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Actualités - OPINION

Opinion Le temps des démocrates

Le Liban a beaucoup souffert des décisions approximatives, concernant l’État et les citoyens, que ses dirigeants ont pris et prennent toujours depuis l’indépendance. Durant ce demi-siècle révolu, ce genre de prise de décisions où le « maaleich » (laisser-faire) était de rigueur a malheureusement suscité larmes et malheurs. Le « maaleich » nous a menés à l’accumulation de petites fautes et de petits problèmes qui sont devenus énormes avec le temps et qui ont conduit à alimenter les déséquilibres, les rancœurs et les injustices. Au lieu de punir les auteurs des fautes pour qu’ils ne les répètent plus jamais, ces fautes ont été ignorées, devenant des crimes. Au lieu de résoudre les problèmes pour qu’ils ne s’accumulent pas et qu’ils ne deviennent pas inextricables, ils les ont occultés et ils sont devenus insolubles. Laxisme et laisser-aller ont été notre lot quotidien. Les lois étaient transgressées, les libertés bafouées et les principes piétinés. Le constat? Un manque flagrant de démocratie dans le pays et un manque de sanction de la part du peuple. Dans cet état déplorable où nous avons été mis, le plus dangereux maintenant est que les pouvoirs sont complices. L’exécutif, le législatif et le judiciaire ne font plus qu’un pouvoir à plusieurs têtes, une sorte d’hydre qui sévit, puissante et tyrannique. L’anarchie d’antan s’est muée en tyrannie. Dans les pays démocratiques, le pouvoir exécutif, qui tire sa puissance du pouvoir législatif, est sanctionné à l’occasion d’élections législatives et peut être balayé en un soir. Le pouvoir législatif est issu du peuple, à l’occasion d’élections libres où chaque citoyen se prononce pour élire la personne et/ou le parti de son choix. La loi de la majorité est respectée dans le cadre de la Constitution et des autres pactes nationaux. Le vaincu accepte sa défaite et le vainqueur exerce le pouvoir. Quant au pouvoir judiciaire, il est libre, indépendant et exerce une justice « aveugle ». Qu’en est-il du Liban où on clame que les décisions prises par notre exécutif et les votes de notre Parlement sont sacro-saints et représentent l’avis du peuple ? Le pouvoir législatif est faussé par un découpage des circonscriptions taillées sur mesure pour « faire élire » les personnes « choisies par des fantômes », contrairement à ce que prévoit notre Pacte national, par la naturalisation de personnes afin qu’elles soient utilisées là où « on en a le plus besoin », par des pressions de diverses sortes exercées pour influer sur le cours des élections et par des décisions de justice pour annuler l’élection des uns et entériner celle des autres au cas où les résultats ne sont pas « conformes aux desiderata ». Le résultat est que le pouvoir exécutif issu d’un pouvoir législatif faussé est lui-même faussé et non représentatif. Donc le Liban est gouverné d’une manière fausse et non représentative. Est-ce que le pouvoir judiciaire est libre et indépendant ? Exerce-t-il une justice « aveugle » ? Je laisse les faits et évènements répondre à ces questions. Nous vivons une situation des plus inconfortables, où un grand point d’interrogation se dessine sur la légitimité des pouvoirs. Est-ce que le Liban et les Libanais sont condamnés à vivre « le fait du prince » ad vitam æternam ? Est-ce qu’il faut toujours attendre l’étranger pour nous sauver de nous-mêmes ? Il ne tient qu’à nous, Libanais, de modifier cette situation et personne d’autre ne le fera à notre place. Une prise de conscience nationale doit déboucher sur l’accession des démocrates au pouvoir. Il s’agit là de personnes qui se respectent et qui respectent leurs concitoyens, tous leurs concitoyens, qui suivent la Constitution de leur pays et les lois fondamentales, accords et pactes – tacites ou non – entre Libanais, qui croient en la nécessité du dialogue et en la vertu de la culture, qui veulent avancer franchement dans un monde en mouvement, qui privilégient la réflexion à l’empirisme, qui sont imprégnées de l’esprit de justice et qui s’y soumettent elles-mêmes, qui savent s’effacer quand elles ont perdu la confiance de leurs concitoyens, qui mettent l’intérêt de leur pays au-dessus de leur propre intérêt ou de l’intérêt présumé de leur communauté (car en agissant dans l’intérêt du Liban, on agit dans l’intérêt de toutes les communautés libanaises), et qui ne jouent pas à la roulette russe avec l’avenir de leur pays. Le temps est venu des démocrates de tous bords qui se reconnaissent en ces qualités. Il faut les appeler et il faut qu’ils se fassent connaître sans plus tarder. Ce seront nos futurs élus, et qui doivent être au-dessus de tout soupçon. Joseph W. ZOGHBI Paris
Le Liban a beaucoup souffert des décisions approximatives, concernant l’État et les citoyens, que ses dirigeants ont pris et prennent toujours depuis l’indépendance. Durant ce demi-siècle révolu, ce genre de prise de décisions où le « maaleich » (laisser-faire) était de rigueur a malheureusement suscité larmes et malheurs. Le « maaleich » nous a menés à l’accumulation de...