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Actualités - OPINION

LE POINT Show à l’américaine

C’est dans le beau film de Bob Fosse, All that Jazz. Au réveil, le héros (Roy Scheider) prononce trois mots, en s’apprêtant à attaquer sa journée : « It’s Show Time ! » On ne pouvait s’empêcher l’autre soir de remémorer cette image en écoutant le discours sur l’état de l’Union de George W. Bush. Avec la participation des membres de la Chambre des représentants et du Sénat, c’est à un véritable spectacle que l’on assistait, conçu pour frapper l’imagination, titiller la fibre patriotique, impressionner l’adversaire, exalter les vertus incarnées dans le peuple américain. Avec juste ce qu’il faut d’émotion pour activer les glandes lacrymales dans les chaumières du « Deep South ». L’heure étant à l’Irak, on a eu droit donc aux parents éplorés d’un des « boys » parti défendre la liberté et aider à instaurer la démocratie en terre mésopotamienne, et qui n’est pas revenu – simple hasard si le jeune Marine est originaire de Pflugerville, au Texas. Ah ces caméras braqués sur une image d’anthologie, où l’on voit la mère, Janet Norwood, étreindre longuement Safia Taleb al- Souheil, vous savez, la jeune Irakienne faisant le V de la victoire, l’index marqué à l’encre violette après le passage dans un bureau de vote. Et qui vient de dire : « L’occupation, c’était les trente-cinq ans du régime de Saddam Hussein. Merci au peuple américain qui a payé le prix (de la libération), mais surtout merci aux soldats. ». Puis, petit rappel à l’intention de ceux que n’aurait pas émus la scène : le père de Safia a été assassiné il y a onze ans par les sbires du tyran déchu. Du pur Cecil B. De Mille … Ne nous leurrons pas. Le côté nanar hollywoodien sert à faire passer les multiples messages contenus dans le texte défilant sur le prompteur. Cette année, priorité à l’éducation et donc à l’emploi (avec la loi appelée « No Child Left Behind »), au socio-économique, en particulier à la question de la sécurité sociale qui concerne 45 millions d’Américains. À leur intention, quelques chiffres sont avancés. Celui-ci par exemple : alors qu’aujourd’hui, il faut les cotisations de 16 salariés pour financer les subventions versées à un bénéficiaire, il n’en faudra plus que trois dans quelques décennies. On dira que depuis longtemps les républicains caressent le rêve de modifier les bases de cette vénérable institution créée dans les années trente par Franklin Delano Roosevelt et qu’ils croient venue l’heure de le faire. Dans la pratique, cela signifie que son second mandat, l’actuel locataire de la Maison-Blanche compte en consacrer l’essentiel aux problèmes d’ordre interne, ce qui l’éloignera un peu plus encore de la scène internationale. D’où probablement le choix de l’inconditionnelle Condoleezza Rice pour diriger la diplomatie yankee. Sur le plan international, c’est bien entendu la situation en Irak qui figure en tête des préoccupations de la présente Administration, même si le ton général, plus conciliant depuis quelque temps, s’inscrit dans la ligne du discours d’investiture prononcé il y a deux semaines. Ainsi, il n’est plus question d’« axe du mal » mais d’« arc de la liberté allant du Maroc à la Jordanie et à Bahreïn ». Sur les bords du Tigre, à en croire M. Bush, une nouvelle phase s’ouvre après le scrutin de dimanche dernier. Pour autant, il n’est nullement question, ainsi que le réclament les élus démocrates, d’établir un calendrier de retrait « car cela ferait croire aux terroristes que nous perdons patience ». La Syrie quant à elle se voit accusée « de continuer de permettre que son territoire, et certaines parties du Liban, soient utilisés par des terroristes qui cherchent à détruire toute chance de paix dans la région ». Aussi est-il demandé à ce pays d’« ouvrir la porte à la liberté », avec un rappel du Syria Accountability Act voté par le Congrès et déjà appliqué. Par contre, l’invite faite à l’Arabie saoudite et à l’Égypte de consolider leur leadership en donnant au peuple un rôle plus important pourrait paraître quelque peu maladroite. En définitive, rien de bien inquiétant dans tout cela, pas plus d’ailleurs, au contraire, que dans l’allusion à la coopération établie avec diverses nations d’Europe ou d’Asie pour amener l’Iran et la Corée du Nord à renoncer à leur programme nucléaire. La menace est absente, même si l’on croit déceler par moment des relents belliqueux, une concession mineure faite au clan des « faucons ». Ce qui achève de rassurer, c’est l’engagement, pour la première fois affirmé avec une telle force, que « les États-Unis n’ont ni le droit, ni le désir, ni l’intention d’imposer à d’autres notre système de pouvoir ». Vos avez aimé Bush-1 ? Quand on vous disait que vous allez adorer Bush-2… Christian MERVILLE
C’est dans le beau film de Bob Fosse, All that Jazz. Au réveil, le héros (Roy Scheider) prononce trois mots, en s’apprêtant à attaquer sa journée : « It’s Show Time ! » On ne pouvait s’empêcher l’autre soir de remémorer cette image en écoutant le discours sur l’état de l’Union de George W. Bush. Avec la participation des membres de la Chambre des...