du 13 octobre 1990 au 7 mai 2005 : une histoire ponctuée par l’exil et la résistance

Le retour demain de Michel Aoun à Beyrouth met certes fin à quinze années d’exil pour le général. Mais le 7 mai couronne en même temps, et surtout, un long combat politique entrepris dès 1990 par des personnes qui ont refusé, seules d’abord, avec d’autres ensuite, l’hégémonie syrienne sur le Liban. Si le Courant patriotique libre (CPL) a atteint avec le retrait syrien son principal objectif politique, il n’a pu le faire qu’au prix d’une décennie et demie de lutte. De longues et difficiles années où des centaines de jeunes ont dû affronter et subir la répression, souvent terrible, d’un État policier en pleine forme, et ce lorsque l’essentiel de la classe politique n’osait pas encore, ou ne voulait pas encore, remettre en question le pouvoir absolu de Damas. Les années Baabda Quoi que l’on dise à propos des idées et du programme du CPL, le personnage de Aoun reste incontournable pour toute approche analytique du mouvement. C’est en effet autour de sa personne, de sa façon d’être, de penser, que les prémices de ce qui était alors le mouvement aouniste sont apparues en 1988. Même si Michel Aoun n’était pas inconnu lors de son accession au pouvoir dans les circonstances que l’on connaît (il s’était déjà démarqué lors de plusieurs crises et batailles, dont celle de Tall el-Zaatar), « le discours qu’il a tenu face au peuple libanais a choqué ». Positivement. « Nous étions dans un contexte de déprime, presque de désespoir. Après toutes les guerres internes qui ont déchiré les différents camps de l’époque », au paroxysme d’un chaos qui semblait alors s’être érigé en système, « un général de l’armée est venu dire : ça suffit », explique Pascal Azzam, l’un des principaux responsables du Bureau central de coordination nationale (BCCN), créé à l’époque pour être le moteur du mouvement aouniste naissant. « Il prônait la libération du Liban de toutes les armées étrangères, mais aussi l’instauration d’un État fort et d’une armée solide autour d’un consensus national. Il voulait également terrasser la corruption », ajoute-t-il. Un discours qui ne pouvait que séduire une population excédée par une situation de plus en plus gangrenée, d’autant plus que « le général a tout de suite adopté un système inédit de communication avec les Libanais, basé sur une limpidité et une franchise inconnues jusque-là dans la vie politique », précise M. Azzam. Cette « idéologie » aouniste prête le flanc jusqu’à aujourd’hui à une série de critiques l’accusant de verser dans le culte de la personnalité, et dans la célébration de l’avènement de l’homme providentiel qui va sauver le Liban. Mais quelle que soit la valeur de ces critiques, le « phénomène Aoun » a eu un effet tonitruant : les foules qui se sont massées à Baabda pour soutenir le général témoignent de l’extraordinaire ferveur populaire qui a répondu favorablement aux appels de Michel Aoun. L’aide de Joumblatt Malgré sa fin tragique, le mouvement politique embryonnaire des années 88-90 a défini les grandes lignes qui vont guider le CPL durant les années 90, et qui continueront probablement à le faire pour la période à venir : un Liban souverain et libre de toute occupation étrangère, mais aussi l’idée phare d’un État fort et démocratique où la corruption n’a pas de place. Sans oublier quelques slogans repris, tels quels, seize ans plus tard, par l’intifada de l’indépendance. Le 13 octobre. Ce qui a été la fin de la guerre pour les uns est resté une date centrale, fatidique pour les partisans de Aoun. L’invasion syrienne a complètement désarticulé le mouvement, dont les membres survivants se sont réfugiés dans les différentes régions, « et notamment dans le Chouf grâce à l’aide de Walid Joumblatt », affirme M. Azzam. Dès le lendemain de la défaite, une persécution systématique s’organise, les services syriens traquant, arrêtant, torturant tous ceux qui ont évolué dans l’entourage du général, « et ce jusqu’en 1993-94, les services libanais ayant ensuite pris la relève ». Pascal Azzam ajoute : « Pourtant, nous avons immédiatement repris notre souffle. Il fallait résister. » Le temps de la résistance Résister, mais dans le secret. À partir de 1991, le général Aoun réside à Marseille, et l’activité des aounistes, qui ont repris contact entre eux, est essentiellement nocturne : distribution de tracts, slogans sur les murs. « Nous étions sans aucune organisation », déclare Antoine Harb, un responsable du CPL, qui souligne la difficulté de travailler dans un contexte très dur de répression, et face à un silence assourdissant de la société et des médias de l’époque. Alors qu’une ébauche de coordination politique se crée en 1992, selon M. Azzam, à l’occasion du boycott des élections législatives, le courant aouniste, qui n’était pas encore devenu le CPL, se lance à l’assaut des facultés, où la vie estudiantine naissante accueille avec enthousiasme les idées de résistance et de liberté. Les années qui vont suivre feront en effet de l’université un terrain d’élection pour l’activisme politique du Courant, le CPL étant ainsi devenu, et pour de nombreuses années, un mouvement essentiellement étudiant. M. Harb explique ensuite comment un premier congrès en 1996 instaure un début d’organisation, alors que les élections de 1996 étaient boycottées, et que les syndicats et ordres professionnels entraient de plus en plus dans la ligne de mire des militants. En 1997, une émission avec le général Aoun, entre-temps installé à Paris, sur la MTV est interdite. Le CPL descend alors dans la rue. « Ce fut le début d’une nouvelle période. Nous pouvions désormais travailler en plein jour, d’autant plus que les médias commençaient à s’intéresser à nous », affirme-t-il. La fin des années 90 et le siècle nouveau apportent un éclaircissement sur la scène politique : retrait israélien, formation d’autres mouvements de l’opposition (Kornet Chehwane, Forum démocratique...). Cette période est marquée par une participation, pour la première fois, du CPL aux élections municipales de 1998, suivie d’un boycottage des législatives de 2000. Une nouvelle avancée dans l’organisation du CPL est également réalisée. « Les rafles d’août 2001, qui nous ont durement atteints, inaugurent une période durant laquelle nous ferons tout pour briser l’interdiction de manifester », poursuit M. Harb, avant de s’arrêter sur l’importance des élections partielles du Metn en 2002, et de Baabda-Aley en 2003, qui ont vu le CPL participer avec force, et pour la première fois, aux élections législatives, « alors que le front opposant s’élargissait de plus en plus ». Puis ce fut une avalanche de développements avec la résolution 1559, l’assassinat de Rafic Hariri... Le CPL après le retrait syrien Le Courant patriotique libre de 2005 semble premièrement préoccupé par la diversification des éléments de sa base, ce qui a déjà été amorcé en 2003. Si les étudiants ont longtemps constitué l’armature du mouvement, comme l’a précisé M. Harb, celui-ci devra désormais atteindre toutes les générations et tous les acteurs de la société civile. Une nécessité d’autant plus impérieuse que beaucoup de Libanais espèrent voir le CPL de l’après-retrait syrien se positionner, avec les rares autres formations politiques du pays qui partagent les même valeurs, à l’avant-garde du combat futur contre le sectarisme, le féodalisme, le clientélisme et la corruption qui minent la société libanaise, afin d’instaurer une véritable démocratie moderne. Samer GHAMROUN

Le retour demain de Michel Aoun à Beyrouth met certes fin à quinze années d’exil pour le général. Mais le 7 mai couronne en même temps, et surtout, un long combat politique entrepris dès 1990 par des personnes qui ont refusé, seules d’abord, avec d’autres ensuite, l’hégémonie syrienne sur le Liban.
Si le Courant patriotique libre (CPL) a atteint avec le retrait...