Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Concert - À l’église Saint-Joseph (USJ) L’Orchestre symphonique national libanais: le zéphyr et la tornade(photos)

Un vent glacial et une pluie torrentielle. Intempéries qui n’ont guère rebuté les nombreux mélomanes venus applaudir à l’église Saint-Joseph (USJ) l’une des dernières prestations de l’Orchestre symphonique national libanais placé sous la houlette de Wojcieh Czepiel. Un menu ramassé et concis. Harmonieuse conciliation d’une inspiration libano-polonaise avec, de part et d’autre des accents d’orientalité et une narration au langage absolument moderne. C’est ainsi que se présente le mariage des partitions de Toufic Succar et Krzysztof Penderecki sous les voûtes et devant l’autel illuminés de l’église des pères jésuites. De Bécharré au nord du Liban à Debica en Pologne, voilà des atmosphères différentes, ayant pour point commun l’universalité de la langue musicale, tout en offrant aux auditeurs une large palette d’émotions et d’images sonores allant de la sérénité à la tourmente, en passant par des pics majestueux et grandioses. Ouverture avec la Symphonie des cèdres de Toufic Succar, ancien directeur du Conservatoire national de Beyrouth et éminent professeur de musique formé lui-même à bonne école, à savoir chez Bertrand Robillard, Ernest Cassel, Henry Challand, Noël-Gallon et Olivier Messiaen. On comprend dès lors que l’influence de son œuvre soit naturellement portée à la modernité tout en soulignant l’apport de la richesse culturelle de notre terroir dont il a été un fervent et zélé conservateur. Trois mouvements (adagio, allegro, andante) pour traduire la variété de timbres et des ritournelles d’un patrimoine musical qui a sa spécificité et sa particularité. Dans le doux murmure du zéphyr il y a l’éclat des tempêtes qui traversent pourtant un ciel immuablement bleu... C’est comme à travers une limpide phrase gébranienne, la poésie et la tendresse cachent mal les larmes et la violence des sentiments. Respirant le parfum de nos vallées profondes, empruntant le rire de nos coteaux, usant de la jovialité des tuiles rouges de nos hameaux calfeutrés dans les vergers, évoquant la majesté des cèdres, narrant la transparence des cascades à la fonte des neiges, cette symphonie est un mélange de tendresse et d’emphase sentimentale avec un arrière-fond d’un patriotisme omniprésent et marqué. Surtout, à travers ses timbres, ses cadences et ses harmonies. Mais aussi cela se veut un hymne enthousiaste à une terre aimée. Entre le soyeux ruban d’une mélodie qui se déroule comme ces fils qu’on tend en haute montagne pour effrayer les moineaux et les dissuader de picorer les fruits sur les arbres, cette musique se répand telle une nappe d’eau désordonnée qui s’offre en toute générosité à toute menace de soif. Écriture résolument orientale avec ses «taasim», ses improvisations de keif, sa nostalgie lancinante, le tout dans une rosace de notes où transparaissent les nuits étoilées du Nord et le bruit des chutes d’eau quand les peupliers nacrés tremblent en bord des sentiers perdus. Apothéose du final d’une œuvre aux thèmes répétitifs et somme toute assez longue. Pour plus d’efficacité, elle aurait certainement gagné à être plus courte. Applaudissements du public et présence sur scène du compositeur Toufic Succar. Les cheveux gris, la marche hésitante car sa vue est affaiblie, menu dans son complet gris, souriant et ému, le musicien salue courtoisement l’auditoire qui lui rend un vibrant témoignage d’estime et d’amitié. Penderecki: une œuvre éruptive Petit entracte et place aux bouillonnements de la Symphonie n° 2 (Veillée de Noël) de Penderecki. On sait que la musique de ce compositeur polonais contemporain ne laisse pas indifférent. Dans tous les sens du terme. Marqué d’une certaine spiritualité, jetant la lumière des notes sur les notions du bien et du mal, fouinant dans les profondeurs de l’être pour mettre en lumière la part d’élévation en chacun de nous avec son cortège de souffrance, de malheur et de combat contre l’adversité du destin, Penderecki a la musique qui va droit au cœur et transcende les émotions les plus injustement banalisées. Le soufre des diables de Loudun, c’est lui, le lamento pour le carnage des victimes de Hiroshima, c’est encore lui. Ce n’est pas pour rien qu’il est détenteur de plus d’un prix (Arthur Honneger) et docteur honoris causa des Universités de Rochester et de Bordeaux, en plus de ses fonctions de recteur de l’école supérieure de musique de Cracovie, région dont il est originaire. Musique qui ne connaît pas les limites du conventionnel et où la force et les vigueurs du son sont autant d’alliées et d’atouts pour ce musicien à la narration certes outrancièrement moderne mais par ailleurs indéniablement puissante et envoûtante. Une tornade que cette symphonie traversée brusquement et comme par inadvertance par un début de phrase du Silent Night qu’on entonne au pied des sapins décorés à la fête de la Nativité... Mais le vent a soufflé et emporte tout ailleurs dans une expression explosive, éruptive, qui prend l’auditeur à la gorge quand on devrait dire à l’oreille! Déferlement fastueux et irrépressible de phrases incandescentes et déchaînées comme pour un vaisseau fantôme en détresse et l’image n’est guère un fortuit hasard car le néoromantisme de Wagner est plus que perceptible dans ce somptueux ouragan de notes. Pas plus d’ailleurs que les déchirures mahlériennes où les cordes ont des gémissements d’enfer et se dérobent brusquement comme sous le poids invisible d’une peine insupportable. Fourmillante d’idées, éclatante de timbres qui vont jusqu’à la barbarie bartokienne, teintée d’une spiritualité étrange, celle des forêts livrées aux ténèbres de la nuit sans la merci d’une embellie, cette symphonie à la mélancolie parfois brucknerienne. D’un paganisme tonitruant dans ses tonalités qui n’acceptent aucun compromis, cette œuvre faussement glaciale a les reflets cassants d’un minéral indestructible. Et émerge, entre grande caisse qui résonne avec autorité et clusters qui marquent une cadence guerrière, une sorte de marche d’envahisseurs qui emporte l’auditeur vers des rives où la terrre est lave de volcan. Sans l’apothéose de la fin et le coup fatal d’un gong, annonciateur des grands désastres ou de grandes vérités, cette symphonie au tragique déployé comme une bannière flottant au vent est un vibrant et véhément appel à la vie et à la renaissance. Jamais musique ne fut plus tonique dans ses appels les plus désespérés, les plus élevés. Une pluie d’applaudissements quand, intarissable, la véritable pluie sévit encore dehors. Mais on garde, précieusement et avec un plaisir infini, l’ouragan et les tempêtes de Penderecki dans les oreilles, comme pour une lumineuse invite à une liberté purificatrice absolue. Edgar DAVIDIAN

Un vent glacial et une pluie torrentielle. Intempéries qui n’ont guère rebuté les nombreux mélomanes venus applaudir à l’église Saint-Joseph (USJ) l’une des dernières prestations de l’Orchestre symphonique national libanais placé sous la houlette de Wojcieh Czepiel. Un menu ramassé et concis. Harmonieuse conciliation d’une inspiration libano-polonaise avec, de part...