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Actualités - OPINION

ANALYSE - Une solide toile d’araignée englue déjà la percée libératrice Du nouveau quand même, sous le soleil de Satan *

Le communisme, le maoïsme, le nazisme, le fascisme, ces mers rouges ou noires, et bien d’autres « ismes » plus ou moins révolutionnaires et révolus, se rejoignent en un isthme commun : l’histoire a un sens. Directionnel autant que sémantique ou pédagogique. Qu’aucun d’eux n’a cependant saisi. Mais qui les a tous aidés à structurer leur pouvoir, à le renforcer, par un apparent dogmatisme de but. Le baassisme syrien reste l’un des rares systèmes issus du terreau dit idéologique couplant l’État à un parti. Si l’histoire a un sens, cette option politique, tombée en désuétude partout ailleurs ou presque, s’affiche désormais comme un contresens. Circonstance aggravante : contrairement à d’autres régimes de nature dictatoriale sinon totalitaire, comme on en trouve encore beaucoup dans le monde arabe, les résidus de l’ère des « ismes » ne sont pas vraiment réformables, démocratisables. Mais s’ils sont bien organisés, comme en Chine, ils peuvent, à condition de passer à l’économie de marché (donc de se renier), tenir un peu le coup. Pour quelques années, après quoi il leur faut inéluctablement s’effacer. Au nom même de ce sens de l’histoire qu’ils cultivent plus que d’autres, alors qu’il est leur propre négation. Un modèle Or le Baas, plus exactement le pouvoir syrien, reste à ce jour un modèle haut de gamme de structuration pyramidale. Une tête unique (du moins en principe), un corps qui va en s’évasant, le centre de gravité se situant au milieu, avec le poids d’une armée surdimensionnée. Pour se rétrécir ensuite jusqu’aux pieds, c’est-à-dire aux cellules de quartiers qui ne regroupent pas plus d’une dizaine de membres. Ainsi les cadres du cadre établi sont pratiquement assurés contre tout retournement de situation. Comme on le voit en Russie (ou en Irak pour les militaires voire pour les administratifs), ils ont des chances de garder le contrôle effectif du pays, en cas de balayage éventuel. Qui semble pour le moment, et pour le moins, hautement improbable. C’est ce que souligne un spécialiste, Théodore Kattouf, ancien ambassadeur US en Syrie. Car ni les réformateurs ni les opposants n’échappent à un muselage étroit, fruit d’une surveillance policière pointue de tous les instants. Qui s’appuie certes sur la délation. Mais aussi, et surtout, sur une corruption généralisée, d’ailleurs reconnue par les autorités. Un système de prébendes à tous les échelons, dans tous les domaines qui permet de gommer les tensions populaires diffuses. Et d’atténuer, aux yeux du monde informé, les aspects rugueux d’un pouvoir de fait fondé sinon sur la terreur de masse du moins sur l’intimidation. Système local C’est ce modus operandi, ingénument baptisé chez nous système « du bâton et de la carotte », qui a été transposé dans le Liban sous tutelle. Avec un avantage supplémentaire énorme : la mise en place de réseaux d’influence articulés sur « les affaires » encore plus que sur la manipulation politique. D’où le label courant de « mafia » attribué aux décideurs, services en tête, et à nombre de leurs affidés locaux. Pour démanteler vraiment ces réseaux, qui n’ont finalement besoin pour continuer à fonctionner à plein que du téléphone, il faudra sans doute des années. À moins, bien entendu, et paradoxalement, qu’on ne fasse du Liban un pays également totalitaire, pour son propre compte, ce qui lui permettrait d’écraser les termitières. Comme il n’en est pas du tout question, et que les Libanais veulent au contraire renforcer encore la démocratie, le travail de sape des tuteurs sortants, et de leurs compagnons de route, risque de perdurer. Et de perturber beaucoup l’évolution vers le service du seul intérêt national bien compris. Ou vers le retour à la prospérité, via un redressement économique que les aides occidentales ou golfiques promises devraient faciliter. Dans le tout proche avenir, l’existence de la toile d’araignée en question conduit à se poser des questions sur l’angélisme qu’il y a à miser (tout ou presque !) sur les élections législatives. Rien que sur le papier on peut facilement voir que, même libre et régulier, ce scrutin ne peut pas échapper au contrôle du réseau en place, surtout dans les régions périphériques à forte densité démographique et haute teneur en députés. Conséquemment et subséquemment, comme disent les gendarmes, on se demande si la toile d’araignée ne va pas gagner assez de temps pour effectuer une mutation génétique. Afin que le pouvoir réel passe des mains des services, maintenant dépassés, à celui des commissions dites mixtes que le Conseil supérieur tout aussi mixte s’est engagé publiquement, ouvertement, à réactiver et à renforcer dans les prochaines semaines. On se demande enfin et surtout si les Américains, promoteurs du changement démocratique régional, ne risquent pas de se lasser de voir que le Baas tient finalement le coup. Et ne vont pas poursuivre plutôt leurs efforts de réforme parachutée du côté de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, qu’ils ont commencé à travailler au corps. Raison de plus, doit-on souligner, pour que les Libanais gardent les yeux bien ouverts, n’oublient pas trop vite l’union nationale sacrée. Et cherchent, ensemble, à se doter d’insecticides efficaces pour en finir avec l’araignée. Jean ISSA *Roman de Bernanos, 26, puis film de Pialat, 87.
Le communisme, le maoïsme, le nazisme, le fascisme, ces mers rouges ou noires, et bien d’autres « ismes » plus ou moins révolutionnaires et révolus, se rejoignent en un isthme commun : l’histoire a un sens. Directionnel autant que sémantique ou pédagogique. Qu’aucun d’eux n’a cependant saisi. Mais qui les a tous aidés à structurer leur pouvoir, à le renforcer, par...