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Actualités - CHRONOLOGIE

WEBCULTURE Le projet Gramophone veut mettre en ligne le patrimoine musical mondial (Photo)

Regrouper, restaurer et rendre accessible sur l’Internet l’ensemble des enregistrements musicaux tombés dans le domaine public : tel est l’ambitieux objectif du projet Gramophone, initié par un mélomane américain. La démarche, qui se heurte pour l’instant à l’extrême complexité de la législation américaine sur le copyright, met en lumière la nécessité de parvenir à une norme internationale en matière de durée de protection des œuvres sonores. «Le projet Gramophone est envisagé sous la forme d’un organisme à but non lucratif qui transférera sous forme numérique, préservera et rendra accessible (via une ou plusieurs archives en ligne) des enregistrements sonores anciens, tombés dans le domaine public », explique, en préambule, la liste de discussions du projet, créée en août 2003. Le principal promoteur de l’initiative est un Américain dénommé Jon Noring. Spécialiste du livre électronique, cofondateur de la société californienne Windspun et fan de jazz des années 1920, Noring s’est directement inspiré du projet Gutenberg, consacré aux œuvres littéraires. Lancé en 1971 par Michael Hart, ce dernier visait à rendre librement disponibles les textes qui n’étaient plus protégés par les droits d’auteur. Aujourd’hui, le projet Gutenberg est une vaste base de données permettant le téléchargement libre et gratuit de plus de 6000 livres au format électronique, parmi lesquels de nombreux trésors de la littérature mondiale. Casse-tête juridique Pour les enregistrements musicaux, les choses s’avèrent nettement plus compliquées. Si son site officiel devrait ouvrir prochainement, le projet Gramophone bute pour l’heure sur l’absence d’harmonisation au niveau mondial de la durée de vie des droits d’auteur des œuvres sonores. Au Canada, en Australie et dans la plupart des pays européens, cette protection a une durée de 50 ans après la première diffusion publique. Tel n’est pas le cas aux États-Unis, où la législation sur le copyright est un véritable casse-tête entremêlant lois des États et réglementation fédérale. Selon Noring, les enregistrements effectués avant 1972 ne sont pas couverts par les lois sur le copyright, mais ne sont pas pour autant dans le domaine public. « Ce n’est qu’en 2067 que ces enregistrements tomberont dans le domaine public aux États-Unis ! », regrette-t-il. Cette disposition est le résultat de la loi Sonny Bono de 1998 qui, suite à la pression des majors, a prolongé la protection du copyright. Résultat, « quasiment tous les enregistrements sonores effectués de 1889 (date du premier enregistrement commercial aux États-Unis) à 1942 sont verrouillés et inaccessibles au public », explique l’initiateur du projet Gramophone. Or, insiste-t-il, « le jazz, le ragtime, le blues, le gospel ou la musique classique, pour ne citer que les principaux genres, sont les sources qui ont profondément influencé la musique mondiale. Ces premiers enregistrements transcendent les simples intérêts légaux ou commerciaux. Ils sont une partie importante de l’héritage culturel de l’humanité et doivent être traités avec le sérieux et le respect qu’ils méritent.» L’imbroglio juridique atteint son paroxysme si l’on considère, comme l’affirme Noring, que dans les pays où elle est en vigueur, la règle des 50 ans concerne également les enregistrements effectués aux États-Unis ! Elvis, patrimoine mondial ? Dans ce cas, les enjeux commerciaux sont de taille. Si les revenus de l’industrie du disque proviennent davantage de titres récents, certains morceaux plus anciens constituent néanmoins des pièces de choix dans les catalogues des majors. Comme le souligne Noring, « dans trois ans, les tout premiers enregistrements d’Elvis Presley tomberont dans le domaine public pour les pays ayant adopté la règle des 50 ans. Et d’année en année, de plus en plus d’enregistrements très lucratifs émanant de l’époque rock devraient probablement rejoindre le domaine public, notamment les premiers enregistrements des Beatles... » « La RIAA a commencé un intense lobbying pour établir de nouveaux accords internationaux, en vue d’accroître la portée du copyright, s’inquiète Noring. Si elle y parvient, une grande partie des enregistrements anciens seront enfermés dans des coffre-forts pour quelques décennies supplémentaires. C’est une situation que la communauté internationale ne devrait pas accepter. » Jon Noring appelle donc les bonnes volontés du monde entier à rejoindre le projet Gramophone. Il propose ainsi de créer, partout où cela est légalement possible, des branches nationales liées à son initiative, destinées à recueillir les enregistrements libres de droits. Si son projet Gramophone « ne doit pas être interprété par l’industrie du disque comme une attaque », Noring espère provoquer une prise de conscience mondiale pour « protéger le domaine public et le trésor national qu’il représente pour chaque pays. » M.G.H.
Regrouper, restaurer et rendre accessible sur l’Internet l’ensemble des enregistrements musicaux tombés dans le domaine public : tel est l’ambitieux objectif du projet Gramophone, initié par un mélomane américain. La démarche, qui se heurte pour l’instant à l’extrême complexité de la législation américaine sur le copyright, met en lumière la nécessité de parvenir à une...