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Actualités - OPINION

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Les hommes politiques sont souvent acculés à louvoyer, à gagner du temps. Omar Karamé, lui, n’a d’autre souci et ambition que d’en perdre au contraire : l’objectif étant – il s’en cache à peine – de provoquer un vide constitutionnel en torpillant les élections législatives de mai prochain. Depuis sa désignation il n’a cessé de jouer consciencieusement, systématiquement, scientifiquement contre le calendrier, s’obstinant à inclure contre toute logique l’opposition dans un gouvernement d’union : laquelle opposition, en effet, tient le pouvoir prosyrien pour responsable, ne serait-ce que par omission, incompétence ou négligence, de l’assassinat de Rafic Hariri comme du peu de cas qui a été fait de ce terrible événement. Entre autres manœuvres dilatoires, Omar Karamé a pieusement observé le chômage officiel de Pâques ; il a patiemment attendu, de même, le retour du patriarche maronite en visite à Washington. Le comble, cependant, c’est qu’il n’a jamais autant traîné les pieds que depuis l’instant où il s’est résigné à partir. Mardi, c’est au président de l’Assemblée qu’il réservait la primeur de sa décision. À son tour, le président de la République en était informé hier sans pour autant que retombe le rideau sur ce morne épisode : car avant d’évacuer la scène, Karamé va encore consulter, non point sur l’heure mais demain au soir, ses alliés du camp dit loyaliste. Loyal à qui, au fait ? On ne le sait plus trop, car bien des paramètres ont changé entre-temps : le moindre n’étant pas ce virage à 180° qu’a amorcé Émile Lahoud en apportant sa caution à une enquête internationale sur l’attentat du 14 février. Les démentis apportés hier par le Premier ministre désigné n’y changent finalement rien : il est notoire que nombre d’amis de la Syrie, à commencer par le Premier ministre désigné lui-même, ont soupçonné le président d’avoir négocié dans leur dos, avec le cardinal Sfeir, l’avènement d’un cabinet « d’entente », lequel, en comblant les vœux de l’opposition, lui permettrait de demeurer tranquillement au palais de Baabda jusqu’à l’expiration de son mandat. C’est ce qui s’appellerait vendre au meilleur prix ses options (dé) passées. Car le chef de l’État lui-même reste moralement visé par le sévère rapport de la mission Fitzgerald, puisqu’il siégeait au sommet d’un pouvoir policier inféodé de surcroît à une puissance tutélaire encore moins recommandable ; dès lors, et dans la plus favorable des hypothèses, il ne pourrait ambitionner davantage qu’un rôle peu actif dans le Liban postélectoral, un Liban qui, sans être antisyrien, ne sera certes plus asservi à Damas. Que peut-il sortir, lors de ce peu plaisant 1er avril, des assises d’Aïn el-Tiné ? Par un curieux paradoxe, l’actuelle majorité parlementaire, qui n’a cessé de taxer l’opposition d’obstructionnisme, est prise aujourd’hui à son propre piège : après tout, Karamé avait entière latitude de former une équipe homogène ; et maintenant qu’est mort et enterré le projet de cabinet d’union, c’est elle alors qui s’arrogerait clairement, visiblement, indiscutablement un rôle de saboteur si elle s’entêtait par exemple à exclure tout gouvernement neutre chargé de préparer le scrutin de mai. Ou encore de remettre en selle, une fois de plus, Omar Karamé, perpétuant ainsi le climat d’insécurité qui empoisonne le pays. Déjà en porte-à-faux avec la volonté populaire et internationale, le camp prosyrien n’est plus toutefois ce qu’il était : depuis quelques jours, des glissements et défections plus ou moins dignement déclinés peuvent être observés çà et là. À l’aise avec des consignes claires et nettes, accoutumés à la présence rassurante du cerbère, les loyalistes semblent désemparés par les signaux contradictoires en provenance de la capitale syrienne, partagée en effet entre son désir de sauvegarder ce qui reste de son influence et la nécessité pour elle d’adopter un profil plutôt bas. Ce n’est pas sans inquiétude que Damas voit les États-Unis engager des consultations avec l’opposition syrienne en exil, à l’heure où le régime s’apprête à réformer le parti Baas et s’emploie à expliquer à son opinion publique les tenants et aboutissants de sa fracassante déconfiture libanaise. Du coup, le retrait intégral des troupes n’est plus l’affaire de mois, comme l’affirmait hier encore le président Assad, mais de quelques jours à peine, comme l’exige la communauté internationale. Et accablée par le rapport Fitzgerald, la Syrie se défend d’avoir jamais été le vertueux gardien de notre sécurité, ce qui laisse sans voix – et sans slogans – ses disciples locaux. Assad a trop à faire en ce moment avec ses propres problèmes. Le biberon de l’allégeance, d’aucuns devront peut-être se le donner tout seuls : plus royalistes que le roi, on n’a pas encore trouvé pire. Issa GORAIEB
Les hommes politiques sont souvent acculés à louvoyer, à gagner du temps. Omar Karamé, lui, n’a d’autre souci et ambition que d’en perdre au contraire : l’objectif étant – il s’en cache à peine – de provoquer un vide constitutionnel en torpillant les élections législatives de mai prochain. Depuis sa désignation il n’a cessé de jouer consciencieusement, systématiquement,...