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Actualités - OPINION

Bons regrets de Moscou

«Des élections démocratiques supposent que tout le peuple y prenne part ; et quand une large fraction des Irakiens s’y refuse, cela signifie que les conditions ne sont pas réunies pour un tel scrutin démocratique. » Cette sentence d’une logique imparable, on ne peut qu’y souscrire. Et c’est le plus providentiellement du monde qu’on la doit au président Bachar el-Assad, qui s’adressait aux journalistes arabes au terme de sa visite officielle à Moscou : providentiellement en effet, car voilà bien l’occasion de rappeler au souvenir de nos chers frères, voisins, alliés, tuteurs, hôtes et suzerains, ces premières élections législatives de l’après-guerre au Liban, massivement boycottées par les chrétiens, et qui permirent à la Syrie de « légaliser » sa mainmise sur notre pays. Que les chrétiens, par la suite, aient renoncé à la politique de la chaise vide n’a fait d’ailleurs que renforcer la détermination de Damas à raffermir son contrôle sur le Parlement libanais, à la faveur des découpages de circonscriptions hybrides, arbitraires, retenus lors des législatives de 1996 et 2000. Cette détermination est toujours là malgré les pressions internationales exercées sur Damas, malgré le recours contraint à l’option du caza. Davantage cependant que ces généreuses marques de sollicitude pour la démocratie en Irak, ce sont les propos du président Assad se rapportant expressément au Liban qui prêtent à débat. La Syrie, nous apprend-on en effet, est un pays doté d’institutions bien présentes, même si elles ont besoin d’évoluer, et elle a toujours souhaité entretenir des relations institutionnelles avec son voisin ; mais elle n’a jamais pu y parvenir à son grand regret, au point qu’il faut même se demander si les Libanais seront en mesure un jour d’édifier un État des institutions. Que la Syrie ne manque pas d’institutions, on en conviendra sans mal. Il reste que pléthore d’instances civiles, militaires ou fifty-fifty ne peut suffire pour faire un État de droit, aspiration suprême de tout citoyen ; que pour y parvenir, les institutions sont une condition nécessaire certes, mais non suffisante ; et qu’en tout état de cause, le modèle syrien ne fait pas particulièrement rêver les Libanais. Il reste surtout que si le Liban de l’après-guerre est toujours en panne d’institutions, nul n’ira en faire le reproche aux Chinois ou aux Fidjiens. C’est notoirement Damas en effet qui, tout au long de ces années, a contourné les institutions de Taëf pour se saisir des divers rouages du pouvoir local : mieux encore, qui a poussé le raffinement jusqu’à laisser épisodiquement se gripper la lamentable machine pour mieux se poser en gestionnaire avisé, en arbitre souverain d’une consternante, d’une irrémédiable immaturité libanaise. Et c’est encore Damas qui a laissé péricliter les organismes mixtes censés veiller au bon entretien de la coordination syro-libanaise, ceux-là mêmes que se propose de dépoussiérer dès lundi à Beyrouth le Premier ministre syrien Otri. Des extraordinaires déclarations de Moscou, on voudrait ne retenir en définitive que la décision de la Syrie de confier à son ministère des Affaires étrangères le dossier des relations avec le Liban. C’est énorme, si cette démarche implique réellement que l’on s’achemine vers des rapports d’État à État, encore que les Syriens se refusent toujours à envisager un échange d’ambassades. Et c’est dérisoire, s’il ne s’agit là que d’une vague concession faite à la volonté internationale : si, envers et contre tout, la Syrie continue de rejeter toute évolution, tout progrès. Si, plutôt que de sacrifier aux exigences de la modernité, elle s’en tient au trouble confort des ruines de Anjar. Issa GORAIEB
«Des élections démocratiques supposent que tout le peuple y prenne part ; et quand une large fraction des Irakiens s’y refuse, cela signifie que les conditions ne sont pas réunies pour un tel scrutin démocratique. »
Cette sentence d’une logique imparable, on ne peut qu’y souscrire. Et c’est le plus providentiellement du monde qu’on la doit au président Bachar...