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En Dents De Scie Magnitude 9

Douzième semaine de 2005 (J+40). Mille kilogrammes de TNT : c’est la charge utilisée le 14 février 2005 pour dynamiter à la fois l’espoir en un Liban ressuscité et la naissance d’une opposition transconfessionnelle dont la foi (et les moyens...) auraient été capables d’abattre des montagnes. Un séisme dévastateur, à l’amplitude maximale : c’est le rapport rédigé par le Terminator Peter Fitzgerald sur les causes, les conséquences et les circonstances de cet attentat, et mis le jeudi 24 mars 2005 à la disposition du monde. Un texte tellement plus impressionnant, tellement plus engageant, tel quel, que s’il avait dévoilé l’identité des auteurs de cette barbarie à visage découvert. Le rapport Fitzgerald a ceci d’immortel qu’il éclaire d’une lumière aveuglante, « sans préjuger des résultats de l’enquête », l’ensemble du chemin, long de quatorze ans, qui a séparé la fin de la guerre, la clinquante entrée en vigueur, très poudre aux yeux, de l’accord de Taëf fin 1990, de la tonne d’explosifs qui a mis en marche l’intifada pour l’indépendance, qui a accouché d’un peuple arc-en-ciel, qui a fait se confondre vérité et souveraineté. Ces quatorze ans ont métastasé le système libanais. Ces quatorze ans ont servi à unir cellule par cellule, en une fusion maladivement contre nature, la sécurité et le politique ; à privatiser l’appareil sécuritaire, à l’asservir à une influence étrangère ; à dénaturer le service policier, le transformer en outil dictatorial, au mépris du règne de la loi et des droits de l’homme ; ces quatorze ans ont annihilé le moindre devoir de responsabilité, anéanti tout espoir de demande de comptes, détruit toute supervision juridique ; ces quatorze ans ont perverti le système libanais. Le séisme créé à la lecture du rapport Fitzgerald est ainsi simplement dû au fait qu’il a été mathématiquement prouvé, en donnant heureusement la liste de tous les antidotes nécessaires, que le Liban a servi pendant ce double septennat de parfait cobaye pour des dirigeants syriens déterminés à y cloner leur régime ; une frankensteinienne expérience qui a évidemment nécessité une kyrielle de complicités locales ; qui a naturellement bénéficié, du moins jusqu’au 11 septembre 2001, du saisissant « hear no evil see no evil » de la communauté internationale. Sauf que ce séisme a ceci d’hallucinant qu’il semble avoir été totalement occulté par la quasi-totalité de ces malheureux acolytes libanais, aussi bien que par leurs tuteurs syriens. Au lendemain de la publication du rapport Fitzgerald, quatre d’entre eux ont confondu Beyrouth avec Rio de Janeiro, se sont donné le mot et précipités devant les caméras et les micros pour achever de convaincre les derniers incrédules, avec une inconscience politique inouïe, qu’ils sont, à tous les niveaux, irrécupérables et hors sujet. L’homme qui a fait plus de mal à la diplomatie libanaise depuis que celle-ci existe s’appelle Mahmoud Hammoud. Après s’être contenté, il y a quelques jours à Alger, de sourire comme une jouvencelle à un Moammar Kadhafi tout fier de jouer au rebelle de pacotille et qui s’est autorisé un imbécile « quand les forces syriennes se seront retirées du Liban, vous verrez ce qui arrivera », le locataire du palais Bustros a tenu, à l’instar de ses collègues Sleimane Frangié et Adnane Addoum, à administrer aux Nations unies une kafkaïenne leçon de droit international. « La commission d’enquête doit nécessairement coopérer avec l’État », a-t-il dit, sans prendre la peine de préciser l’identité de cet État. C’est qui l’État ? Le président de la République, qui a demandé à Kofi Annan de faire le nécessaire pour établir la vérité ? Damas, enfermé dans un assourdissant mutisme, à l’exception du délégué syrien à l’Onu qui a aligné les perles, estimé que cette enquête-là était inutile, qualifié le rapport de « rhétorique », affirmé que la Syrie « n’interfère pas dans les affaires » libanaises et menacé d’encore plus de tensions ? C’est qui l’État ? Le gouvernement Karamé, démissionnaire et autiste ? Son successeur ? Le chef de la diplomatie lui-même ? Sans compter l’insulte suprême adressée à l’intelligence collective : « Nous sommes attachés à la souveraineté libanaise », a courageusement déclaré le même Mahmoud Hammoud, oublieux qu’il a failli causer il y a quelques années, à cause de son « ami » Farouk el-Chareh, une mémorable et gravissime crise diplomatique entre Beyrouth et Koweït, que seul Rafic Hariri avait pu désamorcer. Et la cerise sur le gâteau : le ministre de la Défense, Abdel-Rahim Mrad, lui aussi totalement hermétique au tremblement de terre provoqué par le rapport Fitzgerald : « Les effectifs de l’armée libanaise ne sont pas suffisants pour remplacer les troupes syriennes dans la Békaa. » C’est criminel : interdits de Liban-Sud, interdits de Békaa, ces soldats qui ont prouvé depuis le 14 février toute l’étendue de leur professionnalisme, de leur responsabilité, n’ont visiblement droit qu’au Mont-Liban et au Nord, et encore... Pourquoi pas ? Chypre pourrait avoir envie, elle aussi, un jour, d’annexer ou de tutelliser le Liban. Un loyaliste, un seul, le premier d’entre eux, a anticipé le séisme Fitzgerald : Émile Lahoud. Apparemment bien au-dessus des contingences matérielles, peu soucieux d’être devenu le président le plus impopulaire et le plus boycotté de l’histoire du Liban, le locataire de Baabda donne depuis deux jours l’impression d’avoir gardé suffisamment d’amour-propre pour refuser de servir de bouc émissaire à cet éventuel « deal » sur lequel plancherait la Syrie : sa démission en échange d’un minimum syndical d’intérêts stratégiques garantis. Un refus aux imprévisibles conséquences. Il est des répliques sismiques aux douceurs insoupçonnées... Ziyad MAKHOUL

Douzième semaine de 2005 (J+40).
Mille kilogrammes de TNT : c’est la charge utilisée le 14 février 2005 pour dynamiter à la fois l’espoir en un Liban ressuscité et la naissance d’une opposition transconfessionnelle dont la foi (et les moyens...) auraient été capables d’abattre des montagnes. Un séisme dévastateur, à l’amplitude maximale : c’est le rapport rédigé par le...