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Nasri Maalouf, l’un des derniers « sages », s’est éteint

À 94 ans, et bien qu’en voyage à Abou Dhabi pour la fête pascale, il était encore en tête de ces figures politiques éminentes, de ces symboles pressentis il y a quelques jours pour former le cabinet de « sages » dont il était question. C’est dire la place qu’occupait dans la vie politique libanaise Nasri Maalouf, qui s’est éteint samedi dans l’émirat des suites d’une maladie. C’est dire aussi le vide que laisse ce grand ténor de l’arène parlementaire, près de trois ans après la disparition d’un autre de ces derniers ténors de l’hémicycle, Albert Moukheiber. Le parcours politique de Nasri Maalouf, qui traverse les différentes étapes de l’histoire contemporaine du Liban, résume à lui seul ce dont l’homme a été témoin durant toutes ces années : l’indépendance puis l’essor du pays, la descente aux enfers qui devait le ravager durant quinze ans de guerre, la réconciliation de Taëf et la pacification du Liban. Né en 1911 à Machraa, petit village près de Baskinta (Metn-Nord), Nasri Maalouf a fait ses études primaires à l’école Saint-Jean de Choueir, puis ses études secondaires à l’école patriarcale et à l’école des Frères, à Beyrouth. C’est ensuite à Damas qu’il a poursuivi avec succès des études de droit, avant de faire son stage dans le cabinet d’avocats de Youssef Germanos. Est-ce du droit que l’homme politique proche des milieux chamouniens tirera cette aisance, ce panache qui caractérisera les interventions du député au sein de l’arène parlementaire ? Probablement, d’autant que ses discours étaient systématiquement ponctués, étayés d’arguments constitutionnels et juridiques. Quoi qu’il en soit, Nasri Maalouf restera dans la mémoire collective comme l’un des grands tribuns de la vie politique libanaise. Cette arène parlementaire, Nasri Maalouf y entre en 1968 pour la première fois en tant que député de Beyrouth, avec Michel Sassine, après des tentatives infructueuses dans d’autres régions. Il devait ensuite être réélu au sein de ce Parlement de légende, celui de 1972, qui sera obligé d’autoproroger son mandat cinq fois jusqu’en 1992, en raison des événements de 1975. Nasri Maalouf fait donc partie de ce collège des députés qui prennent en 1989 le chemin de Taëf, se sentant investis d’une mission qui les dépasse : sauver le pays, mettre fin à cette guerre absurde à bien des égards et reformuler un pacte d’entente nationale pour faire taire les canons. La formule du pacte, fondatrice du Liban, il la connaît bien puisque, dès 1938, il avait déjà pensé en profondeur le premier contrat social, celui de 1943, en compagnie de Youssef el-Sawda, Takkieddine Solh, Sélim Driss ou encore Négib Sayegh. C’est donc en parlementaire responsable que Nasri Maalouf ira à Taëf pour renouveler ce pacte, l’inscrire au cœur des textes constitutionnels libanais. Puis, après avoir boycotté, comme la grande majorité des personnalités chrétiennes respectées, les élections de 1992, il devait se porter candidat à la partielle de 1995 après la disparition du député Joseph Moghaïzel. Mais le sens de la responsabilité pour Nasri Maalouf ne se limitera pas à l’arène parlementaire. Il intégrera ainsi à diverses reprises le Conseil des ministres : il détiendra ainsi les portefeuilles des Finances, de l’Économie et des Affaires sociales en novembre 1951 (cabinet dirigé par Sami Solh), puis de l’Économie, du Travail et des Affaires sociales en octobre 1968 (cabinet présidé par Abdallah Yafi, qui ne se présentera pas pour obtenir la confiance devant le Parlement). Il devait ensuite être ministre du Tourisme (cabinet Karamé, janvier 1969), puis de la Défense (juillet 1973, cabinet Takieddine Solh), et enfin de la Justice (mai 1992, cabinet Rachid Solh). Soucieux de la formule consensuelle, Nasri Maalouf n’en supportera pas la dérive institutionnalisée par l’influence syrienne sur le pays. Ses proches confirment ainsi qu’il se prononçait, tout récemment, « pour un retrait syrien du Liban et des élections législatives libres et démocratiques ». Une raison qui l’incitera, au début des années 2000, à créer, avec d’autres députés signataires de Taëf, un rassemblement politique pour dénoncer la non-application du document et sa récupération politique. Affaibli physiquement par l’âge et les maladies, Nasri Maalouf gardait cependant toute sa lucidité, sa mémoire formidable qui le caractérisait, toute sa conscience politique, tout son attachement au Liban, le vrai, uni et fort dans son unité. Donné favori pour représenter la communauté grecque-catholique au cabinet, il semblait réservé, peu convaincu, en raison du déclin continu de la vie politique libanaise de l’après-guerre, des déclinaisons à l’infini d’une pratique politique si peu représentative du Liban qu’il avait connu, aimé et aidé à édifier à travers son parcours. La dépouille de Nasri Maalouf a été rapatriée hier en terre libanaise.

À 94 ans, et bien qu’en voyage à Abou Dhabi pour la fête pascale, il était encore en tête de ces figures politiques éminentes, de ces symboles pressentis il y a quelques jours pour former le cabinet de « sages » dont il était question. C’est dire la place qu’occupait dans la vie politique libanaise Nasri Maalouf, qui s’est éteint samedi dans l’émirat des suites...