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Actualités - CHRONOLOGIE

Avec la suppression des barrières douanières, le secteur agricole devra relever les défis de la qualité et de la rentabilité Zone arabe de libre-échange : le Liban relativement privilégié

En 1985, l’État libanais signe la convention sur la création d’une Zone arabe de libre-échange (Zale), qui prévoit la suppression progressive des tarifs douaniers sur les échanges de produits arabes. En janvier 2005, cette convention entre en vigueur, abolissant à 100 % les tarifs douaniers et plusieurs restrictions sur le commerce de produits provenant de 18 pays arabes. Peu avant la date fatidique, le secteur agricole libanais commence à exprimer ses craintes de voir le marché local bientôt envahi par les pommes de terre égyptiennes ou les tomates jordaniennes. Les agriculteurs ont appelé l’État à demander un sursis pour l’agriculture libanaise, mais cette requête est restée sans écho. Pourtant, à en croire le ministère de l’Agriculture, le Liban ne se trouve pas en si mauvaise posture par rapport aux 17 autres pays signataires. Dès la mi-2004, différents syndicats agricoles, et en particulier la Fédération générale des syndicats agricoles, n’ont cessé d’accuser les ministères de l’Économie et de l’Agriculture de ne rien faire pour prévenir les effets du dumping, qui pourraient menacer la production agricole nationale dès l’entrée en vigueur de la Zone arabe de libre-échange. Fin 2004, le Conseil des ministres décide pourtant de charger le ministre de l’Économie, Adnane Kassar, de demander un sursis au Liban auprès du Conseil arabe économique et social, réuni du 14 au 17 février au Yémen, afin que son secteur puisse se préparer à la suppression des barrières commerciales. Or le ministre n’a demandé aucun délai et, dans les jours qui suivent, la Fédération agricole réagit vivement à coups de communiqués virulents. Khaled Najjar, le conseiller du ministre sortant de l’Agriculture Élias Skaff, explique : « Le Liban n’était pas en mesure de demander quoi que ce soit, car un délai de grâce signifierait une remise en question de l’adhésion du Liban à une convention qu’il avait signée vingt ans auparavant. » De plus, ajoute le conseiller, « Beyrouth ne pouvait réclamer un traitement préférentiel au moment même où il bénéficie de certaines “exceptions” que lui ont accordées deux pays agricoles de poids : l’Égypte et la Jordanie ». « Avant, le Liban se mettait d’accord avec la Jordanie et l’Égypte sur des calendriers agricoles, en vertu desquels étaient programmées les importations et les exportations bilatérales, rappelle M. Najjar. Étant donné que ces calendriers allaient disparaître avec l’entrée en vigueur de la Zale, ces deux pays ont “ compris ” la situation délicate dans laquelle le secteur agricole libanais, déjà bancal, risque de se retrouver en cas de suppression totale des quotas d’importation, et se sont “entendus” avec le Liban, aux termes de négociations ardues, sur certains “arrangements” ». À titre d’exemple, le volume des exportations égyptiennes de pommes de terre vers le Liban ne pourra dépasser celui de l’année dernière, c’est-à-dire celui convenu en vertu du calendrier agricole 2004. De plus, il est permis à l’Égypte d’exporter de la mangue, de la goyave et des dattes, soit des fruits qui ne sont pas produits au Liban. En revanche, le marché égyptien est ouvert à 100 % aux exportateurs libanais de pommes, de raisin et de cerises. Dans le cas de la Jordanie, ce pays exportera moins de tomates que l’année dernière, sans compter que les quantités exportées vers le Liban sont limitées à une saison spécifique, de manière à ne pas porter préjudice aux producteurs libanais de tomates. De même, les Jordaniens peuvent exporter du raisin uniquement lorsque ce n’est pas la saison du raisin libanais, alors les Libanais qui exportent ce fruit ne sont soumis à aucune restriction. « C’est dans ce sens que j’estime que le Liban est relativement privilégié au sein de cette Zone arabe de libre-échange, car on lui a accordé une autorisation verbale pour qu’il n’ouvre pas ses quotas à 100 %. Après d’aussi bonnes négociations, qui ont empêché l’invasion du marché local par les produits arabes, et étant donné que plusieurs exportateurs libanais, notamment du secteur industriel, étaient en faveur de la Zale, il aurait été bien gênant et embarrassant que le ministère de l’Économie, qui est chargé du dossier des négociations, demande un délai à la réunion du Conseil arabe économique et social, et ce bien que le ministère de l’Agriculture ait demandé un tel délai », précise M. Najjar. Il souligne que le Liban n’a aucun intérêt à être hors de cette zone, car, en plus des arrangements cités, il ne faut pas oublier que 17 marchés arabes lui sont désormais ouverts et que la plupart des restrictions qui entravaient les relations commerciales arabes (suppressions des quotas, du droit de timbre, etc.) ont été abolies. « Au cours des négociations avec la Jordanie, les responsables jordaniens nous ont assuré que tous les frais occultes que les autorités de ce pays ajoutaient à leur guise sur la marchandise importée seront supprimés, ce qui favorisera et facilitera les échanges commerciaux à l’avenir. » Toutefois, étant donné l’absence de statistiques pour les deux premiers mois de l’année 2005, il faut attendre encore quelques mois pour savoir si l’entrée en vigueur de la Zale a influé de manière positive ou négative sur les exportations et les importations agricoles libanaises et si les produits nationaux tiendront bon face à la concurrence des produits arabes. La qualité, élément-clé M. Najjar reconnaît que les ministères successifs de l’Agriculture et de l’Économie n’ont pas déployé d’efforts pour aider le secteur agricole libanais à mieux affronter la concurrence régionale. Il attribue cet échec à un manque de personnel et de cadres qualifiés au sein de ces ministères, notamment à l’Agriculture, pour informer, orienter et aider les agriculteurs. Mais, par ailleurs, il critique ceux qui, sous prétexte de défendre l’agriculture nationale, ne se soucient que de leurs propres intérêts. « Le problème chez certains exportateurs libanais, c’est qu’ils sont dans le même temps importateurs de pays arabes ou vice versa, et cette situation débouche sur un conflit d’intérêts qui ne peuvent tous être pris en considération car on ne peut jamais satisfaire tout le monde. » Et d’ajouter : « Au cours de différentes tournées auprès des agriculteurs, le ministre Skaff a noté que beaucoup étaient en faveur de la Zale parce qu’ils y étaient préparés, notamment au niveau de la qualité et des prix, alors que d’autres y étaient farouchement opposés, car leurs produits n’étaient pas aussi compétitifs. » Pour M. Najjar, la qualité et la sécurité alimentaires des produits constituent la vraie protection face à la concurrence étrangère. « C’est à ce niveau que l’État aurait dû intervenir depuis les années 90, notamment en renforçant les contrôles de qualité du produit, de l’emballage, etc. », dit-il. Il reconnaît par ailleurs que les coûts élevés de production constituent le deuxième handicap à la compétitivité des produits libanais. « Avant de débattre d’une zone de libre-échange, les pays arabes auraient dû œuvrer pour l’uniformisation des coûts de production car il est évident que le Liban est défavorisé à ce niveau », souligne le conseiller. Quant au troisième volet sur lequel devrait plancher l’État, il porte sur la réorientation de l’agriculteur. « Si un produit agricole n’est pas demandé par le consommateur étranger ou si une culture n’est plus rentable, il faut que l’agriculteur s’investisse dans autre chose », affirme M. Najjar. À titre d’exemple, les pommes cultivées actuellement au Liban, les Golden Delicious (doré) et le Starking Delicious (le rouge), ne sont pas très appréciées à l’étranger, sans compter que leur culture n’est pas rentable vu les nombreux problèmes de production. « Les agriculteurs devraient se mettre à cultiver des espèces comme le Granny Smith ou le Fuji, qui sont à haut rendement et plus demandés par les consommateurs étrangers », estime le conseiller. Et d’ajouter : « À court terme, il faut soutenir des programmes tels qu’Export Plus, qui est géré par Idal, mais il faut également dire à l’agriculteur qu’il peut exploiter ses terres de manière plus rentable et plus orientée vers le marché. » Pour M. Najjar, il est important que l’État soutienne le secteur agricole, grâce auquel subsiste 35 % de la population libanaise, mais il ne faut pas que l’agriculteur reste dépendant à vie du secteur public. C’est dans cette optique que le ministère de l’Agriculture tente d’encourager les groupements agricoles, notamment sous forme de coopérative. « L’Union européenne finance actuellement à concurrence de 10 millions d’euros, en plus de deux millions accordés par le ministère de l’Agriculture, un projet de développement agricole, en vue d’encourager la création de coopératives pour les fruits et légumes pour améliorer les conditions de production et de commercialisation dans le secteur des fruits, notamment ceux destinés à l’exportation, et des légumes, en particulier pour couvrir les besoins du marché local. Le but final étant d’aider les agriculteurs à joindre leurs efforts en vue d’une meilleure compétitivité », note-t-il. Rana MOUSSAOUI
En 1985, l’État libanais signe la convention sur la création d’une Zone arabe de libre-échange (Zale), qui prévoit la suppression progressive des tarifs douaniers sur les échanges de produits arabes. En janvier 2005, cette convention entre en vigueur, abolissant à 100 % les tarifs douaniers et plusieurs restrictions sur le commerce de produits provenant de 18 pays arabes. Peu avant la...