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Actualités - CHRONOLOGIE

Aucun des onze députés du matin n’a annoncé qu’il votera la défiance ; l’opposition insiste pour le caza Pour asseoir le changement, Nassib Lahoud va par quatre chemins : souveraineté, citoyenneté, intégrité et démocratie

Onze députés se sont exprimés hier en matinée lors du premier jour du débat de confiance place de l’Étoile. Un débat qui a été entamé par une minute de silence à la mémoire des députés Bassel Fleyhane et Ali el-Khalil, ainsi que de l’ancien député Nasri Maalouf, suivie de la prestation de serment de Michel Murr et Abdel-Latif Zein concernant le dossier Chahé Barsoumian, puis par une polémique au sujet du sit-in des familles des détenus libanais en Syrie (lire encadré). Première à prendre la parole, Bahia Hariri, fidèle, depuis l’assassinat de son frère le 14 février dernier, à la mission sacerdotale qu’elle s’est imposée : servir de trait d’union, de ciment entre les Libanais. « Comme le 26 avril 2005 ressemble au 26 avril 1996. (...) L’accord d’avril 1996 a incarné l’unité historique des Libanais, leur volonté commune de libérer leur territoire, en rangs serrés avec la résistance pour faire face à l’ennemi. L’accord d’avril 2005 est né de l’unité des Libanais, de leur refus de l’assassinat du président Hariri ; il est né de leur intifada contre les criminels, ceux qui ont manqué à leurs devoirs », a-t-elle dit. « Le peuple libanais a empli les places, portant haut le drapeau du Liban, d’un Liban uni, souverain, libre, indépendant. Le peuple a dit non à ceux qui voulaient hypothéquer l’avenir de leur pays, le peuple a martelé sa volonté de voir le Liban gérer tout seul ses affaires... Nous assumons tous, sans exception, avec le gouvernement Mikati la responsabilité d’emmener le Liban hors des troubles, vers la sûreté et la stabilité », a ensuite souligné Bahia Hariri. Elle a également évoqué l’urgence d’élections libres et démocratiques, son attachement à une République parlementaire démocratique au sein de laquelle primera la voix du peuple libanais, ainsi qu’à la chute de l’État sécuritaire oppressif, « qui ne pourrait se faire que grâce à une justice indépendante, efficace, garante des droits et des devoirs des citoyens. Et cela ne peut se faire que si l’on met un terme au terrorisme des écoutes », a-t-elle asséné, comme beaucoup d’autres le feront après elle. La députée de Saïda a enfin applaudi à sa façon aux « constantes » qu’a faite siennes la déclaration ministérielle : « Oui à l’application de l’accord de Taëf ; oui au respect par le Liban de la Charte des Nations unies et des résolutions onusiennes ; oui, et encore oui, à la protection de la résistance, et à la libanisation de ce dossier ; oui à la libération de notre territoire et de nos otages ; oui à une paix juste et globale ; oui à des relations privilégiées avec la Syrie sur la base du respect et de la confiance ; oui à une enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri et Bassel Fleyhane »... Deuxième à prendre la parole, Issam Farès, qui a commencé par partager son bonheur de retrouver cette tribune alors qu’il « en avait été privé pendant cinq ans et trois gouvernements », a rappelé l’importance de la règle du non-cumul. Reconnaissant ensuite que la déclaration ministérielle exprime « une volonté sincère du gouvernement d’apaiser la tension et d’insuffler de l’optimisme », l’ancien n° 2 du gouvernement a regretté qu’elle ne propose aucune vision concernant les problèmes majeurs, « comme si le cabinet s’était désisté de son rôle ». Concentrant son intervention sur l’échéance électorale, il s’est opposé à la proposition visant à créer une commission mixte, chargée d’élaborer une nouvelle loi électorale, qui « viole le principe de séparation des pouvoirs, les principes démocratiques, et qui est vouée à l’échec ». Et refusant le retour à la loi 2000, Issam Farès a regretté que le gouvernement Mikati n’ait pas fait précéder sa déclaration ministérielle par un projet de loi électorale « moderne et définitive, qui permette au citoyen de chosir librement et sainement, surtout que le Parlement à venir élira le prochain chef de l’État, c’est-à-dire que son influence s’étendra sur les dix ans à venir ». Peu soucieux visiblement de voir les élections se tenir dans les délais constitutionnels, il a ainsi appelé le cabinet à préparer un tel projet puis à le soumettre à la Chambre « conformément aux usages », et assuré que la confiance qu’il donnera ou pas dépendra de la position définitive du gouvernement sur la loi électorale. Retourner à l’esprit de Taëf Quatrième à s’exprimer à la tribune de l’hémicycle après Youssef Maalouf (voir encadré), le député Nassib Lahoud, en homme d’État confirmé, a, comme souvent, asséné rien moins qu’une magistrale leçon de politique. D’abord un bilan : ces dix semaines écoulées ont totalement transmuté quinze ans de vie politique. « Le temps de la tutelle syrienne est révolu et le système sécuritaire expire ; quant à ceux qui ont planifié, organisé et exécuté l’assassinat du président Hariri, ils seront très bientôt entre les mains de la justice. Oui, le visage du Liban a changé, mais le changement n’est pas encore complet, et c’est au gouvernement qui nous demande aujourd’hui la confiance de contribuer à cela », a-t-il commencé par dire. Puis, avant d’entrer dans quelque détail que ce soit, Nassib Lahoud a tenu à rendre hommage à ceux à qui l’on doit, selon lui, ces changements : « Les Libanais en général et les jeunes en particulier, quoi qu’on dise à propos des instances internationales, et quelle que soit leur importance. » Et pour ces jeunes, pour leurs revendications, le président du RD a fermement souhaité « une vérification minutieuse du retrait militaro-sécuritaire syrien, ainsi que du démantèlement de l’État sécuritaire et de l’appareil sécuritaire mixte libano-syrien qui a gouverné le Liban pendant 15 ans, de la façon la plus anticonstitutionnelle qui soit », rappelant que la priorité des priorités était de vérifier que la commission d’enquête internationale sur l’attentat du 14 février « commencera effectivement son travail ». Et après avoir souligné que le système juridico-sécuritaire s’est transformé au fil des ans, « et comme jamais dans l’histoire du Liban », en un parfait gardien du temple « de la corruption politique, des intérêts illégaux, du pillage organisé des deniers publics », Nassib Lahoud a clairement défini les quatre revendications majeures des Libanais, qu’ils aient été présents ou non à la place des Martyrs, les quatre points cardinaux de la vie politique à très court terme. Un : « Les Libanais veulent récupérer leur souveraineté, la ramener de Damas à Beyrouth, et non pas en direction d’une quelconque autre capitale. » Deux : « Les Libanais veulent qu’on les prenne de nouveau en considération, comme des citoyens à part entière, des partenaires respectés au sein d’un État respectable et qui respecte sa Constitution, violée depuis 15 ans. » Trois : « Les Libanais veulent que l’on fasse primer de nouveau les valeurs d’intégrité, de compétence, de respect de la loi, de l’émulation noble. » Quatre : « Les Libanais veulent que l’on redonne au système démocratique son importance, que l’on cesse de parasiter et de souiller les élections législatives, tant par le biais de lois électorales injustes ou d’une organisation partiale. Les élections saines et dans les délais constitutionnels sont la seule garantie pour assurer la souveraineté et garantir l’éclosion de pouvoirs capables de gouverner sainement. » En réusmé : « Les Libanais veulent retourner à l’esprit de Taëf, loin de tout arbitraire. » Rappelant ensuite les revendications de l’opposition que le gouvernement Mikati a inscrites au cœur de sa déclaration ministérielle, et insistant sur l’urgence de faire toute la lumière sur le sort des centaines de disparus ou des prisonniers libanais en Syrie, le député du Metn s’est arrêté sur la loi électorale. « Depuis 1992, les lois électorales ont été rédigées à l’ombre de la tutelle syrienne, elles étaient arbitraires, elles marginalisaient certains pôles, réduisaient la représentativité de certains autres, et le retour à de telles lois est inacceptable », a-t-il affirmé. Et expliquant que le mohafazat comme circonscription électorale ne peut être adopté avant que de revoir, comme le stipule Taëf, le découpage administratif, expliquant également que la proportionnelle ne peut être imposée avant de conclure un vaste chantier de travail, Nassib Lahoud a affirmé qu’aujourd’hui, « et avec le peu de temps dont on dispose », la loi de 1960, basée sur le caza, est celle « qui se rapproche le plus de l’accord de Taëf ». Ensuite, « après les élections, nous voulons construire, réformer, développer, immuniser notre pays contre les vents régionaux et internationaux… Attention de retomber dans l’expérience minée de 1992, lorsque le choix de la réconciliation nationale et de l’indépendance a été occulté au profit de la marginalisation et du suivisme », a conclu Nassib Lahoud. Les écoutes de nouveau sur le tapis Et après Nayla Moawad (voir encadré), Mikhaël Daher a pris le relais, pour affirmer que les deux premières pages de la déclaration ministérielle sont inutiles, « elles reproduisent le préambule de la Constitution ainsi que le document d’entente nationale », et que dans les deux restantes, en gros, pullulent les erreurs constitutionnelles et les propositions non légales. Comme, par exemple, le fait d’autoriser aux patrons des services, officiers de première catégorie, de se mettre eux-mêmes à disposition : selon le député du Akkar, cela est en violation du paragraphe 3 de la loi 86/40 qui amende la loi sur les fonctionnaires. Comme, également, le fait de dire que le gouvernement sanctionnera tous ceux qui seront déclarés coupables ou complices de l’attentat du 14 février par la commission d’enquête : « Ce n’est pas au pouvoir exécutif de prendre des mesures à l’encontre des criminels. C’est à la justice de le faire, elle est indépendante du gouvernement et elle n’a pas besoin de feu vert pour cela. » Enfin, Mikhaël Daher a tonné contre un gouvernement qui « menace », qui évoque une commission mixte chargée de mettre sur pied une loi électorale « en dix jours, sinon… », qui est « incapable de choisir et de décider, qui veut perdre du temps et atermoyer ». Accusant le cabinet Mikati de « fuir ses responsabilités », il a jugé totalement inacceptables une déclaration ministérielle « inconsistante » et un gouvernement « incapable de gouverner et de demander la confiance sur la base de choix clairs, responsables et audacieux ». Parlant ensuite au nom du bloc Joumblatt, le député Akram Chehayeb a commencé par se déchaîner contre Omar Karamé et son gouvernement, « qui ont échoué dans leurs tentatives de briser l’opposition et la volonté populaire en confortant le système sécuritaro-judiciaire des services ». Il a demandé ensuite au gouvernement Mikati d’être bien conscient de l’instant historique qui a permis sa naissance : « Pour la première fois, un gouvernement aura la confiance du Parlement sans qu’un mot d’ordre n’ait été diffusé au sein de l’hémicycle. Ce gouvernement doit reconstruire ; aider la commission d’enquête internationale ; découvrir la vérité et sanctionner ceux qui, au sein du pouvoir, tout le pouvoir, ont planifié, exécuté ou manqué à leur devoir ; organiser des élections dans les délais sur la base du caza ; bien comprendre que le temps des “remote control”, de la tutelle sécuritaire et de la sécheresse politique est révolu, et prendre soin de la volonté du peuple et des jeunes », a-t-il rappelé. Akram Chehayeb a également demandé que soient nommés de nouveaux patrons des services et un nouveau procureur général qui soient « compétents et indépendants des services », dénonçant la perpétuation au palais Bustros de Mahmoud Hammoud : « Les justifications et les déclarations n’ont convaincu personne... Il n’y a pas de fumée sans feu », a-t-il dit. En outre, le député de Aley a remis sur le tapis la question des écoutes, soulignant qu’il est largement temps que les équipes chargées de ces écoutes « s’en aillent ». Il a également appelé les syndicats à retrouver leur rôle social au niveau national, et la CGTL son unité, affirmant que la décision de proroger le mandat Lahoud a entraîné la résolution 1559, « et une internationalisation à laquelle il faudra faire face en s’attachant aux constantes – Taëf, la résistance, les relations justes et saines avec la Syrie ». Et après Nicolas Fattouche (voir encadré) et Wajih Baarini, Nehmetallah Abi-Nasr s’est déchaîné contre le Conseil d’État qui n’a pas jugé bon d’examiner le recours en invalidation introduit contre le décret de naturalisations qui permet à des milliers de personnes de voter, regrettant que cela soit interdit aux Libanais de l’étranger, et appelant à l’adoption de la petite circonscription. Il a en outre demandé l’établissement de relations diplomatiques avec la Syrie, refusé que la libération de Samir Geagea et le retour d’exil de Michel Aoun soient utilisés comme fonds de commerce politique (estimant que ce sont deux conditions indispensables si l’on veut aboutir à la réconciliation nationale), et déploré que le gouvernement ait ignoré, volontairement ou par omission, la tragédie des détenus dans les prisons syriennes. « N’y a-t-il pas de pères parmi vous ? Ne ressentez-vous pas la tendresse de vos mères ? N’entendez-vous pas les cris des pères, les sanglots des mères, eux qui sont en sit-in ouvert jour et nuit devant le bâtiment des Nations unies ? » a-t-il dit en apostrophant le gouvernement. Le député du Kesrouan a enfin fermement critiqué les îlots armés palestiniens à l’extérieur des camps palestiniens, comme à Naameh ou Koussaya par exemple, où continuent de circuler, a-t-il dit, des patrouilles des SR syriens : « Ne me dites pas que l’on recommence à penser libérer Jérusalem à partir de Naameh », a-t-il asséné. Dernier à s’exprimer de la tribune de l’hémicycle lors de la première séance, Misbah Ahdab a rappelé qu’il était de son devoir de faciliter le travail de ce gouvernement transitoire aux missions limitées et bien définies. « Il faut faciliter le passage vers un changement que l’on doit principalement à la société civile, et notamment à la jeunesse, avide de trouver un futur Parlement plus démocratique et plus représentatif, capable d’interpeller et de demander des comptes », a-t-il déclaré. « Et c’est avant que ne se déroulent les élections que l’on doit épurer à fond les services et ne pas s’arrêter aux seuls patrons », a-t-il ajouté, rendant hommage à la détermination et à la crédibilité du ministre de l’Intérieur Sabeh. Z. M.
Onze députés se sont exprimés hier en matinée lors du premier jour du débat de confiance place de l’Étoile. Un débat qui a été entamé par une minute de silence à la mémoire des députés Bassel Fleyhane et Ali el-Khalil, ainsi que de l’ancien député Nasri Maalouf, suivie de la prestation de serment de Michel Murr et Abdel-Latif Zein concernant le dossier Chahé...