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Actualités - REPORTAGE

L’ancien Premier ministre regagne demain le Liban Le programme de Michel Aoun : former les citoyens, libérer les esprits et initier les réformes

PARIS, de notre envoyé spécial Michel HAJJI GEORGIOU Vingt-quatre heures avant son retour, Michel Aoun est déjà à Beyrouth, du moins spirituellement. D’ailleurs, son domicile du XVIIe arrondissement, situé au 11, rue de Phalsbourg, donne une impression d’appartement sans vie – la plupart des meubles ayant d’ailleurs été déjà évacués, signe que Michel Aoun n’a plus l’intention de changer d’avis. Pourtant, la maison ne désemplit pas. Les compagnons et les partisans du général sont venus des quatre coins du monde, notamment d’Europe, d’Australie et des États-Unis, pour accompagner l’ancien Premier ministre dans ce qui sera certainement le moment le plus fort de sa carrière politique, son retour après quinze ans d’exil. Loin d’abandonner Michel Aoun, ils l’entourent et le soutiennent, se relayent pour discuter avec lui avant le jour J du samedi. La solidarité entre ce groupe, qui a prévalu durant les années les plus difficiles, se manifeste ainsi dans les meilleurs moments, ceux que l’équipe du général est en train de vivre en ce moment. Les compagnons de Michel Aoun sont tous ravis de rentrer au bercail. Ils ont presque les larmes aux yeux lorsqu’on leur demande ce qu’ils ressentent, ce qu’ils sentiront dès lors que l’avion touchera terre, samedi après-midi. Mais la pudeur l’emporte, comme chez Pierre Raffoul, ancien responsable du Bureau central de coordination nationale (BCCN), exilé en Australie depuis 1992, après avoir reçu des menaces de mort de la part des Syriens, par l’intermédiaire d’un des seigneurs influents du Metn, qu’il n’hésite d’ailleurs pas à nommer. Pierre Raffoul, qui est aux yeux de ses amis un véritable mythe, l’incarnation d’un idéal de résistance, n’a cependant aucune rancœur vis-à-vis des événements du passé. Détaché de ce qu’il semble considérer comme des contingences, il s’apprête sereinement à faire partie de l’équipage de l’avion du général Aoun qui se posera samedi sur le territoire libanais. Une seule hantise l’anime encore, lui fait travailler l’esprit : la mémoire des martyrs qui sont tombés pour la souveraineté du pays. « C’est à eux qu’il faut rester fidèle. C’est pour eux qu’il faut reconstruire le pays. Pour que leur sacrifice n’ait pas été vain », souligne-t-il. La même détermination existe d’ailleurs chez Tony Haddad, dont le nom est désormais associé au Syria Accountability Act, et qui a fait le voyage tout droit des États-Unis pour participer à la fête du 7 mai, place des Martyrs. Cascade d’entretiens Depuis une semaine, Michel Aoun enchaîne les entretiens télévisés à un rythme infernal. Il accueille les journalistes à son domicile, les uns après les autres, ne fixe pas de temps limite aux entretiens, se prête avec beaucoup de bonne volonté au jeu, et, malgré la redondance des questions, il ne répète jamais la même chose, en veillant à assurer une cohérence et une continuité dans ses propos. Entre deux entretiens télévisés, il trouve quand même le temps de répondre aux questions des journalistes au téléphone, de recevoir des visites et de discuter avec ses camarades. En d’autres termes, il rattrape quinze ans « d’ostracisme médiatique » en une semaine. Michel Aoun sourit quand on lui sort cette théorie. Serein, calme, c’est avec un plaisir évident qu’il a une discussion à bâtons rompus de quelques minutes avec L’Orient-Le Jour. Un moyen pour lui de rompre avec le tempo ininterrompu de questions-réponses. Hier, à titre d’exemple, l’ancien Premier ministre a donné pas moins de trois entretiens télévisés, avant de passer dans la soirée à l’antenne de la LBCI. L’ancien commandant en chef de l’armée répond avec beaucoup d’enthousiasme aux questions qui ne portent pas sur l’actualité politique. Il préfère ainsi parler d’environnement, « qui est naturellement contaminé par l’environnement social et politique ». Il sait d’ailleurs que le Liban a changé et qu’il risque d’être surpris par ces mutations structurelles et naturelles. Mais il s’y attend. Le général a beaucoup à dire sur ce qu’il a appris de sa vie à Paris, et sur les conclusions qu’il en tire pour analyser le « décalage » dans le comportement des Libanais et dans leur rapport avec le réel. « Les Libanais se comportent de manière désordonnée devant un bureau de la MEA, alors qu’ils font preuve de la plus grande discipline devant ceux d’Air France », dit-il, dans une image expressive. Une ellipse qui lui permet d’enchaîner sur l’importance du binôme liberté-responsabilité pour former des citoyens, libérer les esprits et initier des réformes socioculturelles et sociopolitiques. C’est animé d’un programme démocratique et réformiste tous azimuts, à même surtout de renforcer les contre-pouvoirs comme la presse, que Michel Aoun rentre samedi à Beyrouth. Et c’est au peuple libanais, avec qui il continue d’entretenir depuis quinze ans des « relations privilégiées », qu’il réservera ses premiers mots comme d’habitude, simples, directs : « Nous avons gagné une bataille importante, mais il ne faut pas sombrer dans l’ivresse de la victoire. Le plus dur, désormais, c’est de consolider la souveraineté retrouvée. » Le peuple libanais qui, souligne enfin Michel Aoun, « a recouvré toute sa grandeur », après avoir payé au prix fort sa volonté de vivre libre.

PARIS, de notre envoyé spécial Michel HAJJI GEORGIOU

Vingt-quatre heures avant son retour, Michel Aoun est déjà à Beyrouth, du moins spirituellement. D’ailleurs, son domicile du XVIIe arrondissement, situé au 11, rue de Phalsbourg, donne une impression d’appartement sans vie – la plupart des meubles ayant d’ailleurs été déjà évacués, signe que Michel Aoun n’a...