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Concert - Au hall de l’Université d’Helsinki La musique selon la tradition finlandaise avec Oramo et Mustonen(photos)

Helsinki, d’Edgar Davidian Nul au monde ne peut prétendre à plus d’art, de profondeur et de sérieux dans le domaine de la musique autant que la Finlande. Et pour cause. Jugez, les chiffres sont non seulement explicites mais d’une abassourdissante éloquence. Pour une population d’approximativement cinq millions d’âmes, plus de trente orchestres symphoniques sans compter les ensembles de musique de chambre! Trois orchestres symphoniques rien que pour la capitale, Helsinki. Plus de cent écoles et instituts musicaux (plus de deux mille enseignants pour les gammes et le solfège), dix conservatoires et une université de musique (plus de 1 600 étudiants, et qui peut se targuer d’accueillir les meilleurs musiciens d’ Europe), pour une éducation gratuite, totalement prise en charge par l’État. Plus de cinquante mille musiciens dans ce grouillant vivier du pays de Sibelius, éminent compositeur devant l’Éternel ! L’art appartient à tout le monde, cela nous fait rêver, nous Libanais habitués à payer nos tickets à prix d’or et à nous ruiner pour donner bonne éducation à nos enfants où la musique est un luxe bien onéreux. Quel est le secret de ce retentissant et remarquable succès de la musique où même les étrangers viennent puiser à ses sources? C’est bien simple, confie en souriant, avec cette exquise politesse finlandaise, Kai Amberla, directeur du Centre d’information musicale finnois : « Il n’y a pas de secret, vous créez un système éducationnel et vous attendez à peu près quarante ans, une ou deux générations, et la floraison est là !» Au pays des illustres compositeurs tels Magnus Lindberg, Kaija Saariaho (nous écouterons sans nul doute une de ses compositions cette année au Festival d’al-Bustan – Beit-Méry dans une œuvre opératique, L’amour de loin, dont le livret est signé Amin Maalouf), Rautavaara, Erkki Melartin, Palgren, Linko et, bien sûr, du fabuleux Sibelius, la musique ici est une affaire très sérieuse. Et, par ailleurs, l’on observe avec intérêt et plaisir le succès grandissant d’une maison d’édition finnoise telle « Ondine », à la pointe des productions actuelles, qui offre une palette d’enregistrements précieux et raffinés dont justement, heureux hasard des titres, l’Ondine de Ravel dans sa version orchestrale, avec Carole Bouquet récitant les poèmes d’Aloysius Bertrand, inspiration directe de la partition de Ravel. Des paysages du Nord en notes romantiques Un concert à Helsinki s’impose d’emblée. Surtout un concert transmis ultérieurement sur les chaînes télévisées de vingt-trois pays européens. Splendide hall de l’Université d’Helsinki, demi-cercle en gradins, avec ses portes en bois marquetées d’or, ses baignoires festonnées de guirlande, ses colonnes style empire, jouant à guichets fermés, avec un des auditoires les plus respectueux de la musique. Oui, on n’a pas besoin de lui intimer l’ordre de fermer ses téléphones portables. Cela vient naturellement, en prolongement d’un sens civique des plus éveillés. Au menu, concis mais dense, mêlant romantisme fiévreux et grandes fresques sonores, comme ces paysages magnifiques et sauvages de la Finlande, la part léonine, d’un lyrisme majestueux et torrentiel, est pour celle venue (paradoxalement explosive!) des grands froids des pays du Nord… Concerto à l’ancienne (in modo misolidio) pour piano et orchestre d’Ottorino Respighi, avec au clavier un Olli Mustonen au faîte de son art, et une somptueuse Symphonie (n°2 en d majeur op 43) de Jean Sibelius, le tout interprété par l’orchestre symphonique de Radio-Finlande sous la houlette du jeune et brillantissime maestro Sakari Oramo. Premières mesures du piano jouant à découvert pour une partition à trois mouvements et qui pourrait très bien être une fantaisie pour virtuose aux reflets à la fois torturés et éthérés. Véhémente et passionnée dès que l’orchestre rejoint les touches de l’ivoire, cette œuvre incandescente et éruptive a des envolées d’un romantisme indomptable et échevelé. On n’ignore guère que Respighi fut influencé par le souffle à la russe dû à un séjour à Saint-Pétersbourg pour études sous la férule de Rimsky-Korsakov épris du chant des steppes... Tempête d’applaudissements pour le pianiste Olli Mustonen, qui, par un jeu hypnotique, bouillonnant de démesure et de vitalité, à l’image d’une partition passant des déchirures les plus tagiques aux rêveries les plus tendres, a conduit l’auditoire vers des rives coruscantes. À peine sorti des grandes échappées flamboyantes de Respighi, le temps d’un petit entracte, et voilà la seconde symphonie de Sibélius, longue et somptueuse narration orchestrale considérée comme l’Héroïque des temps modernes. Fortes, vigoureuses, puissantes, d’une grandeur souveraine, ces pages éblouissantes sont bien l’ample écho d’une nature finlandaise altière et que l’on considère, à très juste titre, comme un paradis écologique. De même qu’il y a dans cette œuvre les traces de certaines réminiscences, notamment l’Italie et ses côtes ensoleillées… D’autres prêteront une dimension politique (le refus du joug de l’oppression russe en ces temps-là) et croiront dans les dernières phrases triomphantes du «finale» non seulement à la consolation mais à un futur plus radieux. Assertions que Sibelius ne niera pas tout en ne les infirmant pas non plus… L’allegro est frais comme un rayon du jour. Le déchaînement des archets sur fond de clarinette est comme un chant d’oiseaux dans une forêt surprise par la majesté des montagnes qui la gardent… Le tempo andante injecte force et angoisse à une partition habitée d’un lyrisme jamais en demi-teintes, comme les couleurs tranchées des saisons du pays de cent mille lacs… Le vivacissimo a les éclats rougeoyants de la maturité que le finale porte d’ailleurs en apothéose. Défiant le froid glacial de la nuit et des neiges qui s’amoncellent sur les trottoirs, une salle comble, médusée et ravie, noie maestro Sakari Oramo et l’ensemble de l’orchestre de Radio-Finlande sous une trombe d’applaudissements. Jamais public ne fut plus recueilli et plus comblé. Prestation sans faille qui, du bout de la baguette du chef toujours à l’affût, fait retentir les cordes du plus lointain des archets, du plus obscur des bassons, de la plus fragile des clarinettes et ramène la quiétude du silence après la rage des tempêtes… Kiitos maestro ! Merci maestro!

Helsinki, d’Edgar Davidian

Nul au monde ne peut prétendre à plus d’art, de profondeur et de sérieux dans le domaine de la musique autant que la Finlande. Et pour cause. Jugez, les chiffres sont non seulement explicites mais d’une abassourdissante éloquence. Pour une population d’approximativement cinq millions d’âmes, plus de trente orchestres symphoniques sans compter les...