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Actualités - OPINION

perspectives - Le chef de l’État a raté l’occasion de jouer le rôle de rassembleur Insensible à la portée historique de la mobilisation populaire, le régime passe à côté de l’événement

De par sa fonction officielle, le chef de l’État est censé être le garant de l’unité du Liban, de sa souveraineté, de la cohésion nationale, de la concorde interne. En période de crise aiguë, lorsque le pays se trouve à des tournants historiques, le président de la République se doit de rester au-dessus de la mêlée, de manière à pouvoir jouer le rôle de rassembleur, de fédérateur, entre les principales composantes du tissu social libanais. L’une des principales failles du régime actuel est que le président Émile Lahoud n’a pas su jouer ce rôle de rassembleur. Pis encore, en diverses circonstances, il s’est laissé entraîner dans les méandres de la politique politicienne en se comportant en simple allié de parties locales contre d’autres. Il l’a malheureusement prouvé, une fois de plus, pas plus tard que mardi dernier, lorsqu’il a immédiatement réagi à l’imposant rassemblement organisé par le Hezbollah à la place Riad Solh. Dans un communiqué officiel, il a souligné, en substance, que les centaines de milliers de personnes réunies à l’initiative du « parti de Dieu » représentaient en quelque sorte « la majorité » restée fidèle au principe des relations privilégiées avec la Syrie. En s’empressant ainsi d’accorder publiquement, et sur-le-champ, sa bénédiction à la manifestation de la place Riad Solh, le président Lahoud a apporté de l’eau au moulin de tous ceux qui lui reprochent de n’avoir d’yeux que pour le Hezbollah, de n’être pratiquement attentif qu’aux propos de Hassan Nasrallah. N’a-t-il pas superbement ignoré, et il continue toujours de le faire, les centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes qui, depuis un mois, descendent quotidiennement dans la rue, se retrouvent à la place des Martyrs, la place de la Liberté, pour clamer leur attachement à un Liban libre, souverain, indépendant, libéré de la tutelle syrienne et du joug de l’appareil sécuritaire syro-libanais ? Le plus déplorable dans les développements en cours, c’est que le chef de l’État et les personnalités qui l’entourent sont à cet égard totalement à côté de la plaque. Ils ne parviennent toujours pas à reconnaître la portée, la dimension réelle du véritable phénomène sociopolitique dont la place des Martyrs est le théâtre depuis un mois. Lorsque des dizaines de milliers de jeunes et d’étudiants, débordant d’enthousiasme et de ferveur, se mobilisent à un rythme soutenu et de façon remarquablement spontanée pour exprimer haut et fort – dans une atmosphère bon enfant – leur sentiment patriotique, leur soif de liberté, leur désir passionné de voir le Liban renaître de ses cendres, cela mérite une petite mention de la part du président de la République. Indépendamment de toute considération politique, cela aurait mérité de la part du chef de l’État un hommage à cette jeunesse qui est sortie de sa léthargie en l’espace de quelques jours, comme un volcan subitement réactivé, pour faire entendre sa voix, pour apporter sa contribution à la libération du Liban, pour participer à l’intifada de l’indépendance, pour montrer avec force qu’elle a repris confiance en l’avenir. Son avenir... Il est tout aussi dommage que le président de la République et les personnalités qui l’entourent n’aient pas su également apprécier l’importance d’un autre phénomène sans précédent auquel nous assistons sans discontinuité depuis un mois : des centaines de milliers de Libanais, chrétiens et musulmans, indépendants ou partisans du courant aouniste, du PSP, des Forces libanaises, des Kataëb, du Courant du futur, du PNL, de la Gauche démocratique, du Bloc national, qui manifestent côte à côte, comme un seul homme, brandissant avec fierté la drapeau libanais, entonnant l’hymne national et scandant ensemble, d’une seule voix, les mêmes slogans à la gloire d’un Liban souverain, libéré de la tutelle syrienne. Dans ce formidable élan spontané, c’est la masse silencieuse, le citoyen lambda, qui descend dans la rue pour exprimer son sentiment de ras-le-bol, pour se libérer des frustrations accumulées pendant trente ans. L’incroyable mobilisation populaire, perceptible depuis quelques jours dans chaque village, dans chaque quartier, dans chaque région en vue d’une participation massive au rassemblement de ce lundi 14 mars, a fourni une preuve de plus que l’assassinat de Rafic Hariri a constitué le catalyseur, le détonateur d’un sursaut national et patriotique auquel nul n’osait espérer. Dans son point de presse, samedi, le chef de l’État n’a vu en la mobilisation généralisée de ces quatre dernières semaines qu’une simple manifestation ordinaire troublant l’ordre public. Au lieu de capitaliser d’une quelconque façon sur l’engouement des jeunes pour le renouveau du Liban, le régime a préféré ignorer et banaliser le phénomène. Mais l’histoire est en marche. Et son jugement sera impitoyable. Michel TOUMA
De par sa fonction officielle, le chef de l’État est censé être le garant de l’unité du Liban, de sa souveraineté, de la cohésion nationale, de la concorde interne. En période de crise aiguë, lorsque le pays se trouve à des tournants historiques, le président de la République se doit de rester au-dessus de la mêlée, de manière à pouvoir jouer le rôle de rassembleur,...