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Actualités - OPINION

ÉCLaIRAGE - Le monde désormais face à son devoir d’assistance à personnes et démocratie en danger

Quelques heures à peine après l’annonce du décès de Rafic Hariri, le député Farès Souhaid avait, le premier, évoqué la nécessité d’une protection internationale du Liban. Puis Walid Joumblatt, entre avant-hier à L’Orient-Le Jour et hier aux médias étrangers, a dit tout haut, clairement, nettement, ce que la quasi-totalité des Libanais pensent tout bas : « Mon nom figure sur la liste des cibles d’attentats potentiels, et l’opposition a le droit d’être protégée », a-t-il résumé, n’opposant aucune objection à l’établissement de cette protection planétaire ou « d’un mandat étranger sur le pays ». Enfin, Nayla Moawad a tout résumé : « Il ne faut pas que l’enquête subisse le sort qui a été réservé aux affaires Marwan Hamadé, René Moawad, Béchir Gemayel, Hassan Khaled, Kamal Joumblatt et d’autres personnalités libanaises qui sont mortes en martyrs parce qu’elles ont cru dans ce pays, chacune à sa manière. Ils ont tous tenté à travers leur combat et leurs actes de rendre le Liban aux Libanais », a-t-elle dit, faisant assumer à la communauté internationale ses responsabilités. Pour les politiques farouchement attachés au combat en faveur de la souveraineté, de l’indépendance, de la libre décision et de la démocratie du Liban, comme pour les simples citoyens qui partagent leurs positions, il y a, depuis le 14 février, une seule et unique urgence, « il faut sauver le Liban ». Pour preuves : le nombre de SMS envoyés et reçus à travers le pays hier, appelant à des regroupements pacifiques aujourd’hui à Tabaris, à la rue Monnot et place Sassine entre autres ; les bougies allumées hier un peu partout ; la volonté de plusieurs milliers de personnes de se retrouver ce matin place des Martyrs de l’Indépendance – des jeunes surtout, des Libanais pas nécessairement d’accord avec la vision politique de celui que les 350 kg de C4 ont transformé en héros-martyr d’un Liban rêvé... Tout le monde était persuadé que Rafic Hariri était intouchable, que son intégrité physique constituait une ligne rouge que personne n’oserait franchir. Son assassinat, en la décapitant, en la traumatisant, a paradoxalement – et heureusement – cassé les dernières réserves de l’opposition nationale plurielle, devenue le porte-voix des communautés druze, chrétienne et sunnite. Cette opposition ne s’est pas contentée de faire assumer nommément au pouvoir et à son tuteur syrien la responsabilité de l’attentat ; pour la première fois, elle a lancé un SOS, un assourdissant appel au secours que des citoyens quels qu’ils soient adressent en principe à leur État. Depuis lundi, c’est la communauté internationale qui est mise devant le fait accompli : le Liban, certains de ses ténors, sa démocratie, son essence sont en danger de mort, et c’est au monde entier que ces Libanais ont parlé, convaincus désormais que l’ectoplasme étatique qui est le leur fait tout pour les emmurer vivants. Seul problème, dont l’acuité s’aiguise jour après jour depuis début septembre : les Libanais, acteurs du dedans, cibles (é)mouvantes, parfaits sitting ducks, sont légitimement impatients. Et à cette impatience est venue s’ajouter, avant-hier, la terreur. La communauté internationale est lente, théorique, frileuse, divisée, inconsciente, disent-ils, se demandant combien d’assassinats politiques seront nécessaires avant qu’elle ne se décide à privilégier le concret. Sauf qu’à y bien regarder, les choses bougent, moins lentement qu’elles n’en ont l’air. Sur le plan collectif, le Conseil de sécurité de l’Onu a demandé à Kofi Annan de faire une déclaration sur l’attentat, ce qui ressemble fort à une enquête internationale qui ne dit pas son nom. Une décision adoptée à l’unanimité malgré l’entêtement de Pékin à vouloir faire primer la justice libanaise ou celui, moins direct, de Moscou à vendre des armes à Damas. Le Conseil de sécurité a appelé en outre le gouvernement Karamé à faire ce pour quoi il est payé : traduire en justice tous ceux qui sont derrière cet « acte terroriste haïssable ». Il a même été jusqu’à rappeler les termes d’une résolution adoptée le 2 septembre 2004 appelant au retrait de toutes les forces syriennes du Liban, sans citer nommément la 1559 puisque cela aurait équivalu à accuser explicitement la Syrie d’être derrière l’attentat de Beyrouth. Mais des sources diplomatiques onusiennes indiquent qu’entre les quatre murs du Palais de Verre, « un grand nombre des délégués des 15 n’ont pas hésité à incriminer nommément Damas ». En outre, sur le plan individuel, Washington (que l’on dit presque exclusivement obnubilé par l’Iran) a rappelé son ambassadrice à Damas, Margaret Scobey, pour consultations « urgentes à la suite du meurtre brutal de Rafic Hariri ». Quant à l’inébranlable Condoleezza Rice, elle a affirmé hier que les relations se dégradaient avec la Syrie, qu’elle a accusée de « déstabiliser » le Liban. Sans oublier bien entendu la farouche détermination de la France en faveur d’une enquête internationale et d’une application non moins urgente de cette même 1559. À Ryad, Saoud al-Fayçal a accueilli fraîchement l’insistance de Michel Barnier. Surprenante réaction de la part de « l’ami » de Rafic Hariri. Mais le prince a eu la bonne idée de rajouter ensuite que « c’est le peuple libanais qui jugera de l’honnêteté de l’enquête ». Sans doute sait-il pertinemment que ce peuple n’a pas besoin d’attendre pour juger, qu’il l’a déjà fait, loin de tout procès d’intention, en connaissance de cause : la longue liste macabre scandée par Nayla Moawad hier en est l’indiscutable preuve. Aussi bien pour le dedans que pour le dehors, pour cette communauté internationale qui n’a pas le droit de tuer l’espoir qu’elle a elle-même allumé il y a près de six mois. L’exemple hongrois des années 50 doit être banni des mémoires : on ne sacrifie pas un pays-message. Ziyad MAKHOUL
Quelques heures à peine après l’annonce du décès de Rafic Hariri, le député Farès Souhaid avait, le premier, évoqué la nécessité d’une protection internationale du Liban. Puis Walid Joumblatt, entre avant-hier à L’Orient-Le Jour et hier aux médias étrangers, a dit tout haut, clairement, nettement, ce que la quasi-totalité des Libanais pensent tout bas : « Mon nom...