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Médias - Le Liban fustige les mesures de Washington et Paris contre la chaîne du Hezbollah Censurer al-Manar, c’est assimiler la lutte contre Israël au terrorisme, estiment les défenseurs de la chaîne

Les mesures de Washington et de Paris contre la chaîne al-Manar et sa qualification de média terroriste par le département d’État américain ont été perçues au Liban comme un amalgame entre la lutte contre Israël et le terrorisme. Le ministre libanais de l’Information Élie Ferzli a affirmé à la presse qu’il s’agissait d’une « tentative de faire taire toute voix qui s’oppose à Israël, en la qualifiant de terroriste ». Il a ajouté que le gouvernement libanais, « suite à une recommandation de la commission parlementaire des Affaires étrangères, étudie avec minutie la possibilité de prendre des mesures de rétorsion envers des médias américains et français ». Pour l’ambassadeur du Liban à Washington, Farid Abboud, l’Administration américaine « cherche à liquider un média en l’accusant d’être la voix de Satan. Il est inacceptable de censurer un média juste parce qu’il défend des thèses auxquelles il croit en prenant partie dans le conflit israélo-arabe ». Le quotidien libanais as-Safir souligne la « concomitance des mesures américaines et françaises » et se demande s’« il ne s’agit pas d’une tentative d’internationaliser l’interdiction d’al-Manar et de mettre la chaîne hors du paysage audiovisuel du monde “civilisé” (NDLR, occidental) ». « L’objectif des États-Unis est d’obtenir qu’al-Manar soit interdite sur l’ensemble des continents américain et européen et que sa diffusion se limite aux pays du tiers monde, car ils veulent qu’il n’y ait qu’un seul son de cloche: celui d’Israël », ajoute as-Safir. Pour l’ancien Premier ministre libanais Salim Hoss, « Washington qualifie de terrorisme le “droit à la résistance contre l’occupation israélienne” et de “légitime défense” le terrorisme israélien et l’usurpation par Israël d’une terre qui appartient à un autre peuple ». Les États-Unis ont annoncé vendredi avoir classé la chaîne parmi les organisations terroristes, une décision qui a entraîné aussitôt sa disparition des écrans américains. Cette décision est intervenue après l’annulation par le Conseil supérieur de l’audiovisuel français (CSA) de la convention signée avec al-Manar qui l’autorisait à diffuser sur la France via l’opérateur européen Eutelsat. Les critiques d’al-Manar contre la France ne sont toutefois pas aussi virulentes. Un responsable de la direction de la chaîne a affirmé à l’AFP sous couvert d’anonymat que « la décision française a été prise sous la pression du lobby israélien et le CSA a fait rater une occasion de dialogue des cultures ». L’interdiction de la diffusion de la chaîne en France a été précédée d’une campagne politique et médiatique. Seul son de cloche dissident : celui de Reporters sans frontières qui a estimé que la censure d’un média n’est « jamais la bonne solution ». Selon des sources audiovisuelles libanaises, al-Manar continue de diffuser en France par le biais de NileSat. Aux États-Unis, l’opérateur satellitaire international GlobeCast, filiale de l’opérateur français France Télécom, a retiré al-Manar de son bouquet de diffusion. « La chaîne n’est plus présente » dans notre offre satellitaire, a dit à l’AFP le porte-parole de GlobeCast, Robert Marking. Le média Link TV, basé à San Francisco et qui se fournissait auprès de GlobeCast pour retransmettre une sélection d’émissions d’al-Manar aux États-Unis dans le cadre d’un programme appelé « Mosaïque, nouvelles mondiales du Moyen-Orient », a confirmé que le signal de la chaîne ne lui parvenait plus. Al-Manar ne peut plus être regardée qu’au Moyen-Orient, dans certaines parties de l’Afrique et peut-être dans le sud de l’Europe, selon des distributeurs satellitaires. Le département d’État a précisé que la décision américaine avait aussi des conséquences pour tout individu ayant des liens avec al-Manar, en étant membre de cette chaîne, en sollicitant des fonds pour la financer ou en lui apportant un soutien quel qu’il soit. Ces personnes se verront refuser tout visa pour les États-Unis ou, si elles se trouvent déjà sur le territoire américain, seront soumises à une procédure d’expulsion, a dit Richard Boucher, le porte-parole du département d’État. Il a ajouté qu’il ne savait pas si des personnes étaient déjà concernées par un tel ordre d’expulsion. « Du terrorisme intellectuel » « La décision du département d’État américain est tout simplement du terrorisme intellectuel car elle censure un média qui estime avoir pour mission de défendre un point de vue et une cause (...) ceux des Arabes et des musulmans », affirme un communiqué d’al-Manar à Beyrouth, qui ne parle pas cependant de l’interdiction faite par la France. « La qualification d’al-Manar d’organisation terroriste par les États-Unis n’est que l’inauguration d’une nouvelle ère. Celle de la réduction au silence, au nom de la lutte contre le terrorisme, de toute voix ou tout média qui ose critiquer Israël et qui prend fait et cause pour le peuple palestinien », a indiqué la direction de la chaîne dans un communiqué. « Al-Manar est membre de l’Union des médias audiovisuels arabes. Elle est soumise aux règles édictées par la Ligue arabe et diffuse en vertu d’une autorisation légale libanaise. Nous ne sommes ni un parti ni une organisation politique », ajoute le communiqué. La chaîne ajoute que cette décision « ne lui fait pas peur » et qu’elle « se battra contre elle par tous les moyens légaux ». Les autres réactions locales À Beyrouth, le vice-secrétaire général du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, a critiqué hier la position de la France, soulignant que ce pays, qui a incarné pendant longtemps les libertés et les droits de l’homme, « est en voie de régression ». Cette interdiction « pave la voie au sous-développement et réinstitue la mentalité colonialiste », a encore estimé cheikh Kassem. Soulignant que la position de la France est « contraire à la liberté d’expression », cheikh Kassem n’a pas manqué d’évoquer l’interdiction par le gouvernement français du port du voile, « une atteinte à la liberté religieuse », a-t-il dit. Également parmi les réactions libanaises, la déclaration du vice-président de l’Union des journalistes arabes, Melhem Karam, qui a affirmé que « l’Union a stigmatisé la récente décision américaine de faire figurer al-Manar sur la liste des organisations terroristes. Celle-ci consiste à hypothéquer la liberté d’expression et à violer la liberté de la presse », a-t-il dit.
Les mesures de Washington et de Paris contre la chaîne al-Manar et sa qualification de média terroriste par le département d’État américain ont été perçues au Liban comme un amalgame entre la lutte contre Israël et le terrorisme.
Le ministre libanais de l’Information Élie Ferzli a affirmé à la presse qu’il s’agissait d’une « tentative de faire taire toute voix qui...